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lierre en naissant au pied d'un ormeau n'en ferre pas plus étroitement le tronc dur & noueux, par les rameaux entrelaffés, jufques aux plus hautes branches de l'arbre, que ces deux combattans fe ferrent l'un l'autre. Adrafte n'avoit encore rien perdu de fa force. Telémaque n'avoit pas encore toute la fienne. Adrafte fait plufieurs efforts pour furprendre fon ennemi, & pour l'ébranler. II tâche de faifir l'épée du jeune Grec, mais en vain. Dans le moment où il la cherche, Telémaque l'enleve de terre & le renverse fur le fable. Alors cet impie, qui avoit toujours méprifé les Dieux, montre une lâche crainte de la mort. Il a honte de demander la vie, & il ne peut s'empécher de témoigner qu'il la defire. Il tâche d'émouvoir la compaffion de Telémaque. Fils d'Ulyffe, lui dit-il, enfin c'eft maintenant que je connois les juftes Dieux. Ils me puniffent*, comme je l'ai merité. Il n'y a que le malheur, qui ouvre les yeux des hommes pour voir la verité. Je la vois, elle me condamne. Mais qu'un Roi malheureux vous faffe fouvenir de votre pere qui eft loin d'Ithaque †, & qu'il touche

votre cœur.

TELEMAQUE, qui le tenant fous fes genoux avoit le glaive déja levé pour lui.percer la gorge, répondit auffitôt: Je n'ai voulu que la victoire & la paix des nations que je fuis venu fecourir. Je n'aime point à répandre le fang. Vivez donc, Adrafte; mais vivez pour réparer vos fautes; rendez

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Equidem merui, nec deprecor, inquit:
Utere forte tua. Virg. Æn. 1. XII. v. 931.
Miferi te fi qua parentis
Tangere cura poteft, oro: fuit & tibi talis
Anchifes genitor: Dauni miferere fene&ta.

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Id. ib. v. 932.

Αὐτὸν τὸ ἐλέησον,

Mvncdμer or Warpós. Homer. II. 1. XXIV. v. 505.

rendez tout ce que vous avez usurpé; rétablisfez le calme & la juftice fur la côte de la grande Hefperie, que vous avez fouillée par tant de maflacres & de trahifons. Vivez, & devenez un autre homme. Aprenez par votre chute, que les Dieux font juftes, que les méchans font malheureux, qu'ils fe trompent en cherchant la felicité dans la violence, dans l'inhumanité & dans le menfonge; qu'enfin rien n'eft fi doux ni fi heureux que la fimple & conftante vertu. Donnez-nous pour otage votre fils Métrodore, avec douze des principaux de votre nation.

A CES paroles, Telémaque laiffe relever Adrafte, & lui tend la main fans fe defier de fa mauvaise foi. Mais auffitôt Adraste lui lance un fecond dard fort court qu'il tenoit caché. Le dard étoit fi aigu & lancé avec tant d'adreffe, qu'il eût percé les armes de Telémaque, fi elles n'euffent été divines. En même tems Adrafte se jette derriere un arbre pour éviter la pourfuite du jeune Grec. Alors celui-ci s'écrie: Dauniens, vous le voyez, la victoire est à nous. L'impie ne fe fauve que par la trahison. Celui qui ne craint point les Dieux, craint la mort. Au contraire, celui qui les craint, ne craint qu'eux. En difant ces paroles, il s'avance vers les Dauniens, & fait figne aux fiens qui étoient de l'autre côté de l'arbre, de couper le chemin au perfide Adrafte. Adrafte prêt d'être furpris fait femblant de retourner für fes pas, & veut renverfer les Crétois qui fe prefentent à fon paffage. Mais tout-à-coup Telémaque, prompt comme la foudre, que la main du pere des Dieux lance du haut Olympe fur les têtes coupables, vient fondre fur fon ennemi. Il le faifit d'une main victorieuse, il le renverfe comme le cruel Aqui

lon

fonabat les tendres moiffons qui dorent les campagnes; il ne l'écoute plus, quoique l'impie ofe encore une fois effayer d'abufer de la bonté de fon cœur. Il lui enfonce fon glaive † & le précipite dans les flâmes du noir Tartare: digne châtiment de fes crimes.

* Omnia ventorum concurrere prælia vidi,

+

Quae gravidam latè fegetem ab radicibus imis
Sublimè expulfam eruerent. Virg. Georg. I. I. v. 318.
Ferrum adverfo fub pectore condit

1133

Fervidus. Id. Æn. 1. XII. v. 950.

Fin du vingtieme Livre.

SOM

484

SOMMAIRE

D U

LIVRE VINGT-UNIEME.

A Drafte étant mort, les Dauniens tendent les

mains aux Alliés en figne de paix, & leur demandent un Roi de leur nation. Neftor, inconSolable d'avoir perdu fon fils, s'abfente de l'affemblée des Chefs, où plufieurs opinent qu'il faut partager le pays des vaincus, & céder à Telémaque le terroir d'Arpos. Bien loin d'accepter cette offre, Telémaque fait voir que l'interêt commun des Alliés eft de choisir Polydamas pour Roi des Dau-niens, & de leur laisser leurs terres. Il perfuade enfuite à ces peuples de donner la contrée d'Arpos à Diomede furvenu fortuitement. Les troubles étant ainfi finis, tous se séparent pour s'en retourner chacun dans fon pays.

LES

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A

PEINE Adrafte fut mort que tous les Dauniens, loin de déplorer leur defaite & la perte de leur Chef, fe réjouïrent de leur delivrance. Ils tendirent les mains aux Alliés en figne de paix & de reconciliation. Métrodore fils d'Adrafte, que fon pere avoit nouri dans des maximes de diffimulation, d'injuftice & d'inhumanité, s'enfuit lâchement. Mais un esclave complice de fes infamies & de fes cruautés, qu'il avoit affranchi & comblé de biens, & auquel feul il fe confia dans fa fuite, ne fongea qu'à le trahir pour fon propre interêt. Il le tua par derriere pendant

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