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qui, pour le prix modique de 12 et 1800 fr. par tête, font abstraction de toute espèce de calcul, de passion et de plaisirs, pour se livrer tout entières, aux soins qu'exigent l'éducation de trente, quarante et jusqu'à soixante jeunes orphelines.

C'est peu : non contens de saper les fondemens de l'institution, messieurs les censeurs jaloux osent en condamner tous les détails. Il y a quatre ou cinq ans qu'ils blâmoient nos institutrices de ne nous apprendre que la musique et la danse; à présent ils leur reprochent de nous initier aux sciences et aux belles-lettres, Pourquoi, disent-ils, ne pas se contenter d'enseigner à ces petites filles la cuisine, la couture et le tricot! On voit bien ici percer le bout de l'oreille. Ces messieurs desireroient n'avoir pour femmes que des ignorantes, qu'ils mèneroient selon leur caprice, à qui ils feroient tout accroire. Ils voudroient fonder leur double empire sur leur force et sur notre bêtise. Alte-là, Messieurs ! les pensionnats modernes mettent des bornes à votre ambition, à votre tyrannie. Voilà le vrai secret de votre haine :

Inde ira.

Oui, Messieurs, je sais le latin, j'ai tout ap pris: le grec, en cas que le sort me destine à un savant, que je relèverai en cas d'anachronisme; les mathématiques, si un géomètre m'est réservé en mariage, et pour le faire marcher en droite ligne; la législation, en cas d'alliance avec un avocat, et pour lui couper, quand il faudra, la parole je défie enfin tous les hommes, et les attends tous pour maris. Au reste, Messieurs, vous l'avez voulu; ne vous plaignez pas. II y a cinq ans, comme je vous l'ai

dit', que toujours chantant et darisant, nous savions à peine lire; nous ressemblons à nos professeurs, qui, piqués par vos reproches, ont fait leurs cours én même temps que nous, et en savent maintenant un peu plus que leurs écolières.

Des professeurs ! Vous en chercheriez vainement ailleurs de semblables aux nôtres. Ceux de collégé sont pédans et lourds. Les nôtres, aimables et légers, savent unir les fleurs de la rhétorique aux fleurs de la galanterie, et nous instruisent en nous amusant.

Celui-ci, en nous apprenant l'histoire romaine, ne passe jamais au règne de Titus sans faire l'éloge de nos cheveux. Belle Aglaé, disoit-il l'autre jour à mon amie, arrangez toujours votre coiffure comme l'empereur romain; ayez toujours et votre tournure et sa bonté, tout le monde vous aimera; vous ferez plus de conquêtes que Titus, et, plus heureuse que lui, vous ne perdrez pas de journée.

Cet autre, à propos de mythologie, voulant figurer le Parnasse, fait prendre à chacune de ses écolières un des attributs des Muses: Agatha saisit sa harpe, Malvina son luth, Cécilia déclame, Rosa danse; il arme celle dont les traits sont les plus prononcés, d'un couteau de table en forme de poignard; il donne un masque à la moins jolie: quelle délicatesse! «Ainsi, Mesdemoiselles, vous verriez » le Parnasse entier, s'écrie-t-il, s'il ne nous man» quoit pas un Apollon. » Et aussitôt, sensibles à sa galanterie pleine de grace, nous le drapons d'un léger schall, nous lui mettons une perruque blonde, et le proclamons Phiébus. (C'est ce qu'on appelle une leçon de mythologie en action.)

Allez, censeurs chagrins, de pareils procédés ne

sauroient s'effacer par des critiques; vous blâmez nos exercices, nos prix, nos programmes; hé bien apprenez que le programme n'a pas tout dit : un bal a suivi la distribution; et là, mères et filles se sont tour-à-tour applaudies, encouragées, succédées. La meilleure danseuse a exécuté une gavotte qui a enlevé tous les suffrages; et mille applaudissemens répétés, vingt couronnes réservées et mises sur sa tête, l'ont bien vengée du silence honteux du programme, et du babil indiseret des journaux. J'ai l'honneur d'être, Messieurs.

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Sur un Livre intitulé: De la Nécessité de l'Instruction des Femmes; par madame GACONDUFOUR de plusieurs sociétés littéraires, auteur du Traité pratique d'Economie rurale et domestique, et autres ouvrages.

UNE académie avoit proposé pour sujet de prix l'utilité des maisons incombustibles. Un anonyme avertit l'académie qu'elle avoit elle-même remporté le prix, puisque proposer une question semblable, c'étoit la résoudre. La question que madame Gacon présente, est du même genre. Personne, en effet, ne doute qu'il n'y ait une instruction nécessaire pour les femmes. Personne n'a pensé qu'elles dussent ignorer leurs devoirs de religion et de morale : personne n'a cru qu'il leur fût permis de négliger le soin de leur ménage, qu'elles ne dussent veiller sur leurs enfans, et soigner le bonheur domestique

de leur époux. Mais ce qui sera toujours un objet de dispute, c'est le degré d'instruction qu'il convient de donner aux femmes. Hors la religion et la morale, tout le reste est arbitraire : la fortune, le rang et les dispositions naturelles exigent ou permettent des occupations et des études différentes; un système général et uniforme d'éducation n'est qu'une absurdité.

Madame Gacon reproche avec sévérité aux pères de famille la préférence qu'ils ont donnée aux talens de la danse et de la musique. « Ce n'est pas, ditelle, que je veuille bannir de l'éducation les talens agréables; mais je voudrois que l'on commençât par les talens utiles; à moins qu'on ne destinât ses filles à être artistes. Mais si on les destine à être mères de famille, il faut qu'elles apprennent tout ce qui est utile pour leur ménage, tout ce qui peut procurer une vie douce et paisible; il faut surtout qu'elles conçoivent le desir de faire partager leurs goûts à leurs époux. » Cette dernière nécessité ne me parait pas aussi bien établie que les autres: un ménage n'en seroit pas moins heureux, quoique le mari n'eût pas comme sa femme, le goût des occupations domestiques. Mais ce qui me paroît vraiment d'un succès infaillible, c'est le plan d'instruction tracé par madame Gacon: « Je voudrois, ajoute-telle, qu'on fit alternativement lire à une jeune per sonne Montaigne et la Maison rustique ; Mably et l'Art d'apprendre à filer les laines, coton, lin, etc., Parmentier, pour la culture des pommes de terrę ; Fénélon et la Cuisinière économe; Plutarque et l'Art de la manipulation des pains; Buffon et l'Education des bêtes à laine; la Philosophie de Newton et la Science d'une bonne fermière. »

Ce systême d'éducation, extrêmement neuf, est

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développé dans un roman ; c'est un usage consacré; et depuis que Lucrèce a conseillé de frotter avec du miel les bords des vases où les enfans doivent boire leur guérison (1), c'est par des romans qu'on est convenu de les instruire.

J'ai malheureusement passé l'âge où l'on goûte encore le miel; et j'avouerai que je n'ai pas lu le nouveau roman que j'annonce. Je n'en conçois pas moins une opinion très-avantageuse de sou mérite. J'en ai pour garant la liste des ouvrages que son auteur a déjà publiés. Cette liste est imprimée à la tête de son nouveau livre, et l'on nous saura gré de la transcrire ici: L'Homme errant fixé par la raison; les Dangers de la coquetterie ; Georgiana ; Mélicarte et Zirphile; Voyage de plusieurs émigrés; la Femme grenadier; le Contre-Projet de loi portant défense d'apprendre à lire aux femmes ; Recueil pratique d'économie rurale; plusieurs mémoires insérés dans ceux de la Société d'agriculture. (2)

(1) Vers de Lucrèce.

(2) La liste des ouvrages de madame G. s'est considérablement grossie depuis cet extrait; et les critiques en admirant cette fécondité,n'ont pas donné moins d'éloges « aux secrets admirables » par lesquels madame G. fait du vin sans raisin, des confitures » sans sucre, des livres sans jugement, sans esprit, sans style, > sans raison; » de tout cela, et après avoir prouvé tout cela, l'un de ces critiques, M. A., a tiré la conclusion suivante: Si › madame G. veut absolument travailler pour nous, elle doit » se contenter de nous donner ces petites recettes économiques » qu'elle nous indique de temps en temps pour faire des confitures » et des liqueurs, car, drogues pour drogues, j'aime encore > mieux ses ratafia que ses livres. »

Tel est le goût de M. A.: il étoit bien le maître de l'avoir et -de le manifester d'une manière polie; mais madame G. se plaignit (dans une belle Épitre de 17 pages in-8°., qu'elle lui fit l'honneut de lui adresser), qu'il avoit été trop doux, et qu'il auroit mieux fait de la traiter comme la belle Hypacie, c'est-à-dire, la dé

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