Imágenes de página
PDF
ePub

raisonnemens et ses recherches ont aveuglé comme à l'envie? On ne peut que lui conseiller de rejeter cet entassement de compilations indigestes, qui surchargent sa mémoire au détriment de sa raison,

» nemens légitimes en quelque forme qu'ils soient établis : qui > entreprend de les renverser n'est pas seulement ennemi pu> blic, mais ennemi de Dieu »; (Politique tirée de l'Écriture sainte, Liv. 2, in fine.) A ces deux autorités on peut en joindre une troisième, celle de Fénélon, (Voy. son Histoire par M. de Bausset, tom. 2, page 400; ou par Ramsay, pag. 179 et suiv.)

Mais ce qui rend plus remarquable, et ce qui met à l'abri de toute critique le passage de Bossuet sur l'imperfection attachée à tous les gouvernemens, c'est celui qui le précède, où ce grand écrivain développe avec une profondeur qu'il n'appartient qu'à lui de réunir à tant de sagesse, les avantages de la monarchie, et en particulier des loix qui réglent en France l'ordre de la suceession au trône, et qui lui font dire que la France peut se glo» rifier d'avoir la meilleure constitution d'État qu'il soit possible et » la plus conforme à celle que Dieu même a établie, ( chez les » Israëlites) ce qui montre tout ensemble et la sagesse de nos ancê> tres et la sagesse particulière de Dieu sur ce Royaume.. » ( ibid.) Double sagesse livrée à la dérision durant un demi siècle, sacrifiée à une funeste anglomanie et à tant de vains systêmes, enfin remise en honneur de nos jours où elle a trouvé d'éloquens défenseurs lesquels, à la vérité, peuvent y mêler quelquefois des opinions particulières, mais qui ne sauroient faire méconnoître leur mérite, et qu'on est bien libre de ne pas embrasser quand elles s'écartent de la politique de Bossuet.

Quoiqu'il en soit il nous paroit que d'après Bossuet et Fleury, (deux hommes qui ne furent pas seulement habiles dans la science de la religion, mais encore dans celle de la politique qu'ils enseignerent aux héritiers du trône) il nous paroit dis-je, ou plutôt il est évident que l'unité du pouvoir ou la monarchie n'est pas un gouvernement qui soit plus favorisé que tout autre par le christianisme; on peut même ajouter qu'il n'est pas donné en exemple dans la constitution de l'Église (pas plus qu'il ne l'est en précepte dans sa doctrine), puisque l'autorité y réside dans le corps des premiers pasteurs unis à leur chef; ce qui forme un gouvernement mêlé de monarchie et d'aristocratie. (Voyez le discours, cité plus haut, où cette doctrine se trouve très-disertement exposée. )

d'étudier, avec une logique plus saine, les premiers principes de la société, et de porter sur les faits de l'histoire des yeux plus tranquilles et moins troublés par la passion.

M. Villers est encore plus étonnant en littérature qu'en politique. Dans cette dernière science, il a été puissamment secondé par les grands génies qui ont ouvert la carrière depuis douze ans. Mais, dans l'autre, il est absolument neuf, soit pour les conceptions, soit pour le style.

Il a entrepris de prouver que, dans le pays où règne la croyance de Luther, les lettres ont fait infiniment plus de progrès que dans les pays catholiques. Il s'agissoit donc de trouver dans quelques cantons luthériens, des hommes plus renommés en littérature que ceux que la France et l'Italie ont produits. Or, croyez-vous que cela fût si aisé ? Etait-ce une chose si facile, à votre avis, que de trouver des noms dignes d'être opposés à ceux des Galilée, des le Tasse, des Descartes, des Pascal, des Fénélon, des Bossuet, des Corneille, des Racine, etc., etc. Eh! bien, M. Villers a déterré, dans le fond de la basse Saxe, des gens qui s'appellent Hemsterhuys, Schüttz, Voss, Heeren, Schroeck, Morholf, Seckendorf, Sont-ce là des gens célèbres? Y a-t-il rien de plus connu et de plus répandu que leurs ouvrages? Ils traitent de l'exégèse, de l'archeologie, de la tecnologie, de la catéchistique, de l'herméneutique, et de la caméralistique. Savez-vous, vous autres Français, ce que c'est que la caméralistique ? J'oserois bien assurer que Pascal et Bossuet ne le savoient pas. Il est donc évident que la basse Saxe est plus savante et plus lettrée que la France.

Je demande s'il ne faut pas être de bien mauvaise humeur pour chicaner un homme qui raisonne dans ce goût-là. Vouloir prouver que Schroeck est plus célèbre que Racine, opposer à des hommes connus dans tout l'univers un tas de noms grotesques et des bas-saxons obscurs, n'est-ce pas, dans le fond, une excellente plaisanterie ? Et l'Institut pouvoit-il résister au plaisir de couronner une originalité aussi piquante? Je ne vois que M. Mercier, dans le monde, qui puisse s'en fâcher et se plaindre qu'on aille sur ses brisées, car il avait prouvé longtemps avant M. Villers, et avec bien plus d'esprit, que Racine est extrêmement ennuyeux, et que les drames monstrueux de l'Allemagne sont aussi amusans que la philosophie de Kant, qui traite du génie transcendental et formateur, du moi cognitif, qui est un de l'unité de cohérence, de la certitude subjective, et d'une foule d'autres questions de cet agrément.

M. Villers établit son système littéraire sur un raisonnement unique, dont il est aisé de sentir la force. Pourquoi, dit-il, les professeurs de Gottingue sont-ils plus profonds que les Mallebranche et les Pascal, et pourquoi les Allemands sont-ils plus spirituels que les Français ? C'est que les uns sont luthériens et les autres catholiques. Or, on est homme d'esprit par cela seul qu'on croit à Luther, et on n'est qu'un sot si l'on croit à l'Eglise Romaine. Voilà pourquoi Bossuet n'était qu'un sot.

Mais êtes-vous curieux de savoir comment un Iuthérien est nécessairement un homme de génie tel que M. Villers; et comment un catholique est nécessairement un stupide, tel que Pascal? Le voici. Il n'y a rien de plus clair. C'est que les disciples de Luther ont le droit d'examiner, et de croire ou de

[ocr errors]

nier tout ce qui leur plait, et vous jugez, dit M. Villers, quelle ouverture et quel esprit cela nous donne. Cela est prodigieux. Un homme qui peut nier tout, est incontestablement un aigle. Au lieu qu'un malheureux catholique est obligé de croire, en matière de religion, et il est évident que cela l'empêche de faire usage de sa raison dans toutes les autres matières qui n'y ont point de rapport.

[ocr errors]

Ce raisonnement est invincible, et pour prouver que la religion apostolique empêche la raison humaine de se développer, M. Villers nous expliquera ces passages de Saint-Paul: Rationabile sit obsequium. Spiritum nolite extinguere. Omnia autem probate ; quod bonum est tenete. « Que votre obéissance soit raison»nable..... gardez-vous d'éteindre l'esprit, mais » éprouvez toutes les doctrines, et retenez celles » qui sont bonnes. » Rien ne prouve mieux, comme on voit, que cette religion condamne l'homme à être un esclave-né, par la stupéfaction et l'apathie qui énerve ses facultés.

Ce qui est le comble du malheur, c'est que l'expérience est ici en faveur de l'église romaine, et les critiques profitent malicieusement de cet avantage pour mettre M. Villers à la torture. Ils disent que Luther, en donnant à ses sectateurs le droit de sonder les questions de la théologie, les a, par cela même, engagés dans une philosophie scholastique qui n'a ni fond ni rive; c'est ce qui fait qu'on ne sait plus à quel principe se tenir en Allemagne pour fixer la croyance, et que les universités disputent éternellement, sans pouvoir s'entendre, sur des objets qui passent la portée de leur raison. De là toutes ces sciences barbares,

et ce fatras d'érudition gothique, sous lequel M. Villers et les Allemands de son espèce paraissent si fiers de leur épaisseur. Tout cela est extrêmement méprisé aujourd'hui par tout ce qu'il y a de poli en Europe. C'est une chose désolante. La religion romaine, au contraire, en fixant les principes de la croyance religieuse, ne fait qu'épargner à l'esprit humain des recherches stériles, et un égarement interminable dans les abimes de l'infini. Elle l'oblige donc à tourner toute son activité et toute sa force vers les sciences vraiment utiles, et vers les lettres, qui sont l'ornement de la société. Voilà la raison de cette grande lumière qu'a jetée dans le monde la littérature française, dans un temps où tous les esprits, retenus par la foi dans de justes bornes, et respectant ces questions inaccessibles à la raison, ne connaissoient rien qu'ils ne pussent pénétrer dans les autres parties du savoir: mais, sans vouloir tirer avantage de la supériorité incontestable de notre nation, on peut avancer que, dans toute la liberté luthérienne, l'Allemagne n'a jamais produit d'esprit aussi vif et aussi entreprenant que ce Galilée, qui s'est pourtant élevé sous la servitude romaine, et qui n'eut d'autre tort que de vouloir mêler la physique à la religion. On peut aussi défier toute la basse Saxe de trouver dans ses lourds érudits un seul génie de la trempe de Michel Cervantes. Un tel homme pèse plus dans la balance que tous les commentateurs de l'Allemagne, et M. Villers par-dessus. Le seul génie vraiment supérieur qu'ait produit cette contrée, Leibnitz étoit si éloigné des principes de Luther, qu'il vouloit donner au pape une prépondérance en Europe, que les souverains catholiques ne lui auroient peut-être pas accordée. Aussi les

« AnteriorContinuar »