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Ceux-là viennent des bords où serpente la Sayne;
Autres des verdz costeaulx de la double Albion;
En vient des sables d'or où le Tage pourmeine,
Des isles où régna le triple Geryon ;

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D'où fuict le Rosne enfant soubz les murs de Lyon : Mesme en sortit encor de ces monts où la neige Dans un perenne hyver tient l'hispide Norwège Souz un ciel de brouillardz sans cesse enveloppé.. Le croy; là s'ayme ainsi qu'ez vállonz de Tempé. Ce dernier vers est charmant. La description du lieu où se tient la cour d'amour, n'est pas agréable :

moins

Au plus dense d'un boiz où le myrthe platanes,
L'oranger au tilleuilz, le laurier à l'ormeil,
Prestent, moult enlacés, leur parfum nompareil,
Un temple à ceinctres verdz, interdict aux profanes,
S'élève, et des amours abrite le conseil.

Ici, il se présente une question assez difficile à résoudre. Est-ce Voltaire qui avoit lu les poésies de Clotilde, ou plutôt n'est-ce pas M. de Surville ou tel autre qui après avoir lu et imité Voltaire, a voulu en imposer au public, en donnant ses propres productions comme des poésies du XVe siècle? Des vers souvent si corrects, presque toujours si agréables (qu'on se rappelle que mon plan n'étoit pas de citer aujourd'hui ceux qui ont le plus d'agrément), sont-ils le fruit d'un siècle barbare? Cette discussion alongeroit trop cet article déjà trop long. Je ne dirai point que des vers où respire un sentiment si tendre et si vrai, n'ont pu être faits que par une femme, parce que ce seroit une épigramme contre les hommes ; je ne dirai point que des poésies animées par l'amour le plus vif et le plus passionné pour uħ mari, n'ont pu être faites que par uno femme qui existoit il y a trois ou quatre siècles,

parce que ce seroit une épigramme contre les femmes d'aujourd'hui; mais je renverrai à la préface très-intéressante et très-bien raisonnée que l'éditeur M. Vanderbourg, a mise à la tête de ce charmant recueil: c'est nn excellent plaidoyer en faveur de l'authenticité de ces poésies. Quant on lit cette préface, on dit : il est impossible que ces poésies aient été faites par d'autre que par Clotilde : quand on lit les poésies, on est tenté de s'écrier: il est impossible que des vers aussi agréables aient été faits dans le XVe siècle et l'on se trouve à-peuprès dans la perplexité où étoit ce pauvre Pantagruel, lorsqu'exposant tour-à-tour les avantages et les inconvéniens du mariage, on lui répondoit aussi tour-à-tour: Mariez-vous, ne vous mariez pas.

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A.

LIII.

Exposition des Monumens conquis par la GrandeArmée, durant les Campagnes de 1806 et 1807.

VAN EYCK, ALBERT DURER, CRANACH, BRUEGHEL D'ENFER.

LES

Es ouvrages de ces peintres fixent particulièrement l'attention du public par la singularité des sujets représentés; et l'on peut aussi les considérer comme des monumens curieux des premiers temps de l'art.

Van Eyck, autrement dit Jean de Bruges, avoit terminé sa vie de 70 ans en 1471. Mantegna, le

Bramante, les Bellin, le Pérugin, les plus anciens peintres italiens dont les ouvrages aient mérité d'être conservés, n'étoient point encore au monde ; et sa naissance avoit devancé, de tout un siècle celle de Michel-Ange et du divin Raphaël.

Jean de Bruges passe pour le premier qui ait employé l'huile dans la préparation des couleurs : on les broyoit auparavant aveo des eaux de gommes ou de l'eau d'oeuf. Il est du moins certain que, lorsque le hasard et ses connoissances en chimie, assez étendues pour le temps, lui firent découvrir ce procédé, on ignoroit généralement qu'il eût jamais été employé par d'autres.

Il paroît que cet ancien peintre commençoit par tracer le contour et les principales ombres de ses figures, au pinceau, avec une couleur brune ou noire. Il peignoit ensuite sur ce trait avec un soin extrêmement minutieux, faisant consister son art à s'écarter le moins possible des procédés de la nature non-seulement il exprime en détail la barbe et les cheveux de ses personnages, mais en examinant ses tableaux à la loupe, on reconnoît qu'il s'est astreint à imiter chacun des petits accidens qui composent en quelque sorte le tissu de la peau. Cette pratique, dont les résultats sont de peu d'effet, exigeoit une patience inconcevable, sur-tout quand elle s'appliquoit à des compositions nombreuses. On ne trouve encore dans ces tableaux aucune trace de perspective aérienne, seulement des notions incertaines de la perspective linéa re en général, et une idée plus confuse encore de la science des raccourcis, partie de la perspective qui ne fut bien connue des peintres qu'après que Michel-Ange en eut fourni d'immortels exemples.

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Van Eyck dessine bien la tête et les mains le

reste de ses figures est roide, et les parties charnues sont les moins bien traitées ; ce qui vient peut-être de ce que ses études anatomiques n'avoient pas été. portées au-delà de l'ostéologie, L'absence de la pers-, pective aérienne produit nécessairement une cou-, leur crue; l'ignorance de la science des raccourcis rend l'agencement des groupes extrêmement diffi-. cile, et toujours un peu monotone. Les tableaux du vieux peintre flamand ont ces deux défauts; on voit cependant qu'il s'appliquoit à éluder le dernier ; et ily réussit par fois assez bien: ses têtes, sans s'élever jusqu'aux béautés idéales, sont en général d'un bon choix et d'une grande variété; l'expression en est toujours vraie, et ne manque même pas de délicatesse.

Les tableaux de Van Eyck étoient probablement beaucoup plus agréables et fortsupérieurs d'ensemble à ceux que l'on faisoit de son temps, même en Italie; et si sa manière, châtiée avant le temps, ne devoit point lui donner des successeurs comme ceux qu'eurent les Florentins et les Romains ses contemporains, il avoit droit du moins de prétendre à être le fondateur d'une école meilleure que l'école flamande. Il me semble que ceux qui ont dit que Jean de Bruges a créé le métier, et Rubens l'art de la peinture, n'ont pas rendu assez de justice au premier ; peut-être ne falloit-il pas avoir un moindre génie que celui de Rubens pour faire, deux cents ans avant lui, ce qu'a fait Van Eyck. Ce laps de temps, considérable en lui-même, est immense dans l'histoire de l'art, parce qu'il comprend la naissance, toute la vie et les travaux de Léonard de Vinci, de Michel-Ange, de Raphaël, du Titien, du Corrège, et de leurs premiers élèves. Ces deux cents ans renferment le siècle de Léon X pour

l'Italie; celui de François Ier pour la France: c'est aussi l'époque de la découverte des plus précieux monumens de la statuaire antique.

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Quelque personnes veulent que le tableau du jugement dernier, sous le no 389 de la nouvelle exposition, ne soit pas de Van Eyck, mais d'un de ses contemporains, nommé Van Ouwater. Il faudroit donc qu'il se fût trouvé à-la-fois deux peintres d'un aussi singulier mérite que Van Eyck: cela est peu vraisemblable à une époque si rapprochée de la renaissance de l'art. Le tableau du Jugement dernier est d'ailleurs tout-à-fait semblable à ceux qu'on attribue unanimement à Van Eyck, non-seulement par le mécanisme du travail, mais aussi par des rapports de ressemblance entre plusieurs personnages; ressemblance telle, qu'on est fondé à croire qu'ils ont été tracés de la mêine main, et d'après les mêmes modèles.

Le Sauveur du monde dans sa Gloire, les choeurs de Bienheureux, le vol des Anges aux trompeltes éclatantes, composent la partie supérieure de ce tableau. L'archange saint Michel est descendu sur la terre; il pèse dans une grande balance les hommes sortis des tombeaux, et sépare les bons de ceux qui ont été trouvés légers: ces derniers sont entraînés dans l'aby me par les Anges dé ténèbres les Anges de lumière conduisent lea autres ils les présentent à saint Pierre; ils les revêtent d'habits éclatans on les reçoit dans la Gloire.

Cette composition n'a pas la vaste étendue, et ce qu'on pourroit appeler le bouleversement du Jugement dernier de Michel-Ange; mais elle est sagement ordonnée, d'un style grave, et on y remarque une imagination mieux réglée que dans les

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