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sciences positives; et ici il nous dit que Copernic étoit médecin, mathématicien et chanoine, trois états, ajoute-il, également propres à faire connoître combien l'esprit humain est foible. Est-ce que la culture des sciences fausses, conjecturales ou positives prouve également la foiblesse de l'esprit humain?

Non-seulement les femmes fréquentent le Lycée de l'Yonne; mais elles y sont associées, elles y font des vers. Madame de la Villeurnois en fait de plus édifians, et peut-être de meilleurs que M. Gudin; elle a traduit le pseaume in Exitu. Voici la traduction du verset Manus habent, etc.

Ils ont des yeux! au jour leur oeil est insensible,
Leur oreille à vos cris elle est inaccessible,

Leur nez sans odorat, méconnoît votre enceus;

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Leurs bras n'agissent point, leurs pieds sont immobiles, etc. Ces vers ne sont pas bons; il y en a de meilleurs dans le reste de la traduction; mais je les ai cités, parce qu'ils me rappellent ceux du grand Corneille, Jauquel madame de la Villeurnois, même dans cet endroit foible, est restée très-supérieure, comme on peut en juger:

elites oreilles pour eux sont de si peu d'usage, pidine autour d'elles le son frappe inutilement ;

Des

2197 Et le nez qu'on leur plante au milieu du visage Ne sert que d'ornement.

-On voit qu'il est éclos peu de chefs-d'œuvre dans le sein de l'académie de l'Yonne. On y a lu cependant des mémoires ou paroissent développées d'excellentes vues d'économie rurale et domestique. On doft sur-tout distinguer dans ce nombre ceux de M. Rongier-Labergerie; et si l'émulation qui 'paroît exister entre les membres de cette société littéraire, se soutient, on peut prédire hardiment

qu'un jour le petit Athénée de l'Yonne rivaliserą avec le grand Athénée de Paris.

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Profondeur de l'Athénée de Paris dans l'art de la chicane.

S'IL

est des sciences utiles professées par de bien médiocres professeurs à l'athénée, il est une science désastreuse que les administrateurs de cet établissement pourroient professer avec un rare talent, c'est la science de la chicane. Ils se sont sans doute réjouis lorsqu'ils ont appris qu'ils avoient affaire à un plaideur novice qui paroissoit pour la première fois dans cette litigieuse arène. Ils prouvent, eux, que ce n'est pas leur premier procès. Chicaneurs consommés, ils abusent de mon inexpérience, ils abusent de ma politesse. J'avois cru qu'il suffiroit de les faire inviter poliment à se rendre devant le juge de paix. Les voies de contrainte me paroissoient acerbes. Je ne voulois point placer un huissier entre l'athénée et moi; ce moyen de communication ne doit pas être admis entre gens qui savent vivre.

L'athénée répond d'abord avec astuce à cette invitation; il envoie un secrétaire demander un délai; ce délai lui est accordé, et l'athénée ne se rend pas au jour fixé. Mais c'est la fixation de ce jour qui est un chef-d'œuvre de tactique chicanière; ils choisissent le vendredi, parce que, d'après les lois de la cédule, qu'ils me paroissent connoitre parfaitement, et d'après les jours d'audience du juge de paix, ils ne peuvent plus être cités que jeudi prochain. C'est un des calculs les

plus profonds qui jamais aient été faits à l'athénée.

Par des délais ainsi savamment combinés, on peut gagner du temps, on peut me faire perdre des leçons. M. Vigée (1) apprendra à lire à tout l'athénée, samedi prochain, et je ne pourrai pas - dimanche écrire un peu pour prouver au public que j'ai profité de cette instruction. M. Ginguené fera une notice sur la Vie de Pétrarque, une idylle sur la fontaine de Vaucluse, des madrigaux sur la belle Laure et je n'entendrai ni ces madrigaux, ni cette idylle, ni cette notice. Je sais bien qu'on trouve tout cela par-tout; mais enfin, je voulois le trouver encore à l'athénée, et j'en avois le droit; j'avois payé cette fantaisie assez cher. Or, je demande si je dois être ainsi la victime du caprice de MM. les administrateurs, ou de la médiocrité d'un professeur. Je le serois cependant, s'il ne m'étoit pas rendu une justice pleine et entière, c'est-à-dire, si je n'avois la faculté d'entendre tout ce qui s'est dit à l'athénée pendant toute la durée du cours. Il faudra donc que MM. les professeur's soient condamnés à répéter les belles choses qu'ils auront débitées pendant mon absence. Une belle dame vouloit qu'on recommençât une éclipse pour elle, mais moi je me plains au contraire d'une éclipse, et je demande que le corps des administrateurs ne se mette plus entre les professeurs et moi pour nous éclipser, et je ne veux rien perdre de la lumière que ce corps opaque m'a dérobée..

Je finirai par une observation qui s'est présentée plusieurs fois à mon esprit depuis le commencement de mon procès. C'est un plus grand malheur qu'on

(1) La leçon de M. Vigée doit être sur l'Art de lire.

ne pense qu'un mauvais professeur; indépendamment des inconvéniens naturels qu'il entraîne nécessairement, il en est de plus éloignés auxquels on n'a peut-être jamais réfléchi. Par exemple, qui se seroit jamais imaginé que, parce qu'un homme feroit un mauvais cours de littérature, il en naîtroit un procès ? Quel rapport y a-t-il entre un cours de littérature et un procès ? Telle est cependant l'origine du mien. Cette chaire de littérature fut long-temps remplie par un professeur distingué (Laharpe): un critique très-distingué aussi (Dussault), rendoit alors compte des séances du lycée; ses articles pleins d'esprit et de goût, écrits avec élégance et d'après les principes de la plus saine littérature, étoient sans doute meilleurs que les miens; mais ils n'étoient ni moins sévères, ni moins piquans pour le professeur (1). Laharpe demandat-il l'exclusion de Dussault ? lui intenta-t-il un procès ? Non ; il avoit trop de mérite réel pour n'être pas à l'épreuve d'une critique. Ce sont donc les mauvais professeurs qui font les procès: ce qui justifieroit en quelque sorte le maître de musique de M. Jourdain, lorsqu'il prétend qu'un bon professeur dans cet art peut entretenir la paix et l'harmonie dans les familles. A.

LXIV.

Sur le goût et sur BALZAC, à l'occasion des PENSÉES de cet écrivain recueil publié par M. MERSAN.

BALZAC fut appelé, de son temps, le grand Epistolier. Je ne sais si jamais ce mot a été fran

(1) Quoique le Citoyen Français prétende que nous ne oritiquions les hommes que d'après leurs opinions.

çais; mais il ressemble assez à un titre de charge et, en cela, il convenoit parfaitement à cet auteur, qui avoit fait de l'art d'écrire des lettres une fonction, et même une dignité. Il y avoit alors, graces au mauvais goût de Balzac, qui étoit aussi celui de son siècle, un grand Epistolier, comme il y avoit un grand veneur et un grand louvetier. Quand on songe que Balzac et Voiture mettoient souvent quinze jours à composer leurs lettres les plus courtes, on est étonné qu'elles ne soient pas encore plus mauvaises, plus contournées, plus apprêtées, plus ridiculement ingénieuses. Ces deux hommes avoient bien de l'esprit, mais ils en faisoient un bien détestable usage. L'esprit est de tous les siècles ; l'art de s'en servir n'appartient qu'à de certaines époques; et il en est de l'esprit comme de l'or, dont Horace a dit, qu'un usage réglé en fait le prix; Nullus argento color est, nisi temperato splendeat usu. Voiture et Balzac étoient des prodigues ; ils usoient de leurs richesses sans consulter les convenances, et mettoient des diamans sur leurs robes de chambre. J'ai toujours été persuadé que les âges les plus grossiers et les plus barbares avoient compté autant de gens d'esprit que les siècles les plus polis et les plus brillans: la nature n'est pas plus avare dans un temps que dans un autre sa main libérale s'ouvre également sur les hommes de toutes les époques : ce n'est point elle qui change, c'est la société ; le mème soleil luit sur des campagnes jadis couvertes de fruits, et maintenant hérissées de ronces; les mêmes rosées les humectent, les mêmes vents les > rafraîchissent: la culture est l'oeuvre de la société; les convenances et le goût sont aussi son ouvrage. Il n'a manqué à Balzac et à Voiture; comme à

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