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taine propriété, ne faut-il pas qu'ils aient des effets constans, invariables ? Enfin, n'est-il pas d'une nécessité absolue qu'ils se lient à la doctrine du fatalisme?

Tout cela n'a point échappé à M. Gall; et c'est une chose assez curieuse que l'embarras dans lequel il se trouve entre le libre arbitre qui détruit son système, et le fatalisme qui le rend odieux. Dans cette perplexité fâcheuse, il se jette, sans s'en apercevoir, ou peut-être en s'en apercevant, dans les plus grossières contradictions: car, S1 d'un côté il établit que l'éducation atténue et détruit même l'effet de ses protubérances, de l'autre la nécessité où il est de donner des exemples posi tifs, le force d'admettre l'effet irrésistible de ces mêmes protubérances; et c'est alors que, devenu par degré plus hardi, il ne craint pas d'offrir à nos regards des individus qu'un penchant nécessaire entraine au meurtre, au vol, à l'infanticide, c'està-dire à ce qu'il y a de plus horrible dans les désordres attachés à la nature humaine. C'est alors que la grandeur d'ame, l'amitié, la bonté, la tendresse maternelle, deviennent également des effets invincibles d'un instinct stupide, d'une nature aveugle; et que, par un effroyable mélange, les vices et les vertus, produits mécaniques d'une même cause, deviennent nécessairement indifférens dans leur résultat.

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Ce n'est pas la première fois que ces dangereuses doctrines, fruits naturels du matérialisme, ont été présentées; et si les formes changent, le fond reste toujours le même. Mais un nouvel embarras se présente c'est de savoir si, d'après ces grands principes, il est réellement juste de faire plus de cas d'un honnête homme que d'un fripon, et de

traiter l'un différemment que l'autre. Il y auroit quelque scandale, et peut-être quelque danger à sou. tenir la négative: aussi les matérialistes veulent-ils bien nous accorder que les juges ont, à la rigueur, le droit de faire pendre les voleurs : mail il ne leur est pas aussi facile de le prouver; il leur est même impossible de tirer une telle conséquence de leurs principes. Tous, en essayant de le faire, ont prouvé qu'ils étoient, jusqu'au bout, de mauvais raisonneurs: mais nous pouvons assurer qu'aucun d'eux, sous ce rapport, n'a poussé la déraison aussi loin que le docteur Gall: car on n'a pas manqué de lui demander ce qu'il faudroit faire d'un homme dont la protubérance qui détermine au meurtre et au vol seroit d'une telle dimension, qu'il se trouveroit ab solument dans l'impossibilité de résister à la passion de voler et d'assassiner.

A cela le crânalogue répond qu'un pareil homme n'ayant plus, en aucune manière, l'usage de sa volonté, seroit dans une espèce de délire; ce que nous lui accordons sans aucune difficulté. Mais ce qu'on auroit peine à imaginer, c'est qu'il prétend que la société auroit le droit d'infliger une peine plus forte à ce fou, qu'à celui qui, en commettant de semblables crimes, y seroit conduit sans protubérance et par un pur acte de sa volonté, par la raison, dit-il, qu'il y a quelque espérance de corriger l'un, et que l'autre, de sa nature, est incorrigible. Il résulteroit d'un tel raisonnement, que s'il y a à Charenton quelques fous furieux, il faut les en tirer pour leur faire leur procès, et se dépêcher de préparer une maison d'éducation, dans laquelle les juges enverront les voleurs de grand chemin qui n'ont point de bosses sur le crâne à certain endroit de l'occiput, entre l'organe de la prudence et celui de la dispute, pour en faire,

avec le temps, de braves et honnêtes gens qu'on renverroit ensuite avec grand plaisir dans la société.

C'est bien dommage que cet habile homme se soit encore trouvé forcé, pour résoudre cette question, d'admettre la volonté de l'homme, qu'il n'ose pas nier, et de ne pas s'en tenir au seul fatalisme, qui est la véritable base de sa doctrine; sans cela la solution eût été bien plus facile, et même plus raisonnable: il eût prouvé que les voleurs étoient invinciblement déterminés à voler, les gendarmes à les arrêter, les juges à les condamner, les bourreaux à les pendre; qu'au fond personne n'avoit tort, et qu'au bout du compte tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles. La chose présentée de cette manière seroit, à quelque restriction près, fort goûtée dans les gorges des Pyrénées et dans les cavernes du mont Pausilype.

M. Gall est venu trop tard en France : vingt ans plus tôt, il y eût fait fortune avec les Mesmer, les Cagliostro, et tous les novateurs politiques et financiers qui accouroient dans la grande ville des quatre coins du monde; mais, quant à présent, nous pensons qu'il n'a rien de mieux à faire que d'aller rejoindre M. Fenaigle, lequel est déjà retourné, ce nous semble, de l'autre côté du Rhin, où il nous paroît que, sous bien des rapports, on est justement au point où nous étions il y a vingt ans. N.

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Instruction pour les hommes sans Dicu, tirée du portefeuille d'un grand philosophe.

D. PEUT-ON se passer de Dieu ?

R. Rien de si facile et de plus commode.

D. Comment faut-il faire pour se passer de Dieu ?

R. Il faut que les philosophes se chargent d'organiser et d'arranger le monde.

D. Quels sont ceux qui, les premiers, ont tiré le monde du cahos?

R. Thalès de Milet, Héraclite, le pleureur, le rieur Démocrite, Epicure, Protagore et deux ou trois cents philosophes grecs.

D. Avec quoi ces messieurs ont-ils fait le monde? R. Les uns avec de l'eau, les autres avec du feu ; quelques-uns avec de la terre.

D. Les philosophes modernes ont-ils été contens du monde tel qu'il a été créé par les anciens?

R. Ils l'ont trouvé indigne d'un siècle de lumiè→ res, et ils l'ont refait d'après les principes nou

veaux.

D. Avec quoi les philosophes modernes ont-ils fait le monde ?

R. Avec de l'azote, de l'oxigène, de l'acide carbonique et de la potasse, qui sont les vrais élémens d'un monde bien constitué.

D. Comment les philosophes ont-ils fait l'homme? R. L'homme, entre leurs mains, a d'abord été une plante, puis un ver, puis une huître, puis un mollusque, puis un serpent, puis un loup, puis un oiseau; comme on peut le voir dans le nouveau Dictionnaire d'Histoire Naturelle,

D. Les philosophes ont-ils créé l'homme à leur image.

R. Pour la plus grande gloire de la philosophie, ils ont créé l'homme à leur image.

D. Qu'est-ce que l'homme?

R. C'est une bête brute qui est sortie de la terre comme les champignons ; qui a long-temps rampé

dans la boue, qui a vécu dans l'eau, qui a volé dans l'air; c'est une plante, c'est une huître, c'est un serpent, c'est un ours, c'est un vautour, qui est susceptible de devenir philosophe.

D. Quelle est la qualité qui met l'homme audessus des autres animaux ?

R. L'homme n'est distingué des autres animaux, que par l'angle facial, selon les nouveaux philosophes, et par la forme des mains, selon Helvétius.

D. Dans quelle partie du corps humain les philosophes ont-ils placé la faculté de penser?

R. Dans l'abdomen ou le bas-ventre, qui est le véritable siége de la raison et de la sensibilité. D. Il ne faut donc plus parler du cerveau ?

R. Le cerveau est un mot de vieille école. Au lieu de dire: on m'a troublé le cerveau, un vrai philosophe doit dire; on m'a troublé l'abdomen. Au lieu de dire d'un homme qu'il a mille projets dans la téte, on doit dire qu'il a mille projets dans le bas

ventre.

D. Que faut-il faire pour former la raison et l'esprit de l'homme ?

R. Il faut lire Mégalantropogénésie, ou l'Art de faire des enfans d'esprit, par M. Robert, du département des Basses-Alpes,

D. Quel sont les moyens que la Mégalantropogénésie enseigne pour créer de grands hommes ?

R. Elle en conseille plusieurs ; le plus efficace, celui qui est à la portée de toutes les mères, c'est de manger du miel de Narbonne et de boire du vin blanc de Chably.

D. Quels moyens avons-nous de former la mémoire ?

R. On peut acheter de la mémoire comme on

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