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beaucoup d'autres, que de venir plus tard : ils avoient un fonds de génie qui ne demandoit que d'être mieux cultivé.

...Mais que dire de ces auteurs qui semblent n'avoir point suivi le progrès de la société ; qui, avec de T'esprit et du talent, reproduisent aujourd'hui tous les défauts de l'enfance de l'art, se perdent dans une métaphysique digne du quinzième siècle, ou s'égarent dans un style rétrograde, dont les tours et les figures, semblables à ces images gothiques, ornemens de nos anciens édifices, nous retracent les temps de barbarie ? Le bon goût n'a qu'un moment, parce qu'il n'est qu'un des rapports de la société, qui sans cesse varie; dont les changemens, pour être insensibles, n'en sont pas moins réels, et qu'un cours rapide entraîne dứ défaut à la perfection, et de la perfection dans tous les excès.

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La postérité ne connoit guère que les Lettres de Balzac; cependantil a composé beaucoup d'autres ouvrages son Prince, son Socrate Chrétien, son Aristipe, ses Dissertations, sont restés dans l'oubli le plus profond, ignorés de tout le monde, excepté des gens de lettres, qui seuls ont le courage d'échanger beaucoup d'ennui contre un pen d'instruction. Ce n'est pas, toutefois, que ces ouvrages soient plus mauvais que ses Lettres; ils sont seulement plus étendus; et dans ses dissertations, dans ses traités, comme dans ses lettres, Balzac court toujours après la phrase et l'hyperbole; c'est, en d'autres termes, courir après l'ennui: il pense souvent très-bien; mais le desir d'étaler son beau style, de tout orner, de tout amplifier, de tout exagérer, de mettre par-tout des pensées saillantes, de l'éloquence, de l'harmonie,

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l'entraîne invinciblement, lui fait perdre de vud la justesse, lui donne, pour ainsi dire, des distractions, et l'écartant de la ligne du vrai, le précipite dans le vide, dans le faux et dans le galimatias. Il pourroit même passer quelquefois pour un penseur très-fin et très-profond, s'il n'étoit pas tou jours un écrivain très-recherché et très-ampoulé:son style fait tort à son esprit ; c'est une physionomie noble, spirituelle et intéressante, gâtée par un costume ridicule; et c'est en lisant cet auteur qu'on peut sentir tout le prix du goût : n'a pas de mauvais goût qui veut, a dit un homme qui n'en manquoit pas; cela est vrai, car le mauvais goût n'est qu'un mauvais usage du talent ou de l'esprit, et l'abus suppose la chose dont on abuse; mais aussi le mauvais goût déguise souvent, et fait méconnoître les qualités heureuses, qu'il altère et corrompt ; et tandis qu'il calomnie, en quelque sorte, le plus beau naturel, les moindres dispositions, les talens les plus médiocres reçoivent du bon goût un éclat et un prix qu'ils ne pourroient tirer d'eux-mêmes.

Balzac étoit fort savant: de son temps, l'érudition étoit de mode à-peu-près comme l'ignorance l'est du nôtre: un homme de lettres devoit alors tout savoir, à-peu-près comme un écrivain d'aujourd'hui doit tout ignorer; avant l'époque où il parut, il suffisoit d'être érudit. Sous François Ier, sous Henri II, sous Charles IX, sous Henri III, et même sous Henri IV, l'érudition étoit tout; mais lorsque Balzac, né sous ce prince, écrivoit Sous Louis XIII, on commençoit à ne plus se contenter de l'érudition; il falloit y joindre autre chose; bientôt on apprit à parler le langage, à prendre les parures de l'esprit et du goût, jusqu'à ce que cédant tout-à-fait l'empire au bel esprit,

et à cette philosophie qui dédaigna toujours d'emprunter ses lumières, la science fût reléguée dans l'ombre de quelques cabinets solitaires, d'où elle ne sort plus que pour essuyer des mépris.

On a quelquefois voulu comparer Balzac à Sénèque; mais ces deux écrivains n'ont d'autres rap port que celui de gâter leurs idées, à force de vouloir les embellir; du reste, le style de Sénèque, haché, saccadé, décousu, semblable, comme le disoit un empereur romain, à du sable sans ciment, diffère beaucoup de la diction liée, harmonieuse, arrondie de Balzac. Cet écrivain est regardé comine le père de la période française; et, en cela, il a rendu un très grand service à notre langue : heureux s'il n'avoit pas usé trop amplement des droits de la paternité ! Celui de nós auteurs modernes qui paroît lui ressembler le plus c'est M. Necker tant il est vrai que les extrêmes se touchent, et que l'enfance et la vieillesse de notre littérature ont eu entr'elles une très-grande affinité! A la vérité, Balzac est supérieur à M. Necker par la netteté des constructions et l'aisance des tournures; son style est aussi moins chargé d'abstractions; mais l'écrivain du dix-septième siècle a, de son côté, des défauts que n'a point celui du dix-huitième; ce qui établit particulièrement entre eux un air de famille, et une sorte de consanguinité, c'est l'apprêt de la diction, égal de part et d'autre, l'emphase, l'appareil, l'exagération, la tumeur.

Le Recueil publié par M. Mersan, à qui nous devons déjà celui des Pensées de Nicole, renferme à-peu-près tout ce qu'il y a de bon dans Balzac, et ressuscite, en quélque sorte, cet écriyain dans la meilleure partie de lui-même. Quel

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ques citations pourront faire voir que M. Mersan! n'a pas eu tort de transporter sur cet auteur les soins qu'il avoit déjà donnés à un écrivain fort supérieur.

Des Philosophes. -« C'est une des propriétés » de la science d'enfler ceux qu'elle remplit. Qui >> ne se souvient pas d'avoir lu cette définition du >> philosophe dans les livres des Saints Pères : » Le philosophe est un animal de gloire ; le phi»losophe est le plus vain et le plus superbe des » animaux ? »

De la pudeur.

Il y a je ne sais quoi de sévère >> aussi bien que de doux dans la modestie, qui » est même respectée par l'insolence. Cette hon» nête honte, qui fleurit sur le front des vierges, » est un rempart et une défense suffisante contre >> l'audace des plus effrontés; et quand on la voit » luire dans les regards d'une femme, il n'y a point » de licence qui n'en soit éblouie, et qui ose >>> passer outre.

A

De la Providence. « Ces grandes pièces qui se » jouent sur la terre ont été composées dans le >> ciel, et c'est souvent un faquin qui en doit être » l'Atrée ou l'Agamemnon : quand la Providence » a quelque dessein, il n'importe guère de quels » instrumens et de quels moyens elle se serve. -> Entre ses mains tout est foudre, tout est tem» pête, tout est déluge: tout est Alexandre ou » César. Cette main invisible donne les coups » que le monde sent il y a bien je ne sais » quelle hardiesse qui menace, de la part de >> l'homme; mais la force, qui accable, est toute » de Dieu. »

Des Ames privilégiées.

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ll ya des ames qui

» sont d'un ordre supérieur, qui naissent maîtresses

» et souveraines des autres ames, qui viennent >> renouveler le monde et changer la face de leur » siècle. Un âge n'est souvent remarquable que >> par un homme, et il y a quelquefois un homme, » si regardé dans le monde, qu'il se peut dire » l'objet et la fin des autres hommes. >>

Y.

X L V.

SERMONS DE HUGUES BLAIR, ministre de

l'Eglise d'Edimbourg

traduction nouvelle,

par M. l'abbé de TRESSAN.

Supériorité des Orateurs Catholiques sur les Prótestans.

ON a souvent comparé les sermonaires catholiques et les sermonaires protestans. On a souvent remarqué l'opposition singulière et la ligne de démarcation bien caractérisée, qui ont distingué jusqu'ici les premiers des seconds, en même temps qu'on a montré l'immense supériorité des uns sur les autres. Cette supériorité est telle qu'il ne suffit presque que de savoir lire pour la sentir, et que les plus simples notions de littérature et de goût suffisent pour s'en convaincre. Que sont en effet les plus distingués d'entr'eux, auprès de notre Bossuet, de notre Bourdaloue, de notre Massillon? Que sont-ils même et pour le style et pour le fond, auprès de nos prédicateurs du second ordre ? Presque tous, plus controversistes que moralistes, et plus dignes des bancs de l'école que de la chaire, ne laissent jamais voir que M. le professeur qui parle, et M. le docteur qui régente. On ne ren

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