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<«< il a été établi de grands ministres de la Loi et de grands << ministres surveillants des femmes, ainsi que des in«specteurs des choses secrètes et des agents d'autre es« pèce. Et le fruit de cette institution, c'est que le développement des religions ait lieu promptement, ainsi que « la diffusion de la Loi. >>

Je ne pousserai pas plus loin ces recherches et ces citations, parce que je crois que la démonstration doit être complète, et que l'immense et très-heureuse influence de la morale bouddhique sur les individus et sur les peuples est maintenant hors de doute. C'est un très-grand résultat que je tenais à constater, et qui doit occuper désormais sa place dans l'histoire de l'humanité.

Mais je ne veux pas quitter cet ordre de considérations sans y ajouter un fait plus irrécusable encore que tous ceux qui précèdent. Je veux parler de cette ardeur de prosélytisme et de conviction que le Bouddhisme a su communiquer aux nations les plus éloignées. Au cinquième et au septième siècle de notre ère, des pèlerins chinois ont traversé, au milieu des plus affreux dangers, les contrées qui séparent la Chine du nord et de l'ouest de l'Inde, pour venir chercher au berceau du Bouddhisme les livres saints, les pieuses traditions, et y adorer les monuments de toutes sortes élevés en l'honneur du Bouddha.

Fa-Hien partait de Tchhang'an, au nord de la Chine, aujourd'hui Si'-an-fou, en 399 de l'ère chrétienne, traversait toute la Tartarie, franchissait les montagnes du Tibet, les plus hautes du globe, passait plusieurs fois l'Indus, suivait les bords du Gange jusqu'à son embouchure, s'embarquait pour Ceylan, qu'il visitait, relâchait à Java, et revenait dans sa patrie, après quinze ans d'absence, ayant

fait environ douze cents lieues par terre et deux mille au moins par mer, uniquement dans l'intention de rapporter des versions plus exactes des textes sacrés dont le sens commençait à se perdre en Chine. Après tant d'épreuves et de souffrances, rentré seul à son foyer, d'où il était parti avec de nombreux compagnons, voici en quels termes modestes et dignes Fa-Hien appréciait son héroïque dévouement :

<< En récapitulant ce que j'ai éprouvé, mon cœur s'emeut involontairement. Les sueurs qui ont coulé dans mes périls ne sont pas le sujet de cette émotion. Ce corps a été conservé par les sentiments qui m'animaient. C'est mon but qui m'a fait risquer ma vie dans des pays où l'on n'est pas sûr de sa conservation, pour obtenir à tout risque ce qui faisait l'objet de mon espoir 1.

>>

Hiouen-Thsang, qui voyage deux cent vingt ans environ après Fa-Hien, est beaucoup plus instruit que lui; mais il n'est pas plus courageux. Il recueille beaucoup plus de matériaux, et son récit, que nous connaissons par ses Mémoires et par l'analyse de deux de ses disciples, est une mine inappréciable de renseignements de tout genre sur le Bouddhisme indien au vn siècle, ainsi que j'aurai plus loin l'occasion de le faire voir; mais HiouenThsang n'apporte pas à son entreprise ni plus d'énergie ni plus de ténacité que Fa-Hien. Il reste seize ans absent depuis son départ de Liang-Tcheou, au nord-ouest de la Chine, en 629, jusqu'à son retour à Si'-an-Fou, en 645. Arrivé dans l'Inde par le pays d'Oïgous, la Dzoungaric, la Transoxane, où dominait dès lors la nation turque, et

Foe-Koué-Ki de M. Abel Rémusat, p. 363.

par l'Hindou-Kouch, il commence dans le pays d'Attok ef d'Oudyâna ses explorations saintes. Il visite les parties septentrionales du Penjâb, le Kachemire, et redescendant au sud-est, il parvient à Mathourâ; il parcourt tous les royaumes compris entre le Gange, la Gandaki et les montagnes du Népal, Ayodhyâ, Prayâga, Kapilavastou, berceau de Çakyamouni, Kouçinagara, où il mourut, Bénarès, où il fit ses premières prédications, le Magadha, où il a passé sa vie, et les royaumes situés au nord-est et à l'est du Gange. De là, il revient au sud, parcourt une grande partie de la presqu'île méridionale, sans aller jusqu'à Ceylan, et se dirigeant à l'ouest, il parvient dans le Goudjarat, remonte dans le Moultân, revoit le Magadha, le Penjab, les montagnes de l'Hindou Kouch, et rentre dans le nord-ouest de la Chine par les royaumes de Kachgar, de Yarkand et de Khotan, rapportant des reliques et des statues du Bouddha, mais surtout des ouvrages sur toutes les parties de la doctrine bouddhique, au nombre de six cent cinquante-sept.

Les travaux de ces pèlerins n'étaient point finis avec leurs pénibles voyages. Rentrés dans la patrie, deux soins nouveaux les occupaient : écrire la relation de leur entreprise, et traduire les livres qu'ils avaient conquis au prix de tant de fatigues et de périls. Ainsi Hiouen-Thsang consacrait les vingt dernières années de sa vie à faire passer dans la langue chinoise les principaux documents qu'il avait recueillis auprès des plus éminents docteurs du Bouddhisme. Quelles nobles existences! quels héroïsmes! que de désintéressement et de foi! Et, quand on pénètre dans le détail des actions, quelle douceur ! quelle résignation! quelle simplicité quelle droiture!

Mais aussi quel admirable témoignage pour une doctrine qui, à douze cents ans de distance, peut encore inspirer à ces âmes généreuses tant de confiance, de courage et d'abnégation! Pourtant les principes sur lesquels cette morale repose sont profondément faux; et les erreurs qu'ils renferment sont au moins égales aux vertus qu'ils propagent.

Mais je reviendrai plus loin sur les voyages de HiouenThsang; et je poursuis, en passant à la métaphysique du Bouddhisme,

CHAPITRE QUATRIÈME

Métaphysique du Bouddhisme, ou Abhidharma: la transmigration; son étendue illimitée depuis l'homme jusqu'à la matière inerte; obscurité de la doctrine bouddhique sur l'origine de la transmigration; explication de la destinée humaine par l'Enchaînement connexe des douze causes réciproques : théorie du Nirvâna ou du salut éternel par le néant; le Dhyâna.

On ne saurait douter que Çakyamouni, bien que songeant par-dessus tout à la pratique, ne se soit fait une théorie. Il avait été l'élève des Brahmanes, el la direction toute méditative de son propre génie devait le conduire à rechercher les bases essentielles de sa doctrine. Il n'a point, il est vrai, séparé formellement la métaphysique de la morale; mais de la morale il a dù, par la nécessité même des choses, remonter à des principes plus hauts; et, dans son enseignement, il a joint aux préceptes qu'il donnait sur la discipline de la vie les axiômes qui justifiaient ces préceptes en les expliquant. De là vient que le premier concile ses disciples firent de la métaphysique, sous le nom d'Abhidharma, un des recueils, une des << trois corbeilles » (tripitaka), entre lesquels on partagea l'ensemble des livres canoniques.

dès

L'ouvrage qui passe pour renfermer plus particulière

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