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contre mon audace sacrilége. J'ai ri, je l'avoue, de l'importance ridicule et funeste qu'on attache à ces sortes de cérémonies; je me suis moqué de ces écoles où l'on apprend tout, excepté ce qu'on a besoin de savoir. Je me suis peut-être même un peu amusé aux dépens de certains hommes de lettres, qui, dans un examen public, demandent gravement à de jeunes filles : « Mademoiselle, » quoique de toutes les figures de réthorique la » vôtre soit la plus jolie, et qu'elle ôte tout de>> sir de connoitre les autres, faites-moi le plaisir » de me dire ce que c'est que la cathachrèse ? »

La réthorique, le discours et la narration m'ont paru des choses superflues dans l'éducation des femmes, et j'ai proposé d'y substituer le tricot, la couture et la connoissance de tous les détails du ménage. A ce mot de ménage, M. G. s'anime d'une sainte indignation; il ne conçoit pas qu'une femme qui a de la fortune, un rang, des dignités (ce sont ses expressions), puisse s'avilir jusqu'à coudre, lorsqu'elle est entourée d'un cercle d'hommes graves ou frivoles, de littérateurs, de savans, de militaires, de médecins, etc. etc.

Son systême est bien autrement libéral; il veut qu'elle ne soit étrangère à aucune discussion, qu'elle puisse tenir tête à tout le monde. Ainsi, il est clair que l'éducation nouvelle est encore trop bornée dans les pensionnats à la mode. Allons vite, vîte, qu'on établisse des chaires de physiques d'anatomie, de mathématiques; qu'on apprenne aux jeunes. filles les Pandectes de Justinien, l'escrime, l'art de défendre les places assiégées; que chaque pen sionnat de demoiselles soit en grand ce que le collége de France est en petit ; en un mot, que ce soit là le dépôt de toutes les sciences, les archives de

toutes les connoissances humaines, car M. G. veut qu'une femme ne soit pas étrangère à ce que saura son mari: or, comme elle ne peut pas deviner qui l'épousera, il en résulte qu'elle doit tout apprendre. Je ne connois point M. l'avocat G.: mais je gagerois qu'il est célibataire, et je conçois en effet qu'il desire ardemment trouver une femme versée dans la législation. Nous ne sommes plus, s'écriet-il, au temps où la princesse Nausicaé alloit ellemême laver son linge (1). Sans doute il seroit aujourd'hui fort ridicule que la fille d'un roi lavat son linge; mais personne ne trouveroit mauvais que la fille d'un avocat sût raccommoder la robe de son père. Car enfin il faut traiter la chose sérieusement; et puisque des institutions évidemment funestes aux mœurs et à la société trouvent des défenseurs, un écrivain, qui n'a d'autre passion que le bien public, doit les combattre, et renverser d'un souffle ces brillans édifices, qui ne furent élevés que par l'intérêt, et qui ne sont soutenus que par l'orgueil.

Certes, s'il n'existoit dans ces pensionnats que des filles de rois, la nouvelle éducation seroit parfaite, et il n'y auroit pas un mot à dire. Mais. qui ne sait que par suite de cette funeste manie de briller, qui a saisi toutes les classes de la société, d'honnêtes négocians, de bons marchands tenant boutique, veulent aussi, pour 1800 fr. par an avoir des filles qui dansent, qui jouent la comédie,

(1) Cela pourroit néanmoins arriver, de l'aveu de M. G., aux pensionnaires élevées suivant la méthode Mile L., mais alors, dit-il, a si le malheur extrême réduit ces demoiselles à > laver leurs robes, elles iront' avec la méme grace, et peut-être » le même contentement, que la fille d'Alcinois, ou la princesse. Nausicaé, vers le ruisseau qui arrosera le jardin. »

Tome V.

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et qui, au lieu d'apprendre la différence du mètre à l'aune de Paris, s'appliquent à dessiner un buste antique, ou à étudier toutes les règles de la prosopopée. Aussi quelles sont les suites de cet aveuglement funeste ? Lorsqu'elles rentrent dans la maison paternelle, la vanité des élèves souffre plus encore que l'orgueil des parens n'est flatté. Les goûts peut-être un peu trop simples d'une mère qui passe ses jours dans un comptoir; son langage qui n'est pas toujours conforme aux règles de la syntaxe; enfin, ses habitudes un peu trop bourgeoises, blessent d'une étrange manière une fille élevée dans le dernier genre. Il y a peu de temps encore que dans un grand diné;, j'en entendis une reprendre sa mère qui mettoit un singulier à la place d'un pluriel, et lui dire très-haut:... Mais tais-toi donc, on parle mieux que cela;... en vérité, tu me fais rougir..... Car un des principes de la nouvelle éducation est aussi de tutoyer ses parens.

Qu'elles sont à plaindre ces jeunes victimes de l'orgueil et de la vanité! Etrangères par des goûts nouveaux à la maison où elles ont reçu le jour, elles voient avec douleur le luxe et l'éclat de leurs anciennes compagnes, et finissent par s'exposer à leur mépris, si elles osent rappeler qu'elles ont eu l'honneur d'étudier avec elles. Combien de parens se sont ruinés pour satisfaire la folle ambition de leurs filles; combien de maris se sont précipités dans l'abîme pour obéir aux caprices de femmes à qui on avoit appris qu'elles ne parviendroient à la considération que par la célébrité ! Qu'on jette un coup-d'oeil sur l'intérieur des familles, on apercevra par-tout, même dans les maisons les plus opulentes, de la gêne, de

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l'embarras, du désordre. C'est que l'économie domestique, les soins de la maison appartiennent aux femmes, et que par malheur elles préfèrent à ees détails, trop ennuyeux quand on sait la rhétorique, les bals, les spectacles, les cercles, les concerts et les athénées.

Je pourrois ici m'appuyer sur des considérations bien plus graves; je pourrois démontrer jusqu'à l'évidence, que le relâchement général des mœurs, que le mépris de la foi conjugale, l'oubli des devoirs les plus saints, proviennent, en grande partie, de la mauvaise éducation des femmes. Quel bien peuton attendre en effet d'institutions où de jeunes filles, au lieu d'apprendre à être douces, modestes et soumises, s'enivrent de toutes les fumées de la vanité, paroissent sur un théâtre, et viennent recevoir des couronnes aux applaudissemens d'une foule d'oisifs et de parens aveugles ? Comment ne proscrit-on pas dans les maisons de femmes toute espèce de représentations théâtrales ? De pareils jeux peuvent convenir à des jeunes gens qui sont appelés à parler en public, ou sortent des Lycées pour entrer dans des régimens; mais le simple bon sens ne dit-il pas que la jeune fille la plus applaudie sur un théâ– tre, est toujours la moins modeste; que pour y briller, il faut qu'elle renonce d'abord à la timidité, qui est la compagne inséparable de la pudeur, et le charme le plus doux de l'innocence ? Oh, combien elle est plus intéressante cette jeune fille, qui d'une voix émue, récite, le jour de la fète de son père, un petit compliment que son trouble lui permet à peine d'articuler ! Ce tremblement, dont el'e ne peut se défendre, n'est-il pas un spectacle bien plus doux que celui d'une troupe d'écolières qui dissertent avec assurance sur l'histoire des Grecs et

des Romains? Mais en voilà trop sans doute sur ce sujet. Tous les hommes de bons sens sont convaincus, et ce seroit une peine fort inutile que de vouloir persuader les esprits faux. E... e

ΧΧΧΙΙ.

Réplique d'une jeune Orpheline contre l'article précédent, adressée aux Rédacteurs du Journal de l'Empire.

POURQUOI

OURQUOI donc, Messsieurs, blâmez-vous si amèrement les principes actuels d'éducation du beau sexe? Peut-être sera-t-il permis à une de celles qui a ressenti les plus heureux effets de cette éducation, de vous adsesser de vives réclamations en faveur des pensionnats de jeunes demoiselles, si justement célèbres à Paris.

A l'abri du nom le plus respectable, celui de Fénélon, on commence par condamner ces institutions; on les déclare non-seulement inutiles, mais vicieuses. « Les mères, disent ces Aristar«ques, doivent être les seules institutrices de leurs >> filles.» Mais celles qui ont le malheur de perdre leurs parens, qui donc prendra soin de leur éducation? Voilà, j'espère, un argument sans réplique. Eh! ne faut-il pas, Messieurs, que vous éprouviez un grand besoin de critiquer, puisque, non contens des auteurs sifflés, des livres sans débit, des acteurs sans talent, il faut que vous attaquiez des personnes charitables et généreuses

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