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chose à la faiblesse de ceux que leurs passions re tiennent encore dans la barbarie du seizième siècle. On ne doit pas toujours mépriser les erreurs, même les plus méprisables. Il est utile, à bien des égards, qu'il existe un livre où la philosophie moderne se reconnoît elle-même ouvertement pour la fille des Hus, des Luther, des Zuingle, et l'héritière des principes de ces moines séditieux. Il est bon qu'on sache avec quel sang froid et quelle méthode on professe encore aujourd'hui ces principes qui ont porté dans le monde la haine de toute autorité religieuse et politique. Il faut qu'on sache que ces philosophes appellent maintenant la révolution un corollaire de leur doctrine, en sorte que pour agiter toute l'Europe, et ôter la vie à plusieurs millions d'hommes, il n'a fallu que presser les conséquences de leurs principes, et mettre de la suite dans ses idées. Flatteuse perspective pour toute nation qui seroit tentée de confier le pouvoir à ces terribles logiciens! Mais maintenant que les chefs des états, mieux inspirés, travaillent à resserrer le lien de l'obéissance, et que les peuples, fatigués d'une servitude licencieuse, implorent la vraie liberté et le repos de l'ordre, osons demander compte de leurs systèmes à ces fanatiques de démocratie qui parlent encore de faire des républiques et de morceler les états pour le bonheur du genre humain. Si l'expérience qu'ils ont faite ne leur suffit pas, elle suffit à l'univers qui s'en souviendra éternellement. C'est aussi un outrage trop sanglant, et une dérision trop amère, d'oser vanter encore à notre nation la philosophie qu'ils lui ont apprise, et la liberté qu'ils lui ont donnée.

Je ne me persuaderai sûrement pas que la classe de l'Institut qui a couronné l'ouvrage de M. Villers,

ni que M. Villers lui-même, approuvent les conséquences de cette philosophie. Mais l'homme le plus modéré pose tranquillement, dans la spéculation, un principe dont la pratique va bouleverser le monde entier. Il faut croire, pour l'honneur de . l'humanité, que les premiers philosophes qui commentèrent les Droits de l'Homme, ne savoient pas qu'ils déchaînoient des tigres dans la société; mais, après que des torrens de sang en ont attesté les effets, avec quel jugement M. Villers vient-il s'extasier encore sur la théorie de ces droits ! Il est vrai que les philosophes de 1793 ayant donné dans ce qu'il appelle une excentricité vraiment risible (1), M. Villers ne veut pas qu'on prenne leurs principes tout-à-fait à la rigueur, et il parle d'un milieu modéré (comme s'il y avoit des milieux extrêmes), qu'il faut tenir entre la démocratie spéculative et la démocratie pratique. Etrange philoɛophie, qui donne aux hommes des principes qu'ils doivent craindre de pratiquer dans toute leur éten due, et qui prétend leur enseigner des vérités dont l'application seroit une erreur! Voilà comme ces docteurs gouvernent les passions humaines. Ils s'applaudissent d'avoir rompu la digue, et ils disent au torrent: Vous êtes libre, mais n'allez pas nous inonder. N'est-ce pas se jouer manifestement de la société et de ses lois, et, sous l'apparence d'un discours mitigé, tendre au renversement de tout ordre? Ainsi, M. Villers, qui est si ferme sur le

(1) M. Villers, qui est un écrivain prodigieusement sérieux, et à qui tout paroit effroyable dans la conduite des papes, trouve enfin quelque chose de risible dans les massacres de 93. Cela est heureux! Le beau mot que l'excentricité des Jacobins, pour peindre leur règne dé sang ! La barbarie du style est égale à celle des idées.

chose à la faiblesse de ceux que leurs passions re tiennent encore dans la barbarie du seizième siècle. On ne doit pas toujours mépriser les erreurs, même les plus méprisables. Il est utile, à bien des égards, qu'il existe un livre où la philosophie moderne se reconnoît elle-même ouvertement pour la fille des Hus, des Luther, des Zuingle, et l'héritière des principes de ces moines séditieux. Il est bon qu'on sache avec quel sang froid et quelle méthode on professe encore aujourd'hui ces principes qui ont porté dans le monde la haine de toute autorité religieuse et politique. Il faut qu'on sache que ces philosophes appellent maintenant la révolution un corollaire de leur doctrine, en sorte que pour agiter toute l'Europe, et ôter la vie à plusieurs millions d'hommes, il n'a fallu que presser les conséquences de leurs principes, et mettre de la suite dans ses idées. Flatteuse perspective pour toute nation qui seroit tentée de confier le pouvoir à ces terribles logiciens! Mais maintenant que les chefs des états, mieux inspirés, travaillent à resserrer le lien de l'obéissance, et que les peuples, fatigués d'une servitude licencieuse, implorent la vraie liberté et le repos de l'ordre, osons demander compte de leurs systèmes à ces fanatiques de démocratie qui parlent encore de faire des républiques et de morceler les états pour le bonheur du genre humain. Si l'expérience qu'ils ont faite ne leur suffit pas, elle suffit à l'univers qui s'en souviendra éternellement. C'est aussi un outrage trop sanglant, et une dérision trop amère, d'oser vanter encore à notre nation la philosophie qu'ils lui ont apprise, et la liberté qu'ils

lui ont donnée.

Je ne me persuaderai sûrement pas que la classe de l'Institut qui a couronné l'ouvrage de M. Villers,

i que M. Villers lui-même, approuvent les conséquences de cette philosophie. Mais l'homme le plus modéré pose tranquillement, dans la spéculation, un principe dont la pratique va bouleverser le monde entier. Il faut croire, pour l'honneur de l'humanité, que les premiers philosophes qui commentèrent les Droits de l'Homme, ne savoient pas qu'ils déchaînoient des tigres dans la société; mais, après que des torrens de sang en ont attesté les effets, avec quel jugement M. Villers vient-il s'extasier encore sur la théorie de ces droits ! Il est vrai que les philosophes de 1793 ayant donné dans ce qu'il appelle une excentricité vraiment risible (1), M. Villers ne veut pas qu'on prenne leurs principes tout-à-fait à la rigueur, et il parle d'un milieu modéré comme s'il y avoit des milieux extrêmes), qu'il faut tenir entre la démocratie spéculative et la démocratie pratique. Etrange philosophie, qui donne aux hommes des principes qu'ils doivent craindre de pratiquer dans toute leur éten due, et qui prétend leur enseigner des vérités dont l'application seroit une erreur! Voilà comme ces docteurs gouvernent les passions humaines. Ils s'applaudissent d'avoir rompu la digue, et ils disent au torrent: Vous êtes libre, mais n'allez pas nous inonder. N'est-ce pas se jouer manifestement de la société et de ses lois, et, sous l'apparence d'un discours mitigé, tendre au renversement de tout ordre? Ainsi, M. Villers, qui est si ferme sur le

(1) M. Villers, qui est un écrivain prodigieusement sérieux, et à qui tout paroit effroyable dans la conduite des papes, trouve enfin quelque chose de risible dans les massacres de 93. Cela est heureux ! Le beau mot que l'excentricité des Jacobins, pour peindre leur règne dé sang ! La barbarie du style est égale à celle des idées.

chapitre des Droits de l'Homme, veut bien que les derniers de l'état se croient égaux aux premiers, mais non pas qu'ils le soient en effet. Il leur accorde la spéculation, et il leur interdit la pratique. C'est là son milieu modéré. Mais qui ne voit que les peuples, prévenus d'un tel principe, ne s'arrêteront point à des distinctions si frivoles, et que, dégoûtés d'une vaine théorie qui ne flatte que l'orgueil philosophique, ils passeront à la pratique de cette égalité qui leur promettra des biens plus réels? N'est-ce pas là la marche que les passions ont déjà suivie? Et pourquoi ne la suivroient-elles pas encore? Et par quelle inconcevable démence les philosophes prétendroient-ils nous persuader qu'on peut aujourd'hui poser les mêmes principes, sans courir le risque d'en voir échapper les mêmes conséquences?

Mais pour mettre ces vérités dans un plus grand jour, il sera nécessaire de remonter à quelques idées premières que M. Villers n'a pas même entrevues. On ne trouve, dans son ouvrage, aucun de ces principes généraux qu'un auteur habile jette en avant, comme des fondations sur lesquelles s'appuient toutes ses preuves. Il a pris une méthode plus aisée et plus convenable à son talent: c'est de ramasser toutes les déclamations de son Ecole contre les papes, contre l'Eglise, contre les princes catholiques; et pourvu qu'il ait fait sonner bien haut les mots de liberté et de philosophie, qui sont les foudres de son éloquence, il est assuré d'avoir mis en poudre tout l'édifice de la religion romaine. Il se jette dans l'histoire, et dans un amas de compilations superflues, où il se noie faute de savoir quel art doit présider à l'emploi de l'érudition. Il ignore que l'histoire n'a de force que lorsqu'elle vient à

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