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liste? Non, ce qui convient à des écrivains dignes de leur mission, c'est de se décerner à soi-même des lauriers, c'est de ramasser des cancans et de colporter des calomnies, c'est de cultiver les préjugés et d'amuser les badauds, c'est de populariser les mauvais livres et de prôner les mauvais théâtres. Voilà le véritable rôle de la presse, sourtout de la presse catholique.

Il n'est pas surprenant que les écrivains de l'Electeur soient navrés de l'état déplorable où se trouvent quelques-uns de leurs confrères. Voyez quel douloureux spectacle ils doivent subir, plusieurs fois la semaine :

Il y a, s'écrient-ils, trois ou quatre journaux que nous ne pouvons ouvrir chaque jour sans y trouver de longs et violents articles de polémique sur le pouvoir temporel du Pape, sur les relations de l'Eglise et de l'Etat, sur toutes les difficultés religieuses qui peuvent surgir en Europe."

N'est-ce pas déplorable? Heureusement que l'Electeur est là pour servir d'antidote, et rétablir le renom de la presse québecquoise.

Les rédacteurs du journal libéral ont rendu un vrai service à notre public en lui fournissant un infaillible criterium pour juger la valeur des journaux. - Voici tel numéro de telle feuille. Qu'y trouve-t-on d'intéressant et d'important?-Oh! rien qui vaille : un article sur la question du pouvoir temporel, un autre sur les rapports de l'Eglise et de l'Etat. Bagatelles! Mais prenez ce journal. Vous y trouverez votre profit. - Oui; que dit-il done? - Il apprend au public que MM. Charles Langelier et Ernest Pacaud sont des foudres de guerre, il donne le nombre de télégrammes envoyés par nos ministres pendant une année, et constate à peu de

chose près, le nombre de serviettes salies dans les ministères durant les derniers douze mois.-A la bonne heure, voilà un journal sérieux et...... bien informé.

Soyons justes; l'Electeur entre voit une circonstance atténuante à la faute commise par les écrivains qui s'occupent de questions religieuses. Ça les paie! ce sont des industriels qui gagnent gros d'argent en suivant ce système ! L'Electeur le déclare sans détour:

"Nous devrions peut-être dire plutôt que c'est une industrie qu'ils exercent, et ce n'est pas la moins payante."

Mais non

La moins payante? question douteuse. la plus payante, très certainement. Il est beaucoup plus lucratif de brocanter des entreprises avec M. Sénécal, -cet homme qui "suinte la corruption par tous les pores "-que d'écrire des articles sur le pouvoir temporel, ou contre les réclames de l'Electeur.

L'organe de M. Langelier est très curieux. Il pose une série de questions des plus importantes avec une volubilité sans égale.

"Est-il possible, en effet, s'écrie-t-il, de trouver nulle part ailleurs, sur la surface du globe, une société religieuse plus fidèle, plus soumise que la nôtre? Est-on capable de sigualer chez la population catholique de notre district un seul acte de révolte contre l'enseignement des autorités religieuses, l'expression d'une seule doctrine fausse, d'une seule idée subversive émanant de quelque quartier que ce soit, de la classe instruite comme de la classe illettrée ? "

C'est toute une enquête que demande l'Electeur. Toutefois sans avoir fait d'investigation spéciale, nous connaissons pour notre part, un journal québecquois

qui a prôné une troupe de comédiens, plusieurs jours après que celle-ci a été solennellement dénoncée par l'Ordinaire; qui a publié des réclames scandaleuses, en faveur de livres abominables; qui a prêté ses colonnes aux annonces d'une association maçonnique; qui a traité avec une injustice et un manque de respect absolus d'éminents dignitaires ecclésiastiques, etc., etc. L'Electeur connaît bien ce journal.

C'est probablement parce qu'il le connaît trop bien, qu'il écrit de si belles choses contre la certaine presse qui, très souvent, se place à un point de vue religieux pour publier des critiques importunes. Nous comprenons le zèle de l'Electeur, nous ne sommes pas surpris de l'entendre nous dire : faites comme moi, laissez de côté les principes.

Mais son éloquence ne nous convainc pas, et son exemple ne nous séduit pas.

LES JÉSUITES ET LE MAIL

9 mai 1887.

La Législature de Québec est saisie d'un projet de loi dont l'objet est de donner la reconnaissance et la vie civiles à un ordre religieux qui porte le nom de: Compagnie de Jésus.

Ce projet de loi tombe nécessairement sous la juridiction du Mail, qui a reçu de M. Bunting la mission de mettre le nez dans toutes nos affaires provinciales, religieuses ou civiles.

Ces incursions périodiques du Mail dans les domaines où il n'a rien à voir, comiques au début, finissent par devenir superlativement agaçantes. Les intrus sont parfois amusants pendant un quart d'heure; mais il arrive un moment où l'on se sent pris d'une furieuse démangeaison de les mettre à la porte.

L'organe fanatique de Toronto voudrait-il nous faire. la grâce de se mêler de ses affaires?

Il ne pourra qu'y gagner; car, chaque fois qu'il sort de sa sphère, il donne dans les plus ridicules bévues, et dans les erreurs les plus grossières qui puissent déconsidérer un journal sérieux.

Le bill des Jésuites ne concerne que les catholiques. Quels que soient les sentiments divers des fidèles et des pasteurs à son égard, nos frères séparés n'ont pas à s'en inquiéter. Et ils l'ont compris, dans notre Législature, car ils se sont tranquillement divisés comme sur n'importe quel autre bill privé.

Mais cela ne fait pas l'affaire du Mail. Il lui faut souffler la flamme du fanatisme religieux. Il est voué à cette tâche anti-patriotique et anti-sociale. Et, dans cette campagne criminelle qu'il a commencée depuis un an, c'est pour lui un coup de fortune qu'un projet de loi, bas-canadien où se trouve le mot: Jésuite!

Jésuite quelle sonnerie de clairon pour le public haineux et préjugé que le Mail exploite à outrance. Quelle fanfare retentissante pour les ennemis séculaires et irréconciliables de l'Eglise, à qui les enfants de saint Ignace ont voué leur cœur, leur intelligence, leur volonté, leur vie tout entière !

L'organe anti-catholique et anti-canadien n'a garde de manquer pareille aubaine. Il évoque tous les fan

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tômes du passé; il se pare de la vieille défroque voltairienne; il remet au jour toutes les calomnies fanées des jansénistes et des encyclopédistes. Il ment à l'histoire, il fausse les faits les plus connus. Et, tout en frappant sur les Jésuites, il insulte l'Eglise, donne le coup de pied au Syllabus, soulève les passions aveugles et ignorantes des adorateurs du dieu Etat contre le Vicaire de Jésus-Christ.

Nous n'espérons pas guérir le Mail de sa rage sectaire. Mais nous croyons opportun de relever ses erreurs historiques et doctrinales.

Il en tient contre la Compagnie de Jésus. Pourquoi ? Parce que, dit-il, "elle ne se confine pas à l'œuvre de "l'éducation, mais qu'elle s'est partout montrée hostile

aux institutions libres." Assertion vague et sans valeur. Par institutions libres, le Mail entend sans doute le régime constitutionnel. Où sont les preuves que les Jésuites ont déclaré la guerre à ce régime? Comme tout homme qui pense, ils ont le droit d'avoir individuellement leurs opinions sur le mérite relatif des formes du gouvernement humain. Mais le Mail ne saurait prouver que l'institut de Saint-Ignace combat les gouvernements modernes.

Il vit et fleurit en Angleterre. Il couvre le sol des Etats-Unis de ses collèges et de ses communautés. En quelle circonstance le Parlement de Westminster ou le Congrès de Washington ont-ils eu à se défendre contre les agressions ou les doctrines séditieuses de la Compagnie? Ici, au Canada, quel exemple le Mail pourrait-il apporter à l'appui de ses dénonciations? Des faits et non des mots! Nous défions l'organe jésuitophobe d'en produire.

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