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Quant au moraliste et au métaphysicien du crâne, c'est la risée publique qui doit en faire justice: cela nous regarde tous. Puisque les savans ne veulent ou n'osent pas élever la voix contre une absurdité qui avilit et déshonore la science, le devoir de tous les gens sensés est de se lever en masse pour protester contre une mystification honteuse, indigne d'un siècle éclairé, indigne de la capitale de l'univers ne souffrons pas qu'un homme dont le cerveau ne paroit pas bien sain (1), quoi qu'on en dise, triomphe des meilleurs têtes de Paris, attache à son char les premières classes de la société et sa portion la plus aimable, et s'en aille étaler chez les étrangers les trophées remportés sur la crédulité et sur la sottise des Français !

XXXVIII.

G.

Réflexions sur le matérialisme à l'occasion de la cránologie.

... Au milieu des merveilles mystérieuses dont l'auteur de la nature s'est plù à nous environner, et dont il nous découvre cependant assez pour exerce on sait en effet, qu'il se donne pour le médecin des esprits et non des corps; qu'il n'est pas professeur d'anatomie, inais de crânologie; qu'il n'a jàmais songé à faire de révolution dans les sciences physiques, mais dans les sciences morales; et qu'en un mot, ce n'est ni Portal ni Pinel qui ont à craindre de recevoir la leçon de ce docteur, mais Nicole et Pascal, qui ne seront bientôt plus que de petits écoliers auprès du nouveau moraliste; car il est bien évident que les anciens traités de morale doivent fair place à une méthode par le secours de laquelle l'étude la plus longue et la plus difficile, celle de soi-même et des autres, devient tout-à-coup la plus courte et la plus aisée. (1) Ce seroit bien pis pour le docteur si Pon regardoit sa does trine y non comme une rêverie, mais contre une spéculation.

nous faire admirer sa sagesse et sa puissance, il n'est point sans doute pour nous de mystère plus impénétrable et plus merveilleux que nous-mêmes. La substance matérielle qui compose notre corps, et l'être spirituel que nous appelons notre ame, sont pour nous, dans leur essence, aussi incompréhensibles l'un que l'autre ; et cette union intime quí existe entre leurs deux natures l'est encore davantage. Plus il nous est démontré, par l'effet des opérations de l'ame, qu'elle n'est point la même chose que notre corps, plus cette ame elle-mème, qui ne peut se concevoir, s'étonne de sa liaison, de ses rapports intimes et continuels avec une subsstance dont la nature et les propriétés semblent si incompatibles avec les siennes. Par une corruption naturelle qui a été remarquée long-temps avant que l'on pût l'expliquer, et que la révélation seule à dévoilée, une vaine curiosité et de honteuses passions poussant sans cesse cette créature spirituelle et intelligente vers une recherche ambitieuse de ce qu'il ne lui a pas été donné de comprendre, il en résulte que, plus sa propre nature est impénétrable à ses yeux, plus elle fait d'efforts pour la connoître, plus elle abuse du véritable but de ses facultés (qui lui ont été accordées, non pour deviner ce qu'elle est, mais pour faire un noble usage de son être), jusqu'à ce que, parvenue au dernier degré d'avilissement dans cette inutile et folle occupation, elle finisse par chercher dans la matière seule, qu'elle croit mieux comprendre, l'explication d'un mystère qui confond sa foiblesse et révolte son orgueil.

Il est possible que M. Gall et ses disciples appellent ces réflexions des capucinades ; nous savons que ce mot est maintenant fort à la mode parmi

certaines gens, et qu'il sert souvent à lui seul de réfutation complète à tous les raisonnemens que font tous ceux qui sont persuadés que, sans la religion, on ne peut expliquer l'homme; qu'il doit exister pour lui un rapport entre la fin et les moyens, et que tout ce qui contrarie cet ordre moral est nécessairement mauvais. Mais il n'en est pas moins vrai que le dernier degré de la dégradation de l'ame est le matérialisme, et que l'étude des secrets de la nature, mal dirigée et entreprise par des esprits étroits et orgueilleux, conduit, par une pente rapide et inévitable, à toutes les bassesses et à toutes les horreurs de ce déplorable système.

Quand on considère les inombrables absurdités, disons mieux, les révoltantes bêtises imaginées par les matérialistes, depuis les atomes d'Epicure jusqu'au dieu-matière de Spinosa; lorsque l'on voit ces misérables fous consumer leur vie, non-seulement à chercher des argumens pour se persuader à euxmêmes que leur triste doctrine est au moins probable, mais par une folie plus insigne encore, à se tourmenter pour faire des prosélites, quoiqu'ils ne puissent se dissimuler que les superstitions, même les plus grossières, valent cependant mille fois mieux encore pour le repos et le bonheur des hommes, que le désespoir féroce dans lequel ils cherchent à les plonger, lorsque, disons-nous, on réfléchit sur cette fureur qui les possède, sur cette imprudence qui les dirige, n'est-on pas tenté de s'écrier qu'ont donc fait ces gens-là ? Quel intérêt ont-ils à ce que la barrière qui sépare le bien d'avec le mal soit renversée ? Ont-ils commis quelque grand crime dont ils n'espèrent point l'expiation? Sont-ils livrés à quelque passion abominable dont ils ne veulent point se détacher? Ou plutôt, n'ont

ils donc ni conscience ni volonté ; et seroit-il pos sible qu'il existât, avec toutes les apparences de l'humanité, une race d'êtres réellement inférieurs à l'homme, et à qui oes nobles facultés qui nous, ont été données pour reconnoître la puissance qui nous a créés, auroient été refusées ?

Ce que nous venons de dire pourra sembler à plusieurs une exagération; mais il est difficile que la patience n'échappe pas, lorsque l'on voit une créature raisonnable passer sa vie à essayer de découvrir si toutes les actions bonnes ou mauvaises de l'homme ne seroit point le résultat de certaines bosses qu'ils auroient sur le crâne; n'épargner, ni soins, ni peines, ni travaux, pour arriver à une démonstration bien évidente que son intelligence ne diffère point de l'instinct de la brute ; chercher à établir, au milieu des peuples policés, un fatalisme plus absurde et plus grossier que celui des peuplades les plus barbares; et dans cette désastreuse occupation, se montrer incapable de cette réflexion si simple, qui seule auroit suffi pour l'en détourner: « Qu'il est impossible qu'il existe une vérité dangereuse pour tous les hommes sans exception, et qu'un système est nécessairement faux par cela seul qu'il a ce caractère affreux de n'offrir que des maux et des crimes à l'humanité, et de saper les fondemens de toute société, lorsqu'il est démontré que la nature de l'homme exige absolument qu'il vive en société (1).

Nous avons dit que la doctrine de M. Gall conduisoit invinciblement au fatalisme, et nous allons le prouver par ses propres aveux. Cependant, avant de lui arracher cette confession si pénible, nous ne

(1) Voyez un article de ce recueil, tome III, page 50 sur l'accord du vrai et de l'utile.

pouvons nous empêcher de faire observer que luimême a mesuré l'abyme dans lequel il alloit se plonger, et que, frémissant sur les conséquences funestes d'un semblable système, il a cherché d'abord à le masquer sous certaines restrictions, sans s'apercevoir que ces restrictions étoient de nature à le détruire de fond en comble.

En supposant des dispositions innées, produit nécessaire de certains accidens d'un organe, et en soutenant d'abord qu'elles étoient irrésistibles M. Gall a bien senti qu'il révolteroit tous les csprits, parce que tous ont le sentiment intime du contraire, et que l'indignation seroit d'autant plus grande que parmi ces dispositions, il ne craint pas d'en mettre pour le vol, pour le meurtre, etc. Il a donc cru adoucir une assertion aussi odieuse, en'admettant que l'éducation pouvoit modérer, anéantir même ces dispositions. Il ne s'arrête point là, et ne peut s'empêcher de convenir que cette même éducation, qui détruit certains penchans lorsqu'elle a pris une certaine direction, peut également les faire naître si on la dirige dans un sens contraire. A-t-il bien réfléchi à ce qu'il accordoit, en convenant à ce point du pouvoir des préceptes et de l'habitude; et n'a-t-il pas senti que dès-lors rien n'est plus vain, plus incertain, plus faux que son système? Tel homme est né avec l'organe du vol: une éducation sévère et religieuse en a fait un honnête homme. Tel autre autre avoit l'organe de la bonté, de la douceur, de la probité: il a reçu le jour dans une caverne, et devient un brigand, N'ai-je pas le droit de me moquer de ces prétendus organes, qui présentent des résultats absolument contraires à ce qui avoit été établi en principe? Et pour qu'on puisse reconnoitre en eux cer

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