Imágenes de página
PDF
ePub

encore il se trouve un peu moins de femmes qui apprennent le latin, et un peu plus d'hommes qui apprenuent à monter à cheval; mais dans les par ties essentielles, telles que la danse, la musique, le dessin, etc. rien ne ressemble plus à l'éducation d'une femme, que celle d'un homme ; et réciproquement, rien n'approche plus de celle d'un homme que celle d'une femme. Mad. de Lambert ne diroit plus: « Si vous avez une imagination vaste, vive » et agissante, et une curiosité que rien ne puisse » arrêter, il vaut mieux occuper ces dispositions >> aux sciences que de hasarder qu'elles se tournent » au profit des passions: mais songez que les filles >> doivent avoir sur les sciences une pudeur pres

[ocr errors]

que aussi tendre que sur les vices ; soyez donc » en garde contre le goût du bel esprit, etc. » ; car on se moqueroit d'elle. Madame, lui diroiton, on voit bien que vous avez cent ans nous avons toujours une imagination vaste et vive, et une curiosité que rien ne peut arrêter; mais nous en redoutons peu les effets; nous avons, pour calmer les passions, bien autre chose que les sciences; nous avons les spectacles et les romans.

Thomas et Mad. de Lambert ont blâmé Molière d'avoir jeté du ridicule sur les Femmes savantes: ni l'un ni l'autre ne l'ont accusé d'avoir voulu étouffer les lumières et faire rétrograder la nation; ces cxpressions n'étoient pas créées; mais Tomas s'apuie sur des raisons qui ne sont pas celles de Mad. de Lambert. « Un auteur espagnol, dit-elle. » assuroit que le Livre de Dom Quichotte avoit » perdu la monarchie d'Espagne, parce que le ri» dicule qu'il a répandu sur la valeur que cette > nation possédoit autrefois dans un degré si émi» nent, en a amoli et énervé le courage. Molière,

» en France, a causé le même désordre par la co»médie des Femmes savantes..... Lorsque les » femmes se sont vues attaquées sur des amuse>> mens innocens, elles ont compris que, honte » pour houte, il falloit choisir celle qui leur ren>> doit davantage, et elles se sont livrées au plai>> sir. » Jamais un homme n'oseroit dire ces choseslà, et je ne puis m'empêcher de croire que Mad: de Lambert, toute femme qu'elle étoit, ne le diroit plus.

Souvent aussi elle fait des réflexions qui paroitront bonnes dans tous les temps. « Soyez humble, » dit-elle, sans être honteuse; la honte est un or»gueil secret.-- Les défauts comme les odeurs, » n'incommodent point ceux qui les portent.->> Voulez-vous qu'on dise du bieu de vous, ne dites » du mal de personne.-- Que chacun s'examine à » la rigueur, il trouvera qu'il n'a jamais eu de dou» leur, qu'il n'y ait donné lieu par quelque dé» faut, ou par le manque de quelque vertu.->> Un ancien disoit qu'il s'enveloppoit du manteau » de sa vertu : enveloppez-vous de celui de votre » religion.-- Quand nous avons le cœur sain, nous » tirons parti de tout, et tout se tourne en plai» sir, Nous approchons des plaisirs avec un goût » de malade; souvent nous croyons être délicats, >> et nous ne sommes que dégoûtés.-- Ce seroit un » heureux traité à faire avec l'imagination, que » de lui rendre ses plaisirs, à condition qu'elle ne » nous feroit point ressentir ses peines.-- On dit » que Jupiter, en formant les passions (et les ver» tus sans doute), leur donna à chacune sa de» meure ; la pudeur fut oubliée, et quand elle se » présenta, on ne savoit point où la placer : on » lui permit de se mêler avec toutes les autres.

» Nous comptons trop sur les hommes ; c'est aussi » la source de nos injustices. Nous leur faisons des » querelles, non sur ce qu'ils nous doivent, ni » sur ce qu'ils nous ont promis; mais sur ce que >> nous avons espéré d'eux; nous nous faisons un >> droit de nos espérances, qui nous fournissent >> bien des mécomptes. » Il me semble que toutes ces réflexions conviennent aux hommes autant qu'aux femmes, et que la dernière sur-tout pourroit recevoir de bien fréquentes applications dans ce siècle.

S.

X X X V.

Réflexions diverses sur l'éducation des filles à l'occasion de l'ouvrage de Fénélon sur ce Sujet.

EN

N lisant le livre de Fénélon sur l'éducation des filles, on est surpris de n'y trouver qu'un seul passage qui soit goûté et mis en pratique de nos jours; c'est celui-ci :

<< Je voudrois, dit l'auteur, faire voir aux jeunes » filles la noble simplicité qui paroît dans les >> statues et dans les autres figures qui nous restent » des femmes grecques et romaines, Elles y ver-. >> roient combien des cheveux noués négligem»ment par derrière, et des draperies pleines et >> flottantes à longs plis, sont agréables et majes>> tueuses. Il seroit bon même qu'elles entendissent >> parler les peintres et les autres gens qui ont ce >> goût exquis de l'antiquité. Si peu que leur esprit » s'élevât au-dessus de la préoccupation des modes,

elles auroient bientôt un grand mépris pour » leurs frisures, si éloignées du naturel, et pour les » habits d'une figure trop façonnée. »

Tome V.

18

[ocr errors]

Il est aisé de voir, par ce passage, quel étoit le but de Fénélon. Il cherchoit à faire la guerre à cette ridicule toilette qui ne finissoit pas, et qui faisoit perdre aux femmes un temps qu'il croyoit pouvoir être plus utilement employé. Mais si on lui avoit dit qu'elles ne renonceroient à l'échafaudage énorme de leur chevelure, à fleurs quatre jupons et à leurs paniers, que pour adopter des vêtemens presque tout à fait transparens qui, non-seulement, ne préserveroient pas leur personne des injures de l'air, mais laisseroient leurs formes exposées aux regards les moins pénétrans; si on lui avoit dit qu'elles n'emploieroient le temps qu'il vouloit leur ménager, qu'à apprendre à chanter et à danser comme des filles de théâtre, il est probable qu'il se seroit bien gardé de rien dire des modes de son temps. Horace, toutefois, l'avoit averti qu'il y a des gens qui ne sauroient éviter un excès sans tomber dans l'excès contraire.

Dum vitant stulti vitia in contraria currunt.

- Fénélon prouve fort bien que les enfans qu'on admet trop souvent à partager les dissipations de la vie et les plaisirs de la société, prennent facilement en dégoût et leurs devoirs et leurs occupations ordinaires, et qu'ils deviennent incapables d'aucune application sérieuse. Si on s'arrête ici à cette remarque plutôt qu'à toute autre, c'est que, dans l'éducation actuelle, on ne paroît pas faire grande attention aux conséquences du même abus et de la même fauté. Dans la plupart des Lycées et des pensions particulières, les études des jeunes gens de l'un et l'autre sexe, sont continuellement interrompues par des distractions et une dissipation dont on ne calcule pas assez les effets. L'in

térieur de ces maisons ressemble beaucoup plus à une école du monde qu'à une école de moeurs et d'éducation. On y connoît avec le plus grand détail tout ce qui se passe à la cóméḍiè, au bal1, à la cour et à la ville. On y discute, avec autant d'intérêt que d'ardeur; sur les pièces de théâtre, sur le talent des acteurs, sur le mérite des déesses de l'Opéra. Tel n'est là, en apparence, que pour apprendre la grammaire ou expliquer Cicéron, et qui seroit en état de rédiger une chronique scandaleuse. Les anecdotes des coulisses, les rap ports journaliers de ce qui concerne les spectacles, y sont lus avec plus d'attention encore que dans les boudoirs et dans les cafés. Toutes les frivolités qui occupent ailleurs l'oisiveté, s'entassent là, pêle-mêle, avec l'histoire ancienne et la géographie, avec les leçons de morale et de littérature, dans de jeunes têtes ardentes, beaucoup plus disposées à recevoir les impressions qui les dissipent agréablement, que celles qui les occuperoient utilement. Ce qu'il y a de plus malheureux, c'est qu'on ne voit pas quels moyens il faudroit employer pour faire cesser ce genre d'inconvénient, car il vient, en grande partie, de ce que ceux qui sont aujourd'hui chargés de l'éducation, hommes comme femmes, sont presque tous des gens du monde, qui passent leur vie dans le tourbillon du monde, et dont les goûts ne sont pas moins que ceux de leurs élèves, tournés vers tous les genres de frivolité qu'offre le monde. Ici, c'est un petit maître qui entre dans sa classe sur la pointe du pied et dont la tête grecque n'est souvent meublée que des remarques qu'il a lues sur les spectacles et les modes. Là, c'est une maîtresse de pension qui passe tous son temps à faire et à recevoir des

« AnteriorContinuar »