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que ces drapeaux réfiftent aux Pélafges?.... Ditesmoi, je vous en conjure..... quelles enfeignes portent Ménécée & Créon, nos chers défenfeurs.... C'eft ainfi que la jeune Antigone interrogeoit fon guide. Le vieux Phorbas lui répond: Voyez ici Dryas, il conduit mille archers de la froide colline de Tanagre. Celui-ci, dont les armes plus blanches que la neige, font chargées d'un trident & d'une foudre d'or groffièrement imitée, est le petit-fils d'Orion; il ne dément point la vertu de fon aïeul.... Qui pourroit compter ici les troupes de Phébus? Et l'antique Phocide, & Panope, & l'Aulide?.... Voyez les lauriers mêlés aux casques de tous ces guerriers.... L'ardent Iphitus eft à leur tête, Iphitus à qui fon père vient d'être enlevé, Naubolus, ton hôte, ô bon Laïus! ô le plus doux des rois! il retenoit encore ton char & les rênes d'une main affurée, lorfque ta tête, déchirée de mille fanglantes bleffures, fut foulée aux pieds des chevaux. Ah! plût à dieu que mon fang eût été répandu avec le tien. A ces mots, les joues da vieillard fe mouillent de larmes, la pâleur de la mort s'empare de fon vifage, les fanglots fe fuccèdent & interceptent le paffage de la voix.... Mais déjà ma vue affoiblie ne difcerne plus les traits des guerriers, tous s'arrêtent à la fois, & voilà votre frère qui leur impofe filence ».

Ce dernier vers fert de tranfition au difcours

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du jeune roi, & il faut convenir qu'elle eft auffi noble que naturelle. Le difcours de Phorbas, que je n'ai point rapporté, dans lequel il fait le dénombrement des troupes, eft long & froid; j'ai mieux aimé citer le mouvement de ce vieillard à l'afpect du fils d'un ancien ami de fon maître, quoiqu'il n'ait qu'un rapport indirect avec les PHÉNICIENNES d'Euripide.

Le ton des PHÉNICIENNES eft élevé & héroïque plus, à ce qu'il me femble, que celui d'aucune autre pièce d'Euripide. La nature du fujet l'exigeoit il est peut-être traité d'une manière trop épique : on y trouve deux récits partagés chacun en deux parties, qui en font quatre récits distincts & affez longs, fans parler du prologue qui eft auffi fort long, mais qui ne peut, je crois, être critiqué, étant tout-à-fait hors de la tragédie : & cela eft fi vrai, qu'en l'en détachant, cette pièce n'en feroit pas moins une des plus longues du théâtre Grec. Elle a environ 1800 vers, & en auroit plus de 1700 fans le prologue. Je remarque cela pour confirmer l'obfervation que j'ai faite au fujet du prologue dans l'ESSAI SUR LA VIE ET LES OUVRAGES D'EURIPIDE. Il eft d'ailleurs certain que le fujet eft fort bien expofé, indépendamment de ce prologue, quoique celui-ci répande fur quelques circonftances de l'avant-fcène une clarté qu'il eût été impoffible d'obtenir par un autre moyen.

Il me femble enfin que cette pièce, envisagée comme je viens de dire, offre un fujet nouveau & auffi noble qu'intéreffant & pathétique, qui produiroit un grand effet fur le théâtre François auffi bien que fur le théâtre Grec, fur-tout fi on en écartoit toute espèce de luxe, & qu'on évitât les défauts dont Euripide n'eft pas exempt.

TRAGÉDIE D'EURIPIDE.

JASON ASON oubliant qu'il devoit tout à Médée, qui l'avoit délivré d'un péril certain dans la conquête de la toifon d'or, & qui avoit tout facrifié pour le fuivre à travers tant de périls & de mers, réfolut de l'exiler avec les enfans qu'il avoit eus d'elle, après avoir épousé à fes yeux Glauca, fille du roi de Corinthe. La vengeance qu'en tire Médée est le fujet de cette tragédie. L'action eft fi frappante, qu'elle a fait la matière de plufieurs tragédies imitées de celles d'Euripide. Ovide en a compofé une qui n'eft pas venue jufqu'à nous, & dont Quintilien nous a confervé ce vers fi connu:

« Servare potui, perdere an pofsim rogas » ?

Si j'ai pu le fauver, ne puis-je le détruire ?

Ennius avoit traduit en vers latins la MÉDÉE d'Euripide, & l'on en trouve des fragmens dans CICERON. On dit que Mécénas même avoit traité ce fujet à fa manière. Mais ce qui nous refte de meilleur en ce genre, fe réduit à la MÉDÉE de Sénéque, à celle de Louis Dolcé, à la traduction de Buchanan, à une tragédie de P. Corneille, fous

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le nom de MÉDÉE, fans compter celle de la TOISON D'OR, & l'opéra de тHÉSÉE. Nous en parlerons au fujet de la tragédie d'Euripide, qui leur a donné lieu 1.

Il y a neuf perfonnages, à fçavoir, Médée, Jafon; Créon, roi de Corinthe; Egée, roi d'Athènes, les deux fils de Médée encore enfans, leur gouverneur, la confidente de Médée, & un officier, outre le chœur, compofé de femmes Corinthiennes attachées aux intérêts de Médée. La fcène eft dans le veftibule du palais de Créon. † Corneille dit que c'est une place publique, & il trouve bien peu de vraisemblance à y faire parler des rois. Il a raifon quant au dernier article. Mais rien n'oblige à croire que ces fortes de veftibules, où Euripide place fi fouvent fes fcènes, fuffent toujours publics. Il eft croyable que c'étoient des portiques féparés des appartemens intérieurs, mais élevés, & fort différens en toute manière de ce qu'on nomme places publiques. Quelquefois ces portiques étoient en vue des places & des rues, comme la tragédie d'ORESTE le fuppofe; mais on n'a point de preuve que cela fût toujours ainfi.

Il eft bon de fe rappeler en peu de mots l'histoire

* Elle n'a point de rapport au fujet préfent, quoique Médée y joue le principal rôle.

I LA MÈDEE de Longepierre, celles de MM, Clément & Glover feront rappelées à la fuite de cet extrait.

† Pierre Corneille, EXAMEN DE médée.

de

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