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l'enseignement religieux dans les écoles des paroisses ou des arrondissements catholiques. Est-ce que, étant données les circonstances, un tel modus vivendi ne devrait pas être accepté, plutôt que d'éterniser une résistance désespérée.

Tel n'est pas notre avis, nous devons le déclarer en toute franchise et en toute loyauté. Si un semblable dénouement de la grande lutte qui se livre ici depuis sept ans devait être accepté par qui de droit, nous nous inclinerions sans hésiter, mais la douleur dans l'âme, car, à nos yeux, ce serait un désastre. La cause sacrée de l'école confessionnelle, de l'école catholique, qui a droit de cité en ce pays, subirait un échec, un amoindrissement fatals. La tolérance acceptée à la place du droit, l'hypocrisie du demi-jour substituée à la liberté publique, le mensonge officiel et précaire au lieu de la loyale et sûre reconnaissance des franchises constitutionnelles! Quelle chute, quelle capitulation, quelle incertitude du lendemain, quel péril pour l'avenir !

Au lieu de ce dangereux modus vivendi, mieux vaut la lutte. Mieux vaut réclamer sans relâche l'application loyale des clauses de la constitution, qui garantissent le droit de la minorité, et, en attendant, continuer à organiser l'enseignement catholique libre, à côté de l'enseignement neutre des écoles de l'Etat. Cela demande des sacrifices, c'est vrai. Mais c'est la vie pour le présent, et c'est l'avenir non compromis.

Avec l'arrangement dont nous parlent les dépêches, ce serait le régime du bon plaisir et de l'arbitraire pour les catholiques manitobains, et le coup de mort porté aux garanties que des hommes d'Etat à l'esprit large avaient inscrites dans la constitution de ce pays.

Quoi qu'il advienne, une chose est sûre. La lettre et l'esprit de la constitution ont été violés dans cette question des écoles du Manitoba. Tous les compromis du monde ne sauraient masquer ce fait brutal. La loi réparatrice était un redressement de ce grief, et une affirmation du droit constitutionnel de la minorité. Des Canadiens-Français et des catholiques ont repoussé cette loi en promettant de donner davantage s'ils en avaient le pouvoir. Ils ont maintenant le pouvoir, et depuis un an ils s'épuisent en manoeuvres, en intrigues, en menées de toute sorte pour éviter de tenir leur parole.

Eh bien, qu'ils ne s'imaginent pas pouvoir récolter paisiblement le fruit de leur perfide tactique. Si nos frères du Manitoba étaient obligés, par le malheur des temps, de renoncer à la plénitude de leurs droits, cela n'empêcherait pas M. Laurier et ses complices de rester nos justiciables sur le terrain politique.

Par leur lâche complicité avec Greenway, ils ont sacrifié les droits constitutionnels d'une minorité. Nous leur jetterons cette trahison, ce crime politique à la face, jusqu'à ce que le jour de la rétribution soit arrivé, et qu'ils aient reçu leur châtiment de l'électorat trompé par eux en 1896.

LETTRE D'ADIEU DU DÉLÉGUÉ PAPAL

Au commencement de juillet 1897, Mgr Merry del Val quitta le Canada. Avant son départ il adressa à Mgr Langevin, archevêque de Saint-Boniface une lettre qui était en même temps destinée à tous les catholiques

canadiens. Le 6 juillet 1897, le Courrier du Canada la recevait d'Ottawa et la publiait:

Ottawa, 6.-Je vous envoie le texte même de la lettre d'adieu de Mgr Merry del Val à Mgr Langevin:

Monseigneur,

A la veille de mon départ du Canada pour la Ville Eternelle où j'irai bientôt déposer entre les mains augustes de Sa Sainteté le résultat de mes investigations et de mes efforts, je viens adresser une parole à Votre Grandeur comme à l'évêque le plus immédiatement intéressé dans la question qui a fait l'objet principal de ma mission, et, par son entremise, j'entends m'adresser à tous les catholiques du pays. Avant tout, Monseigneur, qu'il me soit permis d'unir aux sentiments respectueux et dévoués que j'offre de grand coeur à tous les archevêques et évêques du Dominion, une expression sincère de reconnaissance pour la bienveillance dont LL. GG. out voulu m'accorder des preuves signalées. Mes remerciements sont dus aussi à tous les membres du clergé et aux fidèles des différents diocèses pour l'accueil cordial et touchant qu'ils m'ont constamment offert. Je regrette qu'il ne me soit pas donné d'exprimer à chacun ce que mon cœur sent profondément. J'ai eu encore à me louer de la grande courtoisie des autorités civiles et je tiens à leur donner ici un témoignage de ma gratitude et de mon respect. Il nous faut espérer que l'œuvre si sainte de paix et de justice, désirée par le SaintSiège et par nous tous, sera pleinement réalisée.

A ce propos, je puis assurer Votre Grandeur que Sa Sainteté se trouvera à même avant peu d'émettre une décision et de tracer aux catholiques canadiens la ligne de conduite à suivre dans la situation présente. Le Saint-Père a épuisé toutes les sources d'informations et à moins de vouloir se dérober à la vérité, il est impossible de douter qu'il ne soit parfaitement renseigné sur les faits et leurs circonstances. Dans l'inter

valle, il reste cependant un devoir impérieux pour tous et, dans l'exercice de mes fonctions, j'ai l'obligation de l'inculquer d'une manière formelle, avec la certitude que les évêques et le clergé dévoués comme ils le sont au Saint-Siège, veilleront à son accomplissement exact de la part des fidèles. Ce devoir est celui de s'abstenir entièrement de toute agitation, d'oublier les divisions et les ressentiments et de suspendre toute discussion. Les choses étant entrées pour les catholiques dans une phase nouvelle par le seul fait de l'intervention directe du Souverain Pontife, c'est à lui qu'il revient aujourd'hui de déterminer en dernier lieu leurs obligations par rapport au côté religieux de cette question, et il n'est pas de notre ressort ni du ressort de personne de prévenir son jugement et son action. Il doit être évident pour tout catholique éclairé qu'on ne peut ni invoquer ni soutenir l'autorité du pasteur suprême en entamant celle des évêques, et que d'un autre côté on affaiblit l'autorité épiscopale en entravant, même indirectement, le libre exercice de celle du chef de l'Eglise. Pour ma part, Monseigneur, j'ai trop vite appris à estimer les catholiques du Canada et à admirer leurs vertus pour douter qu'ils ne se réjouissent de pouvoir laisser au vicaire de Jésus-Christ avec soumission et confiance le soin de veiller à leurs intérêts religieux, intimement persuadés que sa direction sera la plus sainte et la plus sage. Que Votre Grandeur veuille bien agréer l'assurance de mon estime et de mon attachement sincère, et qu'elle me permette de lui exprimer mon désir ardent de voir prospérer sous le regard de Dieu ce peuple du Manitoba, objet de son zèle, de ses labeurs et de ses prières.

De Votre Grandeur le serviteur très dévoué en N. S.

RAPHAEL MERRY DEL VAL,

Délégué Apostolique.

A Sa Grandeur Mgr Adélard Langevin,

Archevêque de St-Boniface, Manitoba.

EN PRISON LES CATHOLIQUES!

14 octobre 1897.

Ecoutez ceci, Canadiens-Français et catholiques qui avez voté pour mettre M. Laurier au pouvoir.

Ce grand patriote vous promettait de régler la question des écoles" en six mois" et de faire rendre "justice entière" à nos coreligionnaires du Manitoba.

Quinze mois sont écoulés, et que se passe-t-il là-bas ? Les catholiques ont-ils cette "justice entière"? Sontils libres? Ont-ils la jouissance de leurs droits constitutionnels? Leur a-t-on rendu les écoles qu'on leur a volées ?

Hélas! non. Bien au contraire la persécution semble prendre une nouvelle recrudescence. Le Manitoba, rédigé par un prêtre pieux et distingué, nous apporte ce lamentable fait, dans son dernier numéro:

Voici ce qui se passe dans un district scolaire dans la paroisse Saint-Eustache. Deux commissaires sur trois veulent faire de l'école une école catholique ! Qu'arrive-t-il? A-t-on respecté cette décision de la majorité ? Parce qu'ils étaient catholiques et voulaient rester fidèles à leur foi et à leur nationalité, ils ont été cités devant les tribunaux et ont eu la gloire d'être condamnés à l'amende ou à la prison. Ils refusent de payer l'amende. Ils iront en prison.

"Bravo pour ces nouveaux témoins de notre foi et de notre patriotisme! Honneur à eux et à leurs familles ! Et maintenant qui sont les persécuteurs et qui sont les victimes?

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