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LAOCOON.

Il semble qu'Agésandre, Polydore et Athénodore, qui en furent les ouvriers, aient travaillé comme a l'envi pour laisser un monument qui répondit à l'incomparable description de Virgile.

MONTFAUCON.

Un plus cruel malheur, un prodige effrayant
Frappe alors les esprits du peuple imprévoyant.
Laocoon, élu grand prêtre de Neptune,

Avec pompe, immolait un taureau sur la dune;
Mais voici qu'au milieu d'un grand calme des eaux,
O terreur! deux serpents, aux immenses anneaux,
Paraissent; de concert ils marchent au rivage.
Leur gueule ensanglantée et leur crête sauvage
Se dressent sur les flots; le reste, au gouffre amer,
Nage, et l'immense croupe a sillonné la mer.
Le flot clapote, écume : ils occupaient la rive.
Leurs yeux gonflés de sang lançaient la flamme vive;
Leurs dards, qui haletaient dans leurs gosiers fumants,
Léchaient leur gueule immonde avec des sifflements.
Nous fuyons éperdus; eux, marchant en bataille,
Vont au prêtre; et d'abord le groupe horrible assaille
Ses deux fils qu'il étreint, qu'il étouffe en grondant,
Et dans leurs tendres chairs ils enfoncent la dent.
Lui-même, armé de traits, il courait, à leur râle :
Ils l'ont saisi; déjà la terrible spirale

Deux fois le serre au cou, deux fois le serre au cœur;
Et les monstres en l'air dressent un front vainqueur.

Lui, de bave et de sang les bandelettes teintes,

A la fois, des deux mains repoussait leurs étreintes
Et jetait à la fois d'horribles cris au ciel :

Tel un taureau blessé, s'échappant de l'autel,
Mugit en secouant l'inhabile cognée.

Enfin les deux dragons, ô cruelle Athénée,
S'échappent vers ton temple et se sont retranchés
Aux pieds de la statue, en l'égide cachés.

VENUS.

VIRGILE

Vénus n'est pas si belle, toute nue et vifve et baletante, comme elle est ici chez Virgile.

Mais Vénus, d'une mère éprouvant les terreurs
A voir des Laurentins la force et les fureurs,
Monte à sa couche d'or, sur son époux s'incline
Et lui souffle, en parlant, une flamme divine:
Quand les rois grecs armés ébranlaient Ilion
Et ses remparts voués à la destruction,

Je n'implorai jamais une arme tutélaire,

Ne voulant point te voir, même pour me complaire,
Vainement, cher époux, exercer tes travaux!

Que ne devais-je point pourtant à des héros?

Que de pleurs m'arrachaient les souffrances d'Énée!
Maintenant, Jupiter fixant sa destinée,

MONTAIGNE

Chez le Rutule enfin mon fils s'est arrêté,
Et je viens t'implorer, ici, Dieu respecté :
La mère pour son fils te demande des armes !
Toi que l'Aurore, toi que Thétis, de leurs larmes,
Ont pu fléchir; regarde et vois de toutes parts
Les peuples se liguer et, fermant leurs remparts,
Aiguiser contre nous la mort et la victoire.
Elle dit; à son cou roule ses bras d'ivoire
Et réchauffe en son sein son époux hésitant,
D'une voluptueuse étreinte au même instant,
Il cède au doux attrait, un feu connu pénètre
La moelle de ses os et court dans tout son être :
Ainsi, lorsque le ciel par la foudre est brisé,
Le trait de feu parcourt l'horizon embrasé.
Vénus sent son triomphe et se prend à sourire,
Sûre de sa beauté dont elle voit l'empire!
Le Dieu répond, brûlé d'éternelles amours :

Ne crois-tu plus en moi? Pourquoi ces longs détours,
Reine? Si tu m'avais jadis fait ces instances,

Je pouvais d'Ilion armer les résistances;

Nul Dieu ne défendait qu'il se maintînt longtemps
Debout; Priam encor pouvait régner dix ans !
Maintenant, si tu veux la guerre et la conseilles,
Tout ce que peut mon art promettre de merveilles,
Tout ce que peut le fer sous un marteau savant,
Tout ce que peut le feu sous le souffle du vent,
Tout est à toi, Vénus; ton fils aura des armes;

Mais cesse, en m'implorant, de douter de tes charmes!
Il lui donne, à ces mots, le baiser désiré,

Et dort en paix, plongé dans son sein adoré.

VIRGILE.

HÉLÈNE.

Priam, roi d'llion, Thymétès, Panthoŭs,
Clytius, fils de Mars, Hicétaon, Lampus,
Ucalège, Anténor, vieilles têtes sensées,

Siégeaient, pères du peuple, à la porte de Scées;
L'âge les éloignait des camps; mais aux conseils

Ils parlaient sagement, aux cigales pareils,

Quand, des cimes des bois, montent leurs doux ramages;
Tels au baut de la tour on entendait ces sages.
Quand Hélène apparaît s'avançant vers les tours,
Leur voix discrète échange un rapide discours:
Nul ne s'étonnera, pour une telle femme,

Que tous, Grecs et Troyens, par le fer et la flamme,
Nous ayons tant souffert, nous avons tant lutté,
Car des reines des cieux Hélène a la beauté.

HOMERE.

Le soleil se couchait; déjà sur Ilion
Pesait la sombre nuit, nuit de destruction!
Devant Hélène alors, superbement vêtue,
Dans ses fourbes projets, Vénus est apparue;
L'astucieuse prend ses accents les plus doux :
Chère nymphe, voici Ménélas, ton époux !
Dans le cheval de bois préparant sa vengeance,
Avec tous les rois grecs, il se tient en silence.
Que Déiphobe donc ne t'inquiète pas,

Ni Priam je te rends au vaillant Ménélas!

:

Vénus dit, aussitôt, par sa ruse enflammée,

Hélène a déserté sa couche parfumée;

Déiphobe la suit; par toute la cité,

Les femmes au long voile admirent sa beauté.

Elle monte aux sommets où Minerve a son temple,
Près du colosse armé s'arrête, le contemple;

Agaçant les héros, trois fois en fait le tour,

Et, donnant à sa voix des murmures d'amour,

Prononce tous les noms des reines de la Grèce;

Et les guerriers, le cœur pénétré de tristesse,
Comprimaient en silence et dévoraient leurs pleurs ;
Ménélas, à sa voix, est percé de douleurs,
Diomède soupire au nom d'Egialée,
Ulysse, ô Pénélope, a son âme ébranlée;
Seul, Antyclus cédant au magique aiguillon,
Croit voir Léodamie et déjà lui répond;

Mais Ulysse bondit et de ses mains terribles
Il lui met au gosier des chaînes invincibles;
Antyclus se débat et, par un vain effort,
Repousse ce carcan de silence et de mort;
Il y perdit la vie! et les chefs des batailles,
De pleurs silencieux couvrant ses funérailles,
Dans un pied du colosse après l'avoir placé,
Couvrirent d'un manteau le cadavre glacé.

La perfide peut-être eût fait fléchir leurs âmes;
Mais Pallas, courroucée et les yeux pleins de flammes,
Pour sauver les héros de l'Olympe descend,

L'écarte de son temple et d'un ton menaçant :
Coeur faible! à quels excès te portera le crime

Et l'amour effréné d'un lit illégitime!
Ne plaindras-tu jamais ton époux délaissé?

A revoir Hermione as-tu jamais pensé?

Dans le camp des Troyens lutteras-tu sans cesse?

Va, monte au haut des tours, et des rois de la Grèce,

Par un fanal ami, dirige les vaisseaux.

Pallas déjoue ainsi ses perfides assauts.

Et cependant, après les danses et la joie,

Le sommeil enchaînait les défenseurs de Troie.

TRYPHIODORE.

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