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autres ouvrages des temps gothiques. Les Anges, les Saints, les figures célestes ne manquent pas majesté. Le peintre ne s'est point plu à multiplier les monstres infernaux. La crainte, la stupeur, le désespoir des réprouvés s'y trouvent exprimés avec une grande vérité, et sans aucune exagération le calme et le sentiment de béatitude des élus est aussi représenté avec beaucoup de justesse.

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La multitude assiège ce tableau à cause de l'or qui y brille de toutes parts, du vif éclat et de l'effet tranchant de couleurs, de la découpure des figures, peut-être aussi à cause de la scène terrible! Les gens de l'art, en le considérant avec d'autres yeux, en tireroient une excellente collection de pièces de porte-feuille.

Albert Durer, né en 1470, et contemporain des grands peintres d'Italie, est assurément inférieur à Van Eyck, du moins dans les tableaux de cette exposition, pour le dessin, le choix des têtes et l'expression; sa couleur est un peu plus fondue sans être d'un meilleur effet; il ignore, comme son devancier, la perspective aérienne, et se montre moins adroit à éviter des difficultés qu'il ne peut surmonter. Ces tableaux, représentant plusieurs actions de Jésus-Christ, sous les Nos 35g, 360 et 561, ne justifieroient point la grande réputation que Durer s'est acquise par ses gravures, dont le style sec, mais précis, n'a aucun rapport avec celui de ces trois ouvrages. Les admirateurs de cet artiste, dont la réputation nous semble bien grande, le contempleront avec plus de plaisir dans le tableau de la grande galerie où il a représenté le Christ, la Vierge, saint Jean, saint Denis, l'empereur Charlemagne et saint Louis. Ils trouveront dans cet ouvrage, avec toute la roideur du

style gothique, un dessin meilleur et de plus belles expressions. Deux portraits, Nos 249 et 250 de la même collection, bien dessinés, et d'un caractere très-prononcé, peuvent aussi donner une idée avantageuse du talent d'Albert Durer: sans doute il est fàcheux pour ce peintre, que les portraits (No 358) de la nouvelle exposition, soient d'un faire si différent de celui de ses autres ouvrages, que l'on puisse révoquer en doute la tradition qui les lui attribue.

Il paroit, par ceux de Cranach, que cet artiste avoit un talent fort inégal. La Fontaine de Jouvence (No 345) est une composition dégoûtante et d'une exécution excessivement foible. Peut-être du temps de l'auteur renfermoitelle quelqu'allusion maligne ; et cette espèce de mérite entièrement perdu pour nous, lui aura valu d'être conservée. Rien de plus commun que des tableaux dont la réputation, fondée d'abord sur des circonstances tout-à-fait étrangères à l'art, s'est soutenue, sans qu'on puisse dire, pourquoi, après que ces circonstances ont été entièrement oubliées. Une galerie de tableaux n'est, pour la plupart des riches et des grands, qu'un cabinet de curiosité.

L'Histoire de la Passion (No 337) est préférable à la Fontaine de Jouvence; mais il faut, ce me semble, pour l'honneur de Cranach, passer à ses quatre tableaux sans numéros, placés à l'extrémité de la galerie, et représentant chacun une figure de grandeur naturelle. Les deux premiers sont susceptibles d'être rapprochés, pour ne former qu'une seule composition. Adam et Eve auprès de l'Arbre de vie. Les autres représentent, l'un, une jeune Fille qu'un Amour est prêt à toucher de la

pointe d'un de ses traits: l'autre, une Femme, et à ses pieds un Amour assailli par les abeilles d'une ruche dont il a dérobé le miel. Une inscription indique que le peintre a voulu faire allusion aux peines qui suivent de près les plaisies les plus ardemment desirés. On ne peut douter aussi qu'il n'ait eu l'intention de donner, par opposition, à la figure de l'autre femme, l'expresion de l'innocence. Les jambes, les pieds, et sur tout les mains, sont d'un dessin facile et assez beau; mais ces tableaux et les autres font juger, que l'auteur n'avoit à sa disposition qu'un très-petit nombre de têtes fort mal choisies. En cela, Cranach est au-dessous de Van Eyck lui-même ; et l'on voit du reste que l'école flamande n'avoit encore fait aucun progrès, à une époque à laquelle l'art étoit porté en Italie au plus haut point de perfection, par Michel Ange et Raphaël.

Il semble que cinquante ans après ces grands hommes, il n'étoit plus permis de rien ignorer en Europe, de la théorie de la peinture: cependant Brueghel d'Eufer n'est pas plus avancé que Van Eyck dans la science de la perspective: sa couleur est plus compliquée, sa touche plus facile; mais son style a moins d'élévation, et son dessin est plus négligé que celui du peintre de Bruges. La première partie de l'Histoire du Monde (No 320) est ce qu'on peut imaginer de plus mauvais, sous le rapport de la composition et de la perspective: l'expression et le dessin sont fort inférieurs à ceux des tableaux de la plupart des peintres de petites figures. Les deux autres parties présentent quelques effets de lumiêre artificielle assez bien rendus ; et en examinant, avec beaucoup d'attention, la multitude des têtes qu'elles renferment, on en trouve quelques-unes touchées vigoureusement et avec esprit. Quant à la compo

ition, c'est le rêve d'une imagination malade; et ee qu'il y a de plus étonnant en un pareil ouvrage, c'est la patience de l'homme appliqué sérieusement tà exécuter taut d'images extravagante, et non moins dégoûtantes pour l'esprit que pour les sens.

Brueghel a fait entrer dans la composition des monstres de ce tableau, une multitude d'insectes et de très-petits animaux, dont les parties développées sur une grande échelle, et diversement agencées, fournissent une variété infinie de formes singulières, qui semblent des choses nouvelles. Il est sans doute déplorable que ce soit là les modèles d'une grande composition historique. Je remarquerai cependant que l'usage des êtres microscopiques empruntés des trois règues de la nature, n'est point à dédaigner pour le dessinateur d'ornemens; il fournira au contraire, sans grands frais, de très-grandes ressources à celui qui saura en user avec discrétion et discer'nement: même, si Brueghel s'en est avisé le pre'mier, il faut reconnoître qu'il ne pouvoit avoir une idée plus heureuse pour parer au moins d'une apparence de verve le misérable genre qu'il s'était fait, et auquel il dut son étrange surnom.

M. B.

LIV.

ATHENÉE DE PARIS. De l'état des lettres en Italie, au commencement du XIVe siècle.

HUIT

UIT heures sont sonnées, on attendoit avec impa. tience le cit. (1) Ginguené ; le verre d'eau et du sucre,

(1); On voit que cet article est un peu ancien ; mais les principes qui y sont réfuté, ont été imprimés depuis peu.

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attribut essentiel d'un professeur d'athénée, et qui devroit entrer dans ses armoiries, s'il y avoit 61core des armoiries, étoit sur la table. Un specateur a soif, il s'imagine qu'indépendamment de l'instruction et du plaisir qu'on trouve à l'athénée, il peut, pour ses quatre louis d'abonnement, prendre sur le marché un verre d'eau, il s'empare de celui qui est à sa portée. Monsieur! s'écrie le garçon de la salle, il falloit m'en demander un autre ; celui-là étoit pour monsieur le professeur, c'étoit de l'eau chaude.... Cette anecdote n'est pas en elle-même bien importante; mais rien n'est petit quand il s'agit de l'athénée, et si quelque jour on en écrit l'histoire, ce verre d'eau pourra y figurer; et il ne sera pas indifférent d'apprendre à la postérité que les professeurs y buvoient de l'eau chaude.

Le cit. G. ne paroissoit cependant pas, et j'ai craint un instant que ce malheureux verre d'eau ne nous privât du plaisir de le voir. Il arrive enfin et il reçoit l'accueil dû à un professeur qu'on n'a pas vu depuis quinze jours; car il faut que l'on sache que le cit. G. a fait son mardi gras, ce qui n'est pas trop philosophique, puisque c'est reconnoitre en quelque sorte le calendrier de l'église ro maine; mais au moins, il ne s'est pas reconcilié avec les princes de cette église. Sa leçon a commencé par une vive diatribe contre les papes qui fixèrent leur demeure à Avignon, depuis le pape gascon Clément V, jusqu'à Jean XXII. « Je sais » bien, a-t-il ajouté, que ces détails déplairont à >> certains critiques qui se sont chargés de mon >> instruction, quoiqu'à en juger par la manière » dont ils écrivent, la leur me paroisse fort né» gligée, mais j'attends que ces messieurs m'ap

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