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morale assez importante, puisqu'elle sert à établir la différence qui se trouve dans le caractère et les mœurs des femmes de Paris et des femmes d'Auxerre. En effet, à en juger par les complimens que leur fait le président du Lycée de l'Yonne, il paroît que les femmes fréquentent beaucoup cet établissement littéraire. Or, comment une Parisienne pourra-t-elle concevoir qu'une dame d'Auxerre écoute avec plaisir une dissertation sur les bêtes à laine, et qu'elle soit enchantée d'apprendre que M. Thévenin a vendu ses laines 3 fr. 75 c. la livre, lavées à dos ; que chaque béte luien a donné trois livres, et quelques béliers cinq livres; enfin, qu'elle a pu entendre disserter, pendant trois heures au moins, sur les défrichemens, les attérissemens, les bois et l'écobuage?

Il y a tant de morceaux dans ces mémoires littéraires, qu'il me sera impossible de parler de tous, et que je ne pourrai dire qu'un mot sur chacun de ceux qui m'occuperont. Je me contenterai donc de représenter à M. Bernard, qu'il eût pu absolument nous parler de la société académique dont il est membre, sans remonter à ces temps de félicité, antérieurs à l'établissement de toute société humaine; ensuite à ce temps malheureux où le sien et le mien creusèrent le fossé de séparation, pour arriver enfin à ces temps heureux où fut fondé le Lycée de l'Yonne; c'est rémonter bien haut pour descendre bien bas.

Je ferai remarquer à M. Delaire qu'il n'est pas exact, lorsque, parlant de quelques statues mutilées qu'on a eu le bonheur de trouver à Auxerre près le moulin Batardeau, il dit : « A cette époque les » chrétiens, devenus plus forts, devinrent intolérans et ne pouvant plus vivre avec les anciens Tome V.

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» habitáns, ils se retirèrent sur le haut de la mon» tagne, ce qui leur procura l'avantage de faire » des caves.» Ceux qui se retirent ne me paroissent jamais intolérans, sur-tout quand ils sont les plus forts; et des Bourguignons et des Champenois font toujours très-bien de choisir des lieux où l'on peut faire des caves; il n'y a point à cela d'into

lérance.

Je dirai à M. Foucherot que je ne l'entends pas, lorsqu'il dit : « Les Turcs se croient fort au-dessus » des Grecs, des juifs et des chrétiens, sans cepen»dant les accuser d'intolérance. » Est-ce qu'il est d'usage d'accuser d'intolérance ceux au-dessus desquels on se croit ? ou sont-ce les Turcs que M. Foucherot n'accuse pas d'intolérance? Alors il ne parle pas français. Je ne l'entends pas davantage lorsqu'il dit: «Quant au Grec révérant le Turc qu'il méprise, >> il craint peu le bâton lorsqu'il n'est mérité que par » la friponnerie. » On peut craindre, mais on ne révère point celui qu'on méprise ; on craint toujours le bâton lorsqu'on en est réellement menacé.

Lorsque M. Gudin, divisant toutes les sciences en sciences fausses, sciences conjecturales et sciences positives, place bravement la théologie au nom. bre des premières, j'admire sa prose philosophique; et je parlerai tout-à-l'heure de ses vers.

J'avouerai enfin à l'auteur du morceau intitulé le Bal ou la Mascarade, que j'ai eu tort d'avancer que la prose du Lycée de l'Yonne étoit bien sérieuse; la sienne ne l'est pas, mais elle est bien ennuyeuse: son allégorie est bien mal imaginée, son rêve bien ridicule. Je lui dirai de plus, que j'ai pénétré ce qu'il vouloit dire par le mot esseulée, ce qui prouve que j'ai fait des efforts pour l'entendre ; mais je n'ai pas été aussi heureux pour le mot une vesperie, que je le prie de m'expliquer,

Mais il faut parler aussi des vers de l'Yonne. Je commencerai, par un dithyrambe en l'honneur du lycée. L'auteur, M. Malot, voyant de loin le temple où s'assemblent les membres de ce lycée, en sa qualité de poète dithyrambique, ou peut-êlro seulement de bourguignon, il le prend pour un temple de Bacchus. Cette première strophe est même assez bonnes tout en la faisant, il s'approche davantage du temple, et il voit alors distinctement que ce qu'il avoit, pris pour' des. Bacchantes sont des Muses: chacune a son rôle, ses attributs, et obtient un éloge: il paroît même que M. Malot découvre une Muse de l'anatomie:

Pour soulager nos maux, une autre Muse s'ouvre

, Du dédale de notre corps

La route incertaine, et découvre

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Ses canaux sinueux; le jeu de ses ressorts...
Sa soeur qu'on vit jadis impitoyable Parque,

Aujourd'hui sous le nom d'Hygie,

A nos sens., à nos cœurs

génie,

cœurs, même à notre Pourroit et sait offrir les plus puissans secours.

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Cette Muse n'a pu être imaginée que par Thomas Diafoirus, et les vers n'ont pu être faits que par lui: la marche de M. Malot est au reste très-dithyrambique: car, des prés émaillés où serpente l'Yonne, il est bientot transporté en Amérique : je ne sais pas au juste si c'est au Pérou ou au Mexique; mais peu m'importe; toujours est-il que d'avares. Espagnols une infáme poignée (M. Malot est fort en épithètes) auroit été facilement vaincue par le peuple magnanime chez lequel elle aborde.

M. Malot, au surplus, doit se consoler facilement de la critique; il sait qu'elle s'acharne contre les talens!"

Du vrai mérite, ô fatal privilége!

A peine il vient d'éclore il trouve un détracteur.
Il n'est rien de sacré qui n'ait son sacrilege.

Il est probable qu'il regardera son dithyrambe comme sacré, et moi comme son sacrilege.

M. Gudin a fait hommage au Lycée de l'Yonne d'un poème tout entier sur l'astronomie. « Toutes » les nations, nous dit-il dans sa préface, ont tou» jours desiré d'avoir un poème qui traitât de l'astro>> nomie. » Je n'avois pas connoissance de ce desir si universel et si constant; mais en supposant que nous l'eussions, il faut savoir s'il peut être satisfait par le poème de M. Gudin. Le même poète nous apprend aussi qu'il pouvoit faire aisément vingt quatre chants ou quarante-six sur ce sujet. Il faut lui savoir gré de n'en avoir fait que trois. Ce prétendu poème n'est, au reste, que l'histoire la plus sèche et la plus incomplète de l'astronomie, écrite en vers extrêmement prosaïques. Tout ce qu'on y apprend, c'est la grande aversion de M. Gudin pour les cardinaux, qu'il appelle fils de l'erreur, et sa grande admiration pour les lunes. Son style ordinairement froid, s'échauffe sans en devenir meilleur, lorsqu'il parle de quelque lune:

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O lune ! le premier (1) il connut tes deux flancs:

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Clairaut nous annonça le retour des comètes.

Le ciel ne nous offroit toujours que six planètes.

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Le croirai-je ? mais quoi ! j'entends, j'entends encore
Herschell, ce même Herschell qui, devançant l'aurore,
S'approche de mon lit, et m'arrache au repos.

De Saturne, dit-il, compte les satellites.

Cinq lunes. Compte mieux; deux autres plus petites (1) Galilée.

Semblent toucher l'anneau.

J'ai peine à les discerner...

Ah! je les aperçois et je les vois tourner.

O prodige ! ô merveille étrange, inconcevable!
Spectacle inattendu, plus encore qu'admirable!

Quoi! sans compter l'anneau dont son disque est orné,
De sept lunes Saturne encor environné! etc.

M. Gudin ne peut pas se résoudre à quitter ces lunes; il y revient encore.

Saturne offre à nos yeux un spectacle plus beau;

Il nous montre son globe au centre d'un anneau
Tandis qu'autour de lui sept lunes circulantes, etc.

Enfin l'astre d'Herschell, beaucoup plus écarté,

De six lunes encor nous paroît escorté.

Enfin M. Gudin nous apprend que si on étoit au fond de la mer, on ne verroit pas ce qui se passe à sa surface, on ne jouiroit point de ce spectacle Dont l'aspect fait frémir la terre intimidée,

Et dont sous l'eau jamais on n'auroit eu l'idée.

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Ce poème est suivi de notes, et il est bien difficile de décider ce qui vaut mieux ou des notes ou du poème. D'abord, pour la quantité de vers ou de prose, elle est absolument la même; trente pages de part et d'autre : c'est donc d'après la qualité qu'il faudroit décider, et cela est impossible. M. Gudin est également philosophe dans ses vers et dans sa prose : ainsi il nous dit, dans ses notes, que Newton croyoit à la révélation; nouveau motif, ajoute-t-il, d'être indulgent, et de pardonner à la foiblesse humaine. Il me semble néanmoins que M. Gudin n'est pas toujours conséquent à lui-même dans la division des sciences dont j'ai déjà parlé, il avoit classé la théologie parmi les sciences fausses, la médecine parmi les sciences conjecturales, et les mathématiques parmi les

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