SOMMAIRE D U LIVRE PREMIER. T Elémaque conduit par Minerve, fous la figure de Mentor, aborde après un naafrage dans l'ifle de la Déeffe Calypso, où Ulyffe qu'il cherchoit avoit été quelque tems. La Déeffe le reçoit favorablement, conçoit de la paffion pour lui, lui offre l'immortalité & lui demande fes avantures. Il lui raconte fon voyage à Pylos & à Lacédémone; fon naufrage fur la côte de Sicile; le peril où il fut d'être immolé aux mânes d'Anchife; le fecours que Mentor & lui donnerent à Acefte, dans une incurfion de Barbares, le foin que ce Roi eut de reconnoître ce fervice, en leur donnant un vaiffeau Tyrien, pour retourner en leur pays. LES LES AVANTURES D E TELEMAQUE, FILS D'ULYSSE C LIVRE PREMIER. ALYPSO a ne pouvoit fe confoler du départ d'Ulyffe, Dans fa douleur elle* fe trouvoit malheureufe d'être immortelle. Sa grote ne refonnoit plus de fon chant. Les Nymphes qui la fervoient n'ofoient lui parler. Elle fe promenoit fouTOM. I. A 2 vent Calypfo, Deeffe, fille d'Atlas de Thétis, étoit Reine de File Ogygie, où elle reçut Ulyffe après fon naufrage. Son nom vient du verbe xxxvle, cacher, & fignifie Deeffe du fecret: ce qui marque, ou qu'Ulyffe s'eft encore perfectionné chez Calypso dans T'art de diffimuler, qu'il possédoit déja; cu fimplement, qu'il y eft demeuré caché longtems, fans qu'on fût ce qu'il étoit devenu.. Ulyffe, fils de Laerte & d'Anticlée, étoit Roi d'Itaque, 11 époufa Penelope fille d'Icare, dont il eut Telémaque. Après le fiége de Troye ilerra dix ans fur les mers, avant que de revoir-fa patrie; & ce fut dans ce voyage, qu'une tempête le jetta contre les rocbers de l'ifle Ogygie. Calypfo y retint fept ans, fouhaitant de l'avoir pour mari; mais un ordre fuperieur l'aïant obligée de le renvoyer, elle ne pouvoit fe confoler de fon départ, dont elle attribuoit l'ordre à la jaloufe des autres Dieux. Homer. Odysf. Liv. V、 Sed nocet effe Deum, Ovid. Met. 1. 1. v. 662, d vent feule fur les gafons fleuris, dont un Printems éternel bordoit fon ifle. Mais ces beaux lieux, loin de moderer fa douleur, lui faifoient rapeller le trifte fouvenir & d'Ulyffe, qu'elle y avoit vu tant de fois auprès d'elle. Souvent elle demeuroit immobile fur le rivage de la mer, qu'elle arrofoit de fes larmes, & elle étoit fans ceffe tournée vers le côté où le vaiffeau d'Ulyffe, fendant les ondes, avoit difparu à fes yeux. Tout-à-coup elle aperçut les débris d'un navire, qui venoit de faire naufrage; des bancs de rameurs mis en pietes, des rames écartées çà & là fur le fable, un gouvernail, un mât, des cordages flotans fur la côte. Puis elle découvrit de loin deux hommes, dont l'un paroiffoit âgé; l'autre, quoique jeune, reffembloit à Ulyffe. Il avoit fa douceur & fa fierté, avec fa taille & fa démarche majestueufe. La Déeffe comprit que c'étoit Telémaque, fils de ce Heros; mais quoique les Dieux furpaflent de toin en connoiffance tous les hommes, elle ne put découvrir qui étoit cet homme vénerable, dont Telémaque étoit accompagné. C'est que les Dieux fuperieurs cachent aux inferieurs tout ce qu'il leur plaît; & Minerve, qui accompagnoit Telé L'ifle Ogygie, apellée auffi Gaulus, eft un peu au deffus de Melite ou Malte, entre le rivage d'Afrique & le Promontoire de Sicile, apellé Pachine. Il ne faut pas la confondre avec l'ifle de Caude ou Gaude, qui eft vaifine.de Crete. d Le plus fage des Princes qui affiégerent Troye. Les idées de vertu n'étoient gueres épurées du tems d'Homere, & il ne donne à ce Prince qu'une prudence artificieuse & une politique baffe & rampante; mais le Poëte moderne, qui avoit puifé dans Platon la veritable idée des vertus morales, leur donne toujours pour principe la verité & la génerofité. a Déeffe de la fagesse, qui l'est auffi de la guerre fous le nom de Pallas. Que ne doit-on pas attendre du Heros du Poëme, quand on le voit conduit par un femblable guide? |