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lement cosmopolite ou catholique, suivant la vraie étymologie de ce terme. (Page 31.)

Il ajoute, que quand la société religieuse, fondée en son nom, s'étendit par toute la terre, il convint d'ajouter à sa forme.

De là, dit-il, le pouvoir qu'a pu transmettre sur ce point le législateur à la future Eglise (Pag. 32.)

Or, ce qui résulte clairement de ces passages, c'est que M. Villers nous accorde deux choses l'une, que J. C. a institué des lois divines, pour régler les volontés des hommes; et l'autre, qu'il a donné à son Eglise un pouvoir nécessaire pour la régir. C'est dire beaucoup; mais allons plus loin, et voyons quelle est la raison de ce pouvoir, Je demande quelle force et quelle stabilité auroient ces lois divines dont parle M. Villers, si elles étoient abandonnées à la liberté des opinions, si chacun avoit le droit de les interpréter, de les entendre à sa manière, et de les tordre en tout sens, pour les accommoder à ses passions? Il est manifeste qu'en les établissant sur un fondement si ruineux, ce seroit les détruire; ce seroit replonger la société dans le chaos d'où on la vouloit tirer, et finalement laisser l'homme sans règle et sans frein. Or, Dieu n'a pu, sans doute, exposer les lois religieuses, les lois sociales, à ce désordre. Il a donc dû établir une autorité pour les maintenir contre toute innovation. Voilà la raison philosophique de ce pouvoir que M. Villers reconnoît avoir été institué par le divin fondateur du Christianisme. Cette autorité est tellement fondée en droit, elle est tellement appropriée aux besoins des hommes qu'il faut conduire, que Leibnitz, le plus éclairé des protestans, ne fait pas difficulté de la reconnoitre dans le

pape, Puisque Dieu, dit-il, est le Dieu de l'ordre, il s'ensuit qu'il y a aussi, le droit divin, dans són Eglise, un souverain magistrat spirituel. (Epist. ad Fabric.) Or, une autorité qui a ces caractères, une autorité que la raison humaine réclame comme le terme de toutes les disputes, et que la société implore comme le fondement de son ordre et de ses lois, est manifestement une autorité légitime; et si l'on considère par quel juste enchaînement les aveux de M. Villers ont amené cette conclusion, on sentira que ce point doit être désormais, entre hors de contestation.

nous,

Mais, à présent, qui oseroit justifier Luther? Qui oseroit vanter l'esprit et l'influence de sa révolte, lorsqu'il suit clairement de tout ce qui vient d'être établi et reconnu, que ce chef de la Réforme, en soulevant les nations contre l'Eglise et son pouvoir, ne fit qu'enseigner aux hommes à mépriser une autorité légitime, une autorité nécessaire ? Cette conséquence est inébranlable; et M. Villers peut maintenant s'emporter tout à son aise contre les papes, il peut en exagérer les abus, il peut ajouter vingt volumes de déclamations à celui qu'il a déjà mis en lumière. Le siècle dernier lui fournira une bibliothèque d'injures contre l'Eglise; il peut la copier, Misérable ressource des esprits foibles, de s'aigrir contre les défauts inséparables de l'exercice de l'autorité, pour attaquer l'autorité même ! Quoi! parce qu'il aura existé un Alexandre VI qui donna l'exemple des mauvaises moeurs; parce qu'un Grégoire VII, et quelques autres, auront abusé du pouvoir, dans un siècle peu éclairé, j'en conclurai que ce pouvoir n'est plus légitime! Parce que des ministres de l'Evangile n'auront pas suivi ses lois, je détruirai l'Evangile!

Et parce que la société n'est pas parfaite, je dirai qu'il n'y a plus d'ordre ni de lois dans la société ! Voilà pourtant le pitoyable sophisme sur lequel toute cette philosophie roule depuis un siècle. Logique si perverse et si faible, parce qu'elle est si passionnée! Raisonnement si faux, qu'il prouve tout le contraire de ce qu'on veut lui faire prouver! Eh! philosophes, c'est précisément parce que l'homme peut abuser un moment de l'autorité, qu'il faut maintenir cette autorité avec plus de force que jamais, de peur que les hommes sans raison ne la détruisent en voulant la corriger, et ne renversent la société, pour la redresser à leur manière. Car enfin, s'il faut se venger des abus de l'autorité par d'autres abus, s'il faut punir la tyrannie par la révolte, et, comme il arrive toujours, réprimer la révolte par la tyrannie, dans quel cercle effroyable de vengeances nous conduisez-vous, et où s'arrêteront les passions de l'homme, dans cette suite d'aby mes qui s'appelleront l'un l'autre? Vous attaquez l'autorité, parce que l'homme en abuse! mais pouvez-vous éviter que l'autorité ne soit dans la main des hommes? Vous ne la pourrez donc jamais souffrir. Ainsi, il n'y a point de milieu: il faut ou savoir pardonner des abus passagers et inévitables dans les institutions humaines, ou bien il faut détruire toute autorité sur la face de la terre. (1)

Voilà, M. Villers, la dernière conséquence de la Réforme, et de votre philosophie qui en est le triste

(1) Quand on dit qu'il faut pardonner les abus, on n'entend pas qu'il faille les laisser subsister; mais c'est à la raison à les déraciner lentement. C'est ainsi que la France, sans prendre les principes de Luther, sut donner de justes bornes à l'autorité des papes, et on en voit des exemples dès le temps de Saint-Louis.

fruit. Et si, invoquant à notre tour les témoignages de l'histoire, nous y voulons chercher des preuves sensibles d'une vérité si redoutable pour vous, nous y verrons votre pratique suivre de point en point une si pernicieuse théorie. Car de même que, dans la spéculation, vous tendez tout à-la-fois à affranchir les volontés des hommes de l'autorité religieuse, et leurs actions de l'autorité politique, de même nous verrons les peuples, sous la double influence de cette doctrine, devenir tout ensemble incrédules et rebelles. Et, en effet, lorsque Luther eut renversé l'autorité établie, qui pouvoit fixer la croyance publique ? qui pouvoit empêcher les peuples de se précipiter d'erreur en erreur, jusqu'aux derniers excès de l'athéisme? Luther futil une autorité pour Carlostad? empêcha-t-il Zuingle et colampade de se moquer de sa doctrine? La confession d'Ausbourg arrêta-t-elle Calvin? Le monde vit ces rebelles se révolter les uns contre les autres, s'acharner dans leurs disputes sans y pouvoir trouver d'issue, et n'avoir de sentiment commun que la haine de l'autorité ancienne qui les condamnoit tous. Ainsi les mœurs n'avoient plus de règle, et chacun se pouvoit créer une foi à sa mode, qui ne lui imposoit qu'autant qu'il le vouloit, jusqu'à ce que la philosophie, qui se piquoit de raisonner plus conséquemment que ses maîtres, vînt leur apprendre que puisqu'ils s'étoient faits les juges de leur religion, le plus court étoit de n'en plus avoir.

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Voilà donc quelle fut, sous ce rapport, l'utile influence de la Réforme. Mais le même principe, qui fait que les hommes se révoltent contre les lois religieuses, les porte également à secouer le joug de l'autorité politique. M. Villers ne nous cache

point qu'il est de l'avis de François I, qui pensoit que les nouveautés de Luther tendoient à détruire toute monarchie divine et humaine. Il avance hardiment qu'on peut prendre cela pour une autorité. Ainsi, les souverains peuvent se tenir pour avertis; et si les corollaires philosophiques les précipitent du trône, ils ne pourront prétexter cause d'ignorance. M. Villers les menace bravement. Je ne sais pourtant quelle mauvaise honte le fait ensuite revenir sur ses pas; et pour justifier la Réforme de ses tentatives d'insurrection, il observe que ni Gustave Wasa, ni Henri VIII, ne furent détrônés par elle. L'exemple de Gustave n'est pas heureux; car tout le monde sait ce que ce prince eut à souffrir du lutheranisme, qu'il avoit adopté dans la vue de s'emparer des biens de l'Eglise. Les deux confidens de Luther, qu'il éleva aux premiers honneurs de la Suède, travaillèrent sourdement à sa perte; ils décrièrent son administration avec un acharnement intéressé, et l'un d'eux s'engagea même dans un plan de haute trahison ; en sorte que s'ils ne détrônèrent pas Gustave, ce ne fut ni la faute de leurs maximes, ni celle de leurs intrigues; c'est que ce prince habile sut se défendre. Ils n'eurent pas plus de pouvoir sur Henri VIII, quoiqu'ils aient eu tant de complaisance pour ses débauches. Mais n'est-ce donc pas assez de gloire pour ces réformateurs, d'avoir, cent ans plus tard, abattu la tête de Charles Ier, et d'avoir laissé de dignes héritiers de leur doctrine, quil, dans le siècle des lumières, conduisirent Louis XVI à l'échafaud?

Si ces événemens furent des corollaires éloignés, mais nécessaires, de la réformation, la révolte des paysans de la Souabe et de la Franconie en

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