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ravages de la peste ou de la fièvre jaune, que l'isolement sévère de tous ceux qui en sont atteints; M. Richerand attaquera-t-il aussi cette mesure comme inhumaine, ou osera-t-il en conclure que la médecine est négligée parmi les modernes, puisqu'elle ne sait pas guérir constamment ces deux redoutables maladies?

Mais voici quelque chose de bien plus extraordinaire. Je citois tout-à-l'heure les cantiques de David comme des monumens authentiques de la plus belle et de la plus riche poésie. Hé bien, c'est dans ces cantiques eux-mêmes que notre jeune savant va chercher des témoignages contre la chirurgie des Juifs; ce sont les Pseaumes qu'il appelle en preuve de leur ignorance. « Les plaintes qu'exhale le psal» miste, dit-il, ne nous entretiennent que de dou» leurs sans remède; usé par les excès de la dé>> bauche, le poète-roi déplore les infirmités d'une » vieillesse prématurée. » Ainsi les pieux gémissemens de David, ces cris de douleur qu'il jette à la vue de son crime, ne sont que les plaintes d'un vieux libertin en proie aux souffrances de la débauche; ce n'est pas son ame qui est déchirée par le repentir, c'est son corps que dévorent des ulcères; et s'il implore avec une humilité si touchante la miséricorde de son Dieu, c'est qu'il n'existe en Judée aucun chirurgien capable de le panser. Un tel excès de délire à peine à se comprendre. En vain prouverez-vous à M. Richerand que l'histoire du règne de David dément par-tout les traits avilissans sous lesquels il cherche à le peindre; nous avons déjà vu qu'il sait éluder l'histoire lorsqu'elle le condamne, et supplée à son silence lorsqu'elle ne parle pas en sa faveur. En vain lui rappellerez-vous que la poésie a ses métaphores, que la poésie orien

tale sur-tout les répand avec profusion. En vain lui objecterez-vous que des maladies sans termes, et des infirmités sans soulagement n'étoient guère propres à échauffer l'enthousiasme du prophète, et à lui inspirer ses sublimes accens; la philosophie n'entend rien à ce langage; elle ne connoit que des objets matériels, et ne croit qu'aux douleurs du corps. O que ses vues sont petites! que ses sentimens

sont bas!

Si la religion juive est si maltraitée par M. Richerand, on sent bien qu'il ne doit pas épargner davantage la religion chrétienne. Il l'accuse formellement d'avoir retardé les progrès de la chirurgie par l'horreur du sang qu'elle inspiroit à ses ministres, seuls dépositaires de l'art dans les siècles d'ignorance, et pour ne pas laisser échapper une si belle occasion de répéter une des plus absurdes calomnies des philosophes, il ne manque pas de lui reprocher en même temps de l'avoir fait verser à grands flots pour de vaines querelles. Je pour rois à mon tour, et avec bien plus de raison, oppo. ser à la philosophie les désastres épouvantables qui out signalé son règne au milieu de nous, désastres qu'elle voudroit bien désavouer aujourd'hui, mais dont le témoignage s'élèvera éternellement contr'elle, parce qu'ils sont une conséquence nécessaire de ses maximes. Il ne me seroit pas moins facile de convaincre tout lecteur impartial que la religion est loin d'être sanguinaire, qu'elle a haute-ment condamné les massacres ordonnés en son nom, et que si son intérêt a pu.en être quelquefois le prétexte, jamais son esprit n'en a été le mobile. Mais tout cela a déjà été dit tant de fois, et prouvé d'une manière si victorieuse, qu'il est inutile de Je prouver encore.

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Je ne chercherai pas même à justifier les conciles d'avoir interdit toute opération sanglante aux ecclésiastiques; cette défense est, à mon avis, une des lois qui honorent le plus la religion, et qui font le mieux éclater les sentimens de douceur et de bonté qu'elle aime à trouver dans ses ministres ; mais les laïcs n'y ont jamais été assujettis; jamais elle ne leur a fait un crime des recherches anatomiques: qui les empêchoit donc de se livrer à l'étude de l'art et de le porter à sa perfection? I'ignorance, direz-vous, les préjugés; oui, sans doute, l'ignorance et les préjugés; mais cette ignorance et ces préjugés ne prenoient point leur source dans la religion; plus elle a été connue, plus leur empire s'est affoibli; et dans les siècles même où une profonde nuit sembloit envelopper l'univers, c'est elle, ce sont ses ministres qui ont conservé le dépôt des lettres et de la médecine, comme des autres sciences; ce sont eux qui nous en ont transmis les monumens. Et pour reconnoître cet insigne bienfait, les philosophes, et M. Richerand leur disciple, les accusent d'être les ennemis des sciences!

On se doute bien qu'avec un zèle philosophique aussi ardent, M. Richerand n'a pu s'empêcher de rabaisser le siècle de Louis XIV, de vanter le dixhuitième, de laisser échapper quelques expressions d'admiration pour les chefs de la révolution, et sur-tout de témoigner les craintes que lui inspirent le retour à l'ancien culte et le rétablissement des anciennes institutions. Je conviens avec lui que les sciences ont pris dans le dernier siècle un essor et un accroissement qu'on ne retrouve point au même degré dans le siècle de Louis XIV; mais faut-il en conclure, comme lui, que le siècle de Louis XIV, tout brillant des attributs de la jeu

nesse, n'a cultivé que les arts d'agrément et d'imagination, tandis que le dix-huitième, exclusivement livré aux arts et aux sciences utiles, a présenté tous les caractères de la maturité; que l'un a travaillé pour la gloire, et l'autre pour le bonheur de l'espèce humaine? Comme si les sciences morales 'n'étoient rien pour l'homme, et que les sciences naturelles dussent lui tenir lieu de tout! Comme si la philosophie des Bossuet, des Pascal, des Nicole, et de tant d'autres grands hommes, n'étoit pas aussi profonde et aussi solide que celle des Voltaire et des Diderot! Les plaies que les faux sages nous ont faites, sont encore saignantes, et on ose nous dire qu'ils ont tout fait pour le bonheur de l'espèce humaine! Après cela, je ne suis point étonné que M. Richerand, sans chercher à excuser la mémoire de la Convention, admire néanmoins la hardiesse de ses plans et la grandeur de ses vues ; je ne suis point étonné des gémissemens qu'il répand en voyant d'absurdes préjugés et des opinions surannées prendre la place des systèmes philosophiques qui, pendant quelques années, ont si heureusement dominé parmi nous. En cela du moins il se montre conséquent; mais il ne l'est pas en tout; car les crimes de la révolution appartiennent aussi à la philosophie: ils en sont les fruits nécessaires; et si ces crimes font horreur à M. Richerand, c'est que son cœur est meilleur P. P. sa tête. que

Nota. Voyez dans la dernière partie de ce recueil l'examen de l'ouvrage de M. Richerand, par le même critique, dont le nom nous est inconnu; mais qui évidemment joint à l'art d'écrire des connaissances très-étendues en médecine.

I I.

Sur quelques articles du Nouveau Dictionnaire d'Histoire Naturelle refutés par M. DELUC (1).

ON

N ne sauroit donner une publicité trop étendue aux observations savantes et morales par lesquelles M. Deluc vient de réfuter quelques articles dangereux du Nouveau Dictionnaire d'Histoire naturelle. Les erreurs répandues dans cet ouvrage acquièrent une importance proportionnée aux progrès de la science qu'on y enseigne, et ce qui en accroit le danger, c'est la forme même sous laquelle on les présente'; c'est cette funeste manie de réduire tout en nomenclature et en dictionnaires, espèce de livres où l'amour propre des écrivains tend des pièges à l'ignorance des lecteurs. On pourroit, je l'avoue, ne voir que du ridicule dans cette manière d'enseigner, qui, à l'aide de quelques mots scientifiques, forme, sans étude et sans travail, des hommes tout aussi savans que des perroquets. Mais lorsque les écoles de physique retentissent de toutes parts des systèmes les plus monstrueux contre la morale, lorsque tant d'habiles professeurs ont trouvé le secret de faire d'un cours d'histoire naturelle (2) un cours de dépravation publique, un tel art mérite assurément l'attention la plus sérieuse et la plus générale. Les pères de famille, les maîtres chargés de l'éducation de la jeunesse, et les magistrats qui veillent au dépôt de l'instruction, doivent être avertis par

(1) Voyez dans la dernière partie de ce recueil les fragmens les plus intéressans de la dissertation de M. Deluc.

(2) Et de Médecine, auroit pu ajouter le critique.

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