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flatteur est une preuve du mérite de quelqu'un de leurs ouvrages existans, il ne s'en suit pas que tout ce qu'ils publieront sera désormais sans-tache: ce seroit là une brillante vertu qu'auroient les bancs de l'Institut, et leur effet inspirateur seroit encore plus surprenant que celui du trépied de Delphes. D'ailleurs, il faudroit, par une conséquence rigoureuse, défendre au parterre de jamais siffler les vers des académiciens, et obliger le public à lire et à louer tous leurs livres. Tant que leurs tragédies tomberont, tant qu'il pourra arriver à leurs ouvrages de rester ensevelis dans la poussière, il doit être permis aux critiques de les faire apercevoir de quelques distractions. Qu'importent, d'ailleurs, aux membres de l'Institut les plaisanteries ou les critiques de quelques journalistes inconnus! Leur carrière n'est-elle pas remplie? N'ont-il pas atteint le but le plus élevé de leur ambition littéraire ? Ils doivent se regarder comme ces triompháteurs qui traversoient sur un char élévé la ville maîtresse du monde, et qui, d'un front serein, jouissoient de leur gloire, sans s'inquiéter des sarcasmes, des mauvaises plaisanteries et des chansons satiriques que leurs soldats étoient dans l'usage de débiter autour d'eux pendant leur marche triomphale. Au reste, je ne sais pourquoi on s'inquiète des effets de la critique, lorsque l'expérience a prouvé que les bons onvrages survivoient à toutes les censures qu'on en avoit faites, tandis que les critiques justes et solides restent comme des lecons utiles à conserver, long-temps après les foibles écrits qu'elles ont combattus. J'aurois, dans l'histoire des lettres, vingt exemples à l'appui de cette vérité; les derniers volumes du Spectateur m'en fournissent un de plus on a

presque oublié les écrits dont ils rappellent le titre et les sujets, mais on retrouve encore avec plaisir, et on lit avec fruit des dissertations littéraires et morales, où brillent la raison et le talent.. A. D.

L V I.

DISCOURS (1) sur l'influence de la Philosophie

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sur les Lettres.

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N ne doit pas considérer les lettres comme uniquement destinées à procurer un amusement frivole et passager; elles se proposent un objet plus solide et plus noble. L'écrivain qui sait plaire n'a rempli qu'une des obligations que son art lui impose. Mais quand il a su parer l'austêre vérité des graces de l'imagination, et nous instruire en nous amusant, c'est alors qu'il a touché le but, et qu'il est parvenu au point de perfection dont la littératurc est susceptible.

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11 faut donc que les connoissances se réunissent avec les talens, pour donner aux ouvrages de goût ce dégré d'utilité si précieux et si rare II faut que la philosophie éclaire le génie de ses lumières, et lui suggère les idées qu'il doit orner et embellir. Dans l'enfance du monde et des arts, les philosophes seuls étoient chargés de l'instruction du genre humain. La raison et la vérité nues avoient alors assez d'empire sur des hommes simples, que le luxe et les

(1) Ce discours qui est tiré de l'année littéraire, renferme comme dans un tableau raccourci, les principes de littérature qui se trouvent développés et appliqués dans ce recueil. Sous ce rapport comme sous celui du talent de son auteur, il nous a para très propre à terminer ce volume.

vices n'avoient point corrompus; mais quand les moeurs pures des premiers âges commencèrent à s'altérer, quand la raison devint odieuse à l'homme asservi par les passions, il fallut orner la vérité des couleurs du mensonge, et la triste austérité des philosophes fit place à l'imagiuation riante et fleurie des poëtes, à l'art et à la pompe des orateurs.

Homère embellit des images de la poësie les mystères de la théologie payenne, les leçons les plus importantes de la morale, et les préceptes de presque toutes les sciences. Mieux qu'aucun philosophe il sut faire connoître le prix de la vertu, et inspirer de l'horreur pour le vice. Lorsque de l'épopée se formèrent les différents genres de poësie, on vit toujours la vérité et la morale annoncées sous différentes formes.La tragédiedonnades leçons de modération et d'humanité, en nous offrant des exemples frappaus des caprices de la fortune, elle s'efforça de nous rendre vertueux et sages, en nous montrant les suites funestes des passions et des crimes. La comédie couvrit la raison du masque de la folie, et nous fit rire de nos travers pour nous en corriger.

L'apologue, pour nous instruire fit parler les animaux. La morale se maria daus les odes aux doux accens de la lyre, et jusques sous la treille, dans le délire d'une ivresse voluptueuse le chantre de Théos couronné de myrthes et de roses, rappella aux humains la brièveté de la vie, et leur présenta l'image de la mort,

La philosophie eut encore une influence plus marquée sur l'éloquence qui n'admettant point les fables et les fictions de la poesie, est fondée toute entière sur la nature et la vérité. C'est dans le commerce d'Anaxagore et de Socraté que Périclès et Alcibiade apprirent à gouverner les esprits de la

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multitude. Les leçons de Platon furent plus utiles à Démosthènes que les préceptes d'Isée. C'est dans les académies des philosophes, plus que dans les écoles des rhéteurs, qu'il puisa cette sublimité de raison, cette noblesse et cette véhémence qui le distinguent.

Si nous passons de la Grèce en Italie nous y verrous le prince des poëtes Latins nous offrir dans la peinture d'un héros accompli l'exemple et le modèle de toutes les vertus; nous le verrons transporter dans l'églogue même les plus sublimes spéculations de la physique; nous l'éntendrons s'écrier dans un transport philosophique: heureux qui a pu connoître la véritable origine du monde, et secouer le joug des préjugés vulgaires! Le premier vœu qu'il forme est d'être initié par les Muses aux secrets de la nature et aux mystères profonds de l'astronomie. Qui jamais a su mieux qu'Horace rendre la raison aimable? Dans quel philosophe trouvera-t-on plus de bon sens et des préceptes plus utiles? Ciceron n'a-t-il pas réuni au mérite suprême de l'éloquence les connoissances philosophiques les plus étendues? Ne répète-t-il pas sans cesse dans ses traités oratoires, que c'est à la philosophie qu'il doit la perfection où il a porté l'art de la parole; que c'est dans la philosophie que les orateurs doivent puiser ces grandes idées, ces vues supérieures qui les élèvent au-dessus des formes judiciaires et des usages du barreau ?

Portons nos regards sur le siècle de notre gloire, nous verrons que les grauds hommes qui ont illustré le siècle de Louis XIV, ont tous été de grands philosophes. Dans Bourdaloue, dans Bossuet, les vérités de la plus sublime philosophie sont dêveloppées avectout le feu du génie, avec toute la force

et la majesté de l'éloquence. Fénélon et Massillon n'ont fait servir les graces d'une imagiuation brillante, et l'élégance d'un style enchanteur, qu'à parer la morale, et à relever les charmes de la vertu. La saine raison brille dans les épitres de Boileau revêtue des ornemens de la plus riche poësie. Quel métaphysicien a mieux connu que Racine les replis cachés du cœur humain et les mouvemens secrets de l'ame? Quel fonds de sages maximes et de solides instructions ne trouve t-on pas dans Molière et dans la Fontaine ? 'Tant il est vrai que les plus heureux délires du génie doivent toujours avoir la raison pour base; que les fictious les plus agréables doivent porter sur la vérité, et que c'est l'union de la philosophie avec la poésie et l'éloquence, qui donne aux ouvrages de goût cette beauté réelle et solide, cette perfection qui. leur assure l'immortalité.

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Rien n'est beau que le vrai, le vrai seul est aimable; Il doit régner par-tout, et même dans la fable. Mais quoique la philosophie soit en quelque sorte le fondement de toute la littérature, l'esprit philosophique est cependant par sa nature directement opposé au génie qui fait les poëtes et les orateurs. L'un est froid, timide et scrupuleux ; il s'examine sans cesse et compose toutes ses démarches avec une inquiétude superstitieuse: l'autre vif, ardent, impétueux, prend un essor libre et hardi, et se livre à son enthousiasme avec une noble confiance. L'un observateur stérile, nous présente des vérités sans corps, qui échappent aux sens par leur extrême subtilité ; l'autre, créateur fécond, donne du coloris et de la vie à toutes ses productions, et les met, ponr-ainsi-dire sous nos yeux. L'un vit de réflexions, de raisonnemens et de preuves; l'autre ne se nourrit que de sentimens,

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