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I

GRANDS MARBRES.

JUPITER OLYMPIEN.

Quand Phidias eut achevé sa statue de Jupiter Olympien, un ami lui demanda comment il avait pu saisir dans l'ivoire cette tête de Jupiter qui semblait empruntée au ciel; il répondit qu'il s'était servi, comme d'un maître, des vers suivants d'llomère.

VALERIUS MAXIMUS.

Thétis monte au matin dans les hauteurs des cieux;

Elle trouve à l'écart Jupiter, roi des Dieux;
De l'Olympe il tenait la cime éblouissante;

La Déesse lui passe une main caressante

Autour du menton; l'autre a pressé ses genoux;

Elle parle au Dieu-roi de son ton le plus doux :

O père Jupiter, si je fus toujours prête

A servir tes desseins, accorde ma requête :
Donne à mon fils la gloire; il n'a qu'un court instant
A vivre sur la terre; Agamemnon pourtant
L'outrage, il lui retient sa part de la victoire;

Dieu des sages conseils, prends souci de sa gloire :

Ordonne: aussi longtemps que souffrira l'honneur

D'Achille, aussi longtemps qu'Hector soit le vainqueur! Elle dit; mais le Dieu qui roule les nuages

Reste muct; Thétis, à ces mauvais présages,

S'attache à ses genoux et parle en mots pressants :
Puisque tu ne crains rien, réponds; promets, consens,
Ou refuse, et qu'au moins, dissipant tous mes doutes,
Je sache si je suis méprisée entre toutes !

Le Dieu répond, après un soupir plein d'effroi :
Quels désastres, Thétis, quand, suscité par toi,
Dans le cœur de Junon j'allumerai l'orage
Et que ses cris blessants provoqueront ma rage!
Junon sans cesse, auprès des Dieux Olympiens,
Me querelle et prétend que je sers les Troyens.
Quitte-moi donc et crains qu'elle ne nous regarde;
J'accomplirai tes vœux et prends tout sous ma garde.
Va, ce que je promets, tu le tiendras pour vrai ;
Car d'un signe du front je le confirmerai ;
Venant de moi, ce signe annonce à l'Empyrée
Ma résolution immuable et sacrée;

Point de loi révocable et point de serment vain
Lorsque j'ai consenti, d'un geste souverain!

Il dit, et Jupiter, fils de Saturne, abaisse
L'arc de ses noirs sourcils; sa chevelure épaisse,
Sur le front odorant du souverain des Dieux,
S'agite, et de son geste il ébranle les cieux.

HOMERE.

APOLLON.

Il est impossible de faire passer dans aucune langue cette harmonie pittoresque dont le poëte nous charme dans ces vers.

LESSING.

Il dit '; Chrysès tremblant obéit à ses lois;
Silencieux, il suit la mer aux grandes voix;
Et, roulant mille voeux dans sa douleur amère,
Il prie Apollon-roi dont Latone est la mère :
Entends-moi, Dieu de Chryse, à l'arc resplendissant,
Toi qui tiens Ténédos sous ton sceptre puissant;
Si jamais je parai tes autels avec grâce,

Si jamais j'y brûlai quelque victime grasse,

Chèvre ou taureau; remplis ce vœu de mes douleurs :
Que tes flèches aux Grecs fassent payer mes pleurs!
Tel il prie, et Phoebus Apollon qui l'écoute
Descend, la rage au cœur, de la céleste voûte;
Il portait son carquois de plumes hérissé;

Les flèches, sur son dos, sous son pas courroucé,
Claquaient il s'avançait pareil à la nuit sombre!
Il s'assied à l'écart et lance un trait dans l'ombre;
La corde rend un son terrible; l'arc d'argent
Frappe d'abord la mule et le chien diligent;

Mais les hommes bientôt, sous sa main vengeresse,

Tombent, et des monceaux de corps brûlaient sans cesse.

Agamemnon.

HOMERE.

LE TITAN.

Lorsqu'aux foudres du Dieu l'on eut vu les Titans
Précipités du ciel, la terre aux vastes flancs,
Vénus l'ayant unie au Tartare vorace,
Enfanta Typhoé, le dernier de sa race;

Dieu robuste, ses mains sont fortes au travail;
Rien ne lasse ses pieds; il porte à son poitrail
Cent têtes de serpents et de dragons terribles;
Un dard noirâtre en sort; de tous ses yeux horribles
Le feu sur chaque front jaillit d'un sourcil noir;
Des voix, de chaque gueule épouvantable à voir,
Jettent cent cris divers; tantôt toutes ensemble
Eclatent jusqu'au ciel qui les entend et tremble;
Tantôt c'est un taureau qui mugit, indompté,
Tantôt c'est un lion par la rage emporté,
Tantôt des cris de chiens nouveaux-nés qui glapissent,
Tantôt des sifflements dont les monts retentissent.
De grands maux menaçaient le monde épouvanté;
Immortels ou mortels, le monstre eût tout dompté;
Mais le père des Dieux veille dans sa pensée :
Il tonne, impétueux; de sa foudre lancée

Le fracas gronde au loin dans les cieux entr'ouverts,
Des abîmes de l'onde aux fleuves des enfers.

Il marche et sous ses pieds tremble le ciel immense, Et la terre gémit sous son roi qui s'avance!

Le feu de toute part couvre l'océan bleu,

Sous les flammes du monstre et les foudres du Dieu;
Les éclairs et les vents se mêlent au tonnerre;
Tout bouillonne, le ciel et la mer et la terre.
Sur leurs rives, au choc, montent les flots géants,

Et la terre bondit en longs ébranlements;

Pluton a tressailli, le souverain des ombres;

Les Titans ont tremblé dans leurs cavernes sombres.
Rassemblant son courroux, Jupiter s'est armé,
Il brandit le tonnerre et l'éclair enflammé,

Il frappe, en s'élançant de l'Olympe; la foudre.
Du monstre affreux réduit les cent têtes en poudre;
Abattu sous ses coups, Typhoé mutilé

Tombe; le vaste sol en gémit, ébranlé.

Sur les flancs escarpés d'un mont aux sombres côtes, Du cadavre embrasé montaient des flammes hautes; Et la terre, brûlant, couverte de vapeurs,

Coulait comme l'étain au moule des fondeurs,

Comme le fer, dompté par la flamme subtile

Sous les mains de Vulcain façonné dans l'argile;
Ainsi fondait la terre, et dans le Styx béant

Jupiter, affligé, plongea l'affreux géant.

HÉSIODE.

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