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pas ici; mais qu'importeroit-il qu'il fût le premier écrivain de son siècle, s'il en étoit aussi le plus méprisable? Que fait à l'homme de bien la célébrité du crime et de l'infamie? Le talent n'a de prix que par le bon usage que l'on en fait; estime-t-on un fleuve pour les inondations dont il ravage les campagnes? et que seroit pour nous le Soleil, si au lieu d'éclairer il embrâsoit l'univers ? Nous n'entrerons dans aucun détail sur ce novateur trop fameux à qui il a été donné de corrompre son siècle; mais au moment où l'ennemi le plus acharné de la patrie vient de rallumer les feux de la guerre, comment, en parlant de Voltaire, ne pas se rappeler le crime national dont il se rendit coupable, quand il osa répandre les ordures de l'imagination la plus dépravée sur cette fille immortelle, héroïne de pudeur comme de courage, qui arracha la France des mains des Anglais? et à ce sujet, comwent ne pas observer qu'on ne sait ce qu'il y a de plus méprisable, ou de l'écrivain qui commit un tel forfait, ou du gouvernement qui le toléra, ou du siècle qui se laissa subjuguer par cet homme ? V.

*

X.

Portrait de Voltaire et de Rousseau.

...Le nombre de ses ennemis (de la religion) croissoit tous les jours: on les voyoit rangés sous différens chefs, dont le plus fameux s'élevoit au-dessus de tous les autres par le zèle de l'impiété, autant

que par l'éminence de ses talens. Ce zèle s'étoit allumé dans son coeur dès ses plus tendres années ; il s'accrut avec l'âge, et prit une nouvelle activité dans les glaces de la vieillesse. Sa maxime fondamentale étoit qu'il n'y a rien de sérieux en cette vie, et que le sage se moque de tout. Ses injures, ses calomnies et ses intrigues les plus odieuses ne donnèrent pas à la religion des atteintes aussi funestes que le ridicules dont il savoit couvrir les objets les plus sacrés et les personnages les plus vénérables. Il lança sur la pudeur, compagne inséparable de la piété, des traits dont elle interdit le souvenir. Ce rire moqueur qui lui étoit naturel, se communiquoit rapidement aux ames légères dont le nombre est infini, et faisant taire la raison et le sentiment, leur inspiroit, avec le mépris des choses saintes, le mépris de l'honneur et de la vertu. Tel fut l'oracle du dixhuitième siècle. C'est ainsi qu'il préludoit au renversement de cette monarchie, et qu'il mérita l'hom mage solennel que ses disciples lui ont rendu, au moment où ils portèrent leurs mains destructives sur cet antique édifice, sans prévoir qu'ils seroient écrasés sous ses ruines.

Tandis que la foule des esprits frivoles ou corrompus se jouoit avec lui autour de l'aby me creusé par sa témérité, son rival entraînoit par ses sophismes des esprits plus graves, et séduisoit par les prestiges de son éloquence, des ames plus sensibles. Il possédoit l'art de donner les couleurs de la vérité aux plus étranges paradoxes, et de peindre les passions les plus dangereuses sous les traits même de la vertu art funeste dont il trouva tous les secrets dans les illusions de son esprit et de son coeur, et qu'il porta au plus haut degré par le vain desir d'étonner les hommes.

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Après avoir essayé ses talens par une déclama→ tion contre les lettres, il tourne son éloquence contre la société elle-même qu'il met en opposition avec la nature: il propose ensuite pour les concilier, un plan d'éducation heureusement impraticable; puis il bâtit une république imaginaire qui servira de modèle à tous les séditieux. Son zèle s'enflamme contre les mœurs de son temps, et pour les corriger, il met les leçons de la vertu dans la bouche de la volupté, et le calme de la sagesse, dans un cœur flétri par l'athéïsme.

Le ton impérieux de ce réformateur universel n'offense point ses disciples; l'absurdité de ses principes et leurs conséquences désastreuses ne les alarment pas ; l'incohérence de sa doctrine et ses contradictions les plus évidentes, n'altèrent point leur confiance. Ils le suivent, les uns avec une folle sécurité, les autres, malgré les plus justes frayeurs, jusque dans les ténèbres d'un doute qui a pour objet nos intérêts éternels.

Que dirai-je des honneurs qu'ils rendent à sa mémoire, et de cette admiration qui ne se refroidit pas, soit qu'il décrive ses égaremens avec complaisance, ou qu'il publie ses remords avec ostentation, soit qu'il révèle la honte de ses amis et de ses bienfaiteurs, ou qu'il s'efforce de justifier dans sa propre conduite l'oubli des devoirs les plus doux et les plus sacrés? Tel que ces divinités fabuleuses dont les désordres ne scandalisoient pas leurs plus vertueux adorateurs, nous voyons encore à ses pieds des hommes meilleurs que lui, et qui rougiroient de lui ressembler. G...d.

X I.

Inscription d'une Statue de Voltaire, pour l'érection de laquelle les disciples de ce philosophe avoient fait une espèce de quête.

En tibi dignum lapide VOLTARIUM;
Qui

In Poësi magnus,

In Historia parvus,
In Philosophiâ minimus,
In Religione nullus;
Cujus

Ingenium acre,
Judicium præceps,
Impietas summa;
Cui

Arrisére mulierculæ,
Plausêre scituli,
Favère profani;
Quem

Irrisorem hominum Deûmque
S. P. Q. physico-atheus,
Ex ore collecto, statuâ donavit.

ΧΙΙ.

Sur la Tragédie de Mahomet.

QUELLE fut la cause du prodigieux succès

de ce drame, imposteur comme son héros? Nous la trouverons dans le Cours de Littérature de M. de La Harpe, que son excessive prévention pour les tragédies de son maître ne peut rendre suspect qu'à celui qui en relève les défauts.

« C'est moins, dit ce célèbre critique, sous le >> point de vue de l'utilité générale que Voltaire >> sembloit préférer la tragédie de Mahomet à toutes >> celles qu'il avoit faites, qu'à cause du dessein » qu'il y cachoit, et qu'on aperçut, de rendre le » christianisme odieux. » Et M. de La Harpe ajoute à la page suivante: «Que l'auteur s'en vanta dans » la société. »

Si M. de Voltaire eût eu affaire à des hommes plus instruits, et à un siècle moins prévenu contre la religion, il eût risqué de rendre sa chère philosophie odieuse, plutôt que le christianisme. En effet, la doctrine de Mahomet n'a rien de commun avec la religion chrétienne. Elle est, comme la philosophie du dix-huitième siècle, un vrai déisme subtil en Europe, grossier en Orient, pensée de Dieu sans action publique; culte sans sacrifice; morale dénuée de sanction, qui, en prêchant à l'homme la tolérance, la tempérance et la bienfaisance, produit dans les lois et dans les mœurs, à Paris, comme à Constantinople, la haine des autres religions, la polygamie, le divorce et l'usure. Il eût fallu, ce semble, pour atteindre plus sûrement le but de rendre le christianisme odieux, mettre sur la scène des personnages chrétiens; leur prêter un horrible forfait, concerté aux pieds des autels, conseillé par des prêtres, commis au nom de la religion. (1) Avec tout cela, Voltaire lui-même n'au roit pas fait une bonne tragédie; car si le dessein de rendre la religion respectable a produit les chefs-d'œuvres d'Athalie et de Polyeucte, il est dif

(1) Cet article a été fait à l'occasion de la mort de Henri IV qui suivant M. de Bonald, ressemble fort à Mahomet, sous le rapport de la moralite et peut-être même laisse l'avantage à la Pièce de Voltaire.

Tome V.

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