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» prennent comment je dois faire pour parler de » l'Histoire littéraire de l'Italie sans parler de l'Ita» lie, ou pour parler de l'Italie sans parler des » papes, ou pour parler des papes autrement que » l'histoire. »

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J'espère que le cit. G. ne se plaindra pas que j'altère ses expressions: je leur ai conservé tout le sel dont il les a assaisonnées. Je voudrois qu'elles en eussent davantage, parce qu'elles auroient été plus goûtées; on les auroit applaudies encore plus fort, et elles m'auroient fait rire davantage; mais, en conscience, le cit. G. n'a pas eu plus d'esprit que je ne lui en donne. Après lui avoir ainsi rendu justice, il me permettra sans doute quelques réflexións.

Si mon instruction est négligée, falloit-il me le reprocher aussi durement? Un professeur doit-il décourager ainsi des élèves de bonne volonté ? Ne fais-je pas tout ce qu'on peut faire de mieux pour réparer le malheur d'une instruction négligée ? Ne vais je pas à l'athénée ? Lâ, je suis les cours d'un professeur de rhétorique, qui m'apprendra à écrire; d'un professeur d'histoire philosophique, qui m'apprendra à penser; je suis même allé entendre, l'autre jour, "disserter sur la formation de la pluie : la première fois qu'on dissertera sur la formation du beau temps, j'y irai encore, afin d'avoir une théorie complète sur la pluie et le beau temps, et savoir tout ce qu'on dit à l'athénée sur ces objets neufs et intéressans: enfin je compléterai mon cours d'ins truction par une théorie sur les bases salifiables; et j'espère que le cit. G. sera content de moi.

Je n'ai jamais eu la sottise de trouver mauvais que le cit. G. parlát de l'Italie, et j'ai toujours desiré qu'il ne parlât pas des papes autrement que Tome V.

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l'histoire. Mais ce n'est pas en parler comme l'histoire, que d'en parler comme quelques historiens passionnés; ce n'est pas parler comme l'histoire, que d'accuser le christianisme d'avoir couvert le monde des ténèbres de la barbarie; ce n'est pas parler comme l'histoire, de prétendre que les papes, les évêques, les ecclésiastiques, les moines ont détruit et les livres et les sciences, lorsque l'histoire atteste que c'est par leurs soins que les uns ont été conservés, et que les autres ont refleuri ; c'est parler autrement que l'histoire, que de présenter le pape S.-Grégoire comme un brûleur de livres, un destructeur des arts, un persécuteur des savans et des mathématiciens. C'est ainsi, il est vrai, que parlent deux historiens, Machiavel et Brucker; mais ils ont été si solidement réfutés, non-seule ment par des écrivains orthodoxes, mais par des philosophes qui ne doivent pas être suspects au cit. G., tels que Bayle et Barbeyrac, qu'il a dû croire que parler comme de tels historiens, ce n'étoit pas parler comme l'histoire. Il a dû savoir que ces prétendus mathématiciens chassés par le pape, n'étoient que des astrologues, et il est assez plaisant d'entendre le cit. G., qui se moque tant des astrologues, lorsqu'ils ne sont pas chassés par les papes, déclamer contre les papes lorsqu'ils chassent les astrologues.

J'ai reproché au savant professeur de n'avoir pas rendu justice aux papes Innocent III.Honoré III, Grégoire IX, Innocent IV, Urbain III: de n'avoir parlé que de leur guerre avec Frédéric Barberousse, landis qu'il ne faisoit pas une guerre militaire, et n'avoir rien dit des connoissances étendues du premier, et de la protection accordée aux savans et

aux universités par les autres, tandis qu'il faisoit une histoire littéraire,

Enfin, puisqu'il faut absolument une pâture à la malignité du cit. G., je lui abandonne le pape Gasana et même plusieurs autres, et même la comtesse de Périgord, car, quoique je m'intéresse beaucoup à l'honneur des comtesses de Périgord ; je puis bien lui en abandonner une qui vivoit il y a plus de cinq cents ans. Je lui observerai cependant, que, rapporter ainsi des faits scandaleux, lorsqu'ils sont étrangers à l'objet que l'on traite, ce n'est point la preuve de bonnes intentions ni d'un bon esprit. Or, quel rapport entre l'Histoire littéraire d'Italie et les amours de Clément V et de la comtesse de Périgord? Le fait est-il même incontestable? Je ne le trouve ni dans Platina, ni dans Ciaconius.

Cette petite discussion, dans laquelle m'a entraîné la querelle que m'a faite le cit. G., m'empêchera d'entrer dans de longs détails sur la séance, mais on n'y perdra pas beaucoup : il a parlé d'une foule d'auteurs obscurs que les italiens même pe lisent plus, et dont il est peu intéressant pour les Français de connoître le nom, et quoiqu'il ait prétendu qu'il n'y a point de rang dans la poussière, et que tout ce qui n'est pas lụ mérite également d'y étre enseveli, il n'a appliqué cette sentence qu'aux auteurs ecclésiastiques et aux théologiens. Quant aux autres, il les a tirés de la poussière, quoiqu'ils ne soient pas lus davantage. Il a parlé longuement de l'Acerba de Ceco d'Ascoli, a prétendu que ce titre venoit d'acervus, parce que le b se changeoit souvent en v, et que c'étoit une imitation du Trésor, de Brunetto latini; dissertation quia fait bailler tout l'athénée, il a cité une foule de

sonnets ou de canzonni, dans lesquels le poète parle d'une ame qui pleure dans un cœur, d'un cœur qui se loge dans des yeux, pour y voir la beauté, et qui fuyant l'amour, se place ainsi devant sa flèche ; des yeux assez imprudens pour un cœur à un combat où il ne peut trouver que la mort, etc. Il s'est fort égayé au sujet d'un pauvre Giacoco, ou Giacopo, ou Giacopone, qui se fit fou pour devenir saint, et qui fut élevé à ce rang ainsi qu'à celui de poète; double apothéose dont le professeur "prétend n'avoir pas le droit de juger: du moins ajoute-t-il, ily a peu d'inconvénient à la première, mais il y en auroit à la seconde, si on vouloit prendre Giacoco pour modèle. Après s'être également moqué, et de la Vie des Saints, de Pierre Natali, et de la légende dorée de Jacques Voragine, et des constitutions des papes, appelées extravagantes, nom que personne n'a été tenté de leur ôter, il a prouvé l'ignorance où l'on étoit à cette époque, par celle d'un professeur qui mettoit Cicéron et Platon au nombre des poètes latins, "ne connoissoit ni Mevius, ni Plaute, et croyait qu'Ennius et Stace étoient contemporains trèsmauvaise preuve, à mon avis; car il ne faut jamais juger d'un siècle par un professeur, même d'athénée. Et n'avons-nous pas vu, il y a quelques années, un homme qui fait l'important, et qui traite souvent les autres d'ignorans, écrire, dans un parallèle de César et de Robespierre, que César 'étoit devenu ambitieux en lisant les Vies de Platarque, comme si on disoit que Louis-le-Grand 'étoit devenu ambitieux en lisant le siècle de Louis XIV, par Voltaire.

Je voudrois bien rapporter tout ce que le cit. G. nous a dit de plaisant à l'occasion d'une femme

qui professoit le droit à Bologne, et qui étoit si jolie qu'elle ne parloit que derrière un rideau afin que la biauté d'icelle, dit Christine de Pisani, n'arrêtat la pensée des oyants; et avec quelle coquetterie, en parlant de la voix douce de cet aimable professeur, le nôtre a adouci lasienne! Mais je n'ai plus de place, et je dois parler des traits épigrammatiques que lui ont fourni. l'histoire de Pierre d'Abano et de Ceco d'Ascoli. Pierre d'Abano fut accusé de magie. L'inquisiteur dominicain, que Paris avoit le bonheur de posséder, le cite à son tribunal; l'accusé se défend très-bien; il prouve même par quarante-cinq argumens que ce sont les dominicains qui sont les hérétiques. Il est absous; mais, ajoute le cit. G., cela n'empêche pas les accusateurs, convaincus d'hérésie, d'être toujours inquisiteurs pour la foi. Cependant Savanarole, qui rapporte ce fait, dit que les dominicains furent bannis; et si le professeur rejette la dernière par tie de ce récit, pourquoi admet-il la première?

Peut-être le cit. G. m'accusera-t-il d'être par* tisan de l'inquisition et des bûchers du Saint-Office; mais il se trompe, je n'ai jamais applaudi à aucun genre d'inquisition, et il est bien des gens qui ne peuvent pas en dire autant. Ils ne devroient peut-être jamais en parler, car cela fait faire de singulières réflexions.

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Ceco d'Ascoli fut plus malheureux que Pierre d'Abano; ses commentataires sur la sphère de Sacrobosco, et son poème de l'Acerba, lui suscitèrent des ennemis; des querelles littéraires le firent accuser d'hérésie; il fut brûlé vif. On voit encore, dit le cit. G., des grandes animosités entre les gens de lettres; mais on voit plus de bûchers. dressés par la vengeance des plus forts, et j'ai dữ

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