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textes fondamentaux. C'est évidemment aux discours du Bouddha qu'il a fallu puiser tout le reste.

La première théorie qui se présente, et qui, au point de vue de la méthode, doit en effet précéder toutes les autres, c'est celle des quatre vérités sublimes (âryâni satyâni). Elle est connue de tous les Bouddhistes sans exception; et elle est adoptée au sud et à l'est aussi bien qu'au nord, à Ceylan, au Birman, au Pégu, à Siam, à la Chine, tout comme au Népâl et au Tibet.

Ces quatre vérités, les voici :

D'abord c'est l'existence de la douleur dont l'homme est atteint,sous une forme ou sous une autre, quelle que soit la condition éclatante ou obscure dans laquelle il naît icibas. C'est là un fait malheureusement incontestable, bien qu'il ne porte pas toutes les conséquences qu'y a vues le Bouddhisme; et c'est comme une base inébranlable, aussi triste que vraie, donnée à tout l'édifice du système.

En second lieu, c'est la cause de la douleur, que le Bouddhisme n'attribue qu'aux passions, au désir, à la faute.

La troisième vérité sublime, propre à consoler de la funeste réalité des deux autres, c'est que la douleur peut cesser par le Nirvâna, ce but suprême et cette récompensc de tous les efforts de l'homme.

Enfin, la quatrième et dernière vérité, qui tient encore plus étroitement aux croyances particulières du Bouddhisme, c'est le moyen d'arriver à cette cessation de la douleur, c'est la méthode du salut, c'est la voie qui conduit au Nirvâna (marga, en pâli magga).

La voie ou la méthode du salut a huit parties; et ce sont autant de conditions que l'homme doit remplir pour assurer sa délivrance éternelle.

Voici les huit parties de la méthode.

La première, selon le langage bouddhique, est la vue droite, c'est-à-dire la foi et l'orthodoxie; la seconde, c'est le jugement droit, qui dissipe toutes les incertitudes et tous les doutes; la troisième, c'est le langage droit, c'està-dire la véracité parfaite, qui a horreur du mensonge et qui le fuit toujours sous quelque forme qu'il se présente ; la quatrième condition du salut, c'est de se proposer dans tout ce qu'on fait une fin pure et droite, qui règle la conduite et la rend honnête; la cinquième, c'est de ne demander sa subsistance qu'à une profession droite non entachée de péché, en d'autres termes, à la profession religieuse; la sixième, c'est l'application droite de l'esprit à tous les préceptes de la Loi; la septième est la mémoire droite, qui garantit de toute obscurité et de toute erreur le souvenir des actions passées; et la dernière enfin, c'est la méditation droite, qui conduit dès ici-bas l'intelligence à une quiétude voisine du Nirvâna.

Ces quatre vérités sublimes sont celles que Siddhartha comprit enfin à Bodhimanda, sous l'arbre Bodhi, après six ans de méditations et d'austérités; ce sont celles qu'il enseigna tout d'abord à ses cinq disciples, quand il fit tourner pour la première fois la roue de la Loi, à Bénarès. C'est parce qu'il les a comprises qu'il est devenu Bouddha; et quand il prêche sa doctrine au monde, c'est toujours aux quatre vérités qu'il donne la préférence sur toutes les autres parties de son enseignement. Dans sa grande lutte contre les Tîrthîyas ou Brahmanes du Koçala, en présence de Prasénadjit, lorsqu'il a défait ses adversaires, et que les Brahmanes s'enfuient en criant: << Nous « nous réfugions dans la montagne; nous cherchons un

asyle auprès des arbres, des eaux et des ermitages, » Bhagavat leur adresse ces paroles de dédain et d'adieu :

Beaucoup d'hommes chassés par la crainte cherchent <<< un asyle dans les montagnes et dans les bois, dans les << ermitages et auprès des arbres consacrés. Mais ce n'est << pas le plus sûr des asyles; ce n'est pas le plus sûr des « refuges. Celui, au contraire, qui cherche un refuge auprès du Bouddha, de la Loi et de l'Assemblée, quand << il voit, avec l'œil de la sagesse, les quatre vérités su« blimes, qui sont : la douleur, la cause de la douleur, « l'anéantissement de la douleur, et le chemin qui y con«< duit, la voie formée de huit parties, sublime, salutaire, « qui mène au Nirvâna; celui-là connaît le plus certain des « asyles, le plus assuré des refuges. Dès qu'il y est par« venu, il est délivré de toutes les douleurs. >>

Si l'on en croit la tradition des Mongols et des Tibétains, la théorie des quatre vérités occupa presque seule le premier concile; et ses travaux se bornèrent à rédiger les Soûtras qui l'exposent. Elle est, en quelque sorte, la source et le résumé de toute la doctrine bouddhique. On l'a réduite, pour l'usage des fidèles, en une stance composée de deux vers que tous les Bouddhistes savent par cœur, et qui est pour eux un véritable acte de foi. Les religieux la répètent sans cesse; elle est inscrite sur le piédestal de la plupart des statues du Bouddha :

« C'est le Tathagata qui a expliqué la cause de tous « les effets procédant d'une cause antérieure; et c'est « aussi le grand Crâmana qui a expliqué la cessation de « ces effets. 1»

A cette stance, qui est sacramentelle, on en joint souvent une seconde, qui, à un autre point de vue, résume aussi la doctrine du Bouddha. Csoma

Les effets, ce sont la douleur et l'existence actuelle, ayant pour cause des fautes passées; la cause, c'est la production de la douleur; la cessation de ces effets, c'est le Nirvâna; enfin, l'enseignement du Tathâgata ou du grand Cramana, c'est la voie qui mène au Nirvâna.

A la suite des quatre vérités sublimes, et immédiatement après elles, il faut placer un certain nombre de préceptes moraux qui sont fort simples sans doute, mais que le Bouddha ne devait point négliger, non plus que ne l'a fait aucun réformateur. Les cinq premiers de ces préceptes sont: Ne point tuer, ne point voler, ne point commettre d'adultère, ne point mentir, et ne point s'enivrer. A ces prescriptions, on en ajoute cinq autres qui sont moins graves, mais qui ne laissent point que d'avoir de l'importance S'abstenir de repas pris hors de saison; s'abstenir de la vue des danses et des représentations théâtrales, chants, instruments de musique, etc.; s'abstenir de porter aucune parure et de se parfumer; s'abstenir d'avoir un grand lit; enfin s'abstenir de recevoir de l'or ou de l'argent.

:

Ce sont là les dix aversions ou répugnances (véramanîs)

de Körös l'a trouvée à la suite de la première dans les ouvrages tibétains qu'il consultait; elle est reproduite fréquemment dans les Soûtras singhalais. La voici: «Abstention de tout péché, pratique constante de toutes les vertus, << domination absolue de son propre cœur, tel est l'enseignement du Boud<< dha. » Deux autres stances d'un caractère analogue se représentent plus souvent encore dans les Soûtras népalais; on les rapporte à Çakyamouni lui-même ; il les avait fait mettre sous son portrait, que Bimbisâra envoyait en présent à Roudrâyana, roi de Rorouka: « Commencez; sortez de la mai«son; appliquez-vous à la loi du Bouddha; renversez l'armée de la mort, «< comme un éléphant renverse une hutte de roseaux. Celui qui marchera << sans distraction dans cette discipline de la Loi, après avoir échappé à la « révolution des naissances, mettra un terme à la douleur. »

que doivent ressentir tous les novices, ou plutôt tous les hommes qui ont foi au Bouddha. Les cinq premières règles surtout sont obligatoires pour tout le monde, sans aucune exception. Mais on peut croire que les autres regardent plus particulièrement les religieux, qui ont d'ailleurs un code spécial dont je parlerai plus loin. On comprend que les règles même les plus générales prennent pour eux un caractère de sévérité qu'elles ne peuvent pas avoir pour les simples laïques; et c'est ainsi que les religieux ne doivent pas seulement s'abstenir de l'adultère, il faut, en outre, qu'ils gardent la plus inflexible chasteté.

Des ouvrages entiers, au nord et au sud, ont été consacrés à la classification méthodique des péchés et des fautes; mais ces ouvrages, un peu postérieurs au temps du Bouddha, sont moins une reproduction exacte qu'un développement de sa doctrine, et je ne crois pas devoir m'y arrêter, tout curieux qu'ils sont, parce que je ne recherche ici que les théories personnelles de Çâkyamouni. Mais on doit penser que c'est bien le Bouddha luimême qui a prescrit à ses religieux et à ses religieuses les douze observances suivantes, dont les ouvrages singhialais et chinois nous ont conservé le souvenir. Elles sont fort sévères; mais Siddhartha les avait pratiquées lui-même durant de longues années avant de les imposer aux autres, et quand un jeune prince avait donné cet héroïque exemple, il n'était permis à personne parmi les croyants d'hésiter à le suivre. Il ne faut pas perdre de vue que ces règles ne concernent que les religieux, c'est-à-dire les hommes d'une piété supérieure, qui ont renoncé au monde et qui doivent désormais dédaigner tous ses intérêts et toutes ses jouissances.

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