Imágenes de página
PDF
ePub

Ottawa, 9 juillet.

Nous sommes en pleine crise, ici. Nos trois ministres 1 ont démissionné. Leur démission paraît surtout motivée par le fait que le cabinet a décidé d'ouvrir de nouvelles négociations avec Manitoba, ce qui a pour effet d'admettre que le parlement n'a pas actuellement juridiction pour prendre action et de placer le gouvernement et le parlement dans l'impossibilité de légiférer, l'hiver prochain, si M. Greenway donnait une réponse illusoire. De plus, d'après la déclaration ministérielle, le résultat de ses négociations devra être soumis au Parlement, le ministère se dégageant ainsi de sa responsabilité. Nos ministres auraient accepté comme concession extrême, le délai jusqu'à la prochaine session pour présenter la loi, mais ils ont refusé de mettre en doute la juridiction actuelle du Parlement et de compromettre ainsi le règlement futur de la question.

Voici la déclaration ministérielle faite hier après-midi, sur la question des écoles du Manitoba :

"SIR MACKENZIE BOWELL.-En réponse à l'honorable chef de l'opposition, je suis prêt à donner la décision à laquelle le gouvernement est arrivé sur la question des écoles du Manitoba. Je désire déclarer que le gouvernement a considéré la réponse de la législature du Manitoba à l'ordre réparateur du 21 mars 1895, et que, après une délibération attentive, il en est arrivé à la conclusion suivante :

- Quoiqu'il puisse y avoir divergence d'opinion sur la réponse en question, le gouvernement croit qu'elle peut être interprétée comme donnant quelque espoir d'un

1- Les honorables MM. Angers, Ouimet et Caron.

règlement amical de la question des écoles du Manitoba basé sur l'action possible du gouvernement et de la législature du Manitoba, et le gouvernement de la Puissance ne veut prendre aucune action qui pourrait être interprétée comme prévenant ou empêchant une solution amicale.

"Le gouvernement a aussi considéré les difficultés à rencontrer en préparant et arrêtant une législation sur une question aussi importante et aussi compliquée durant les dernières heures de la session.

"Le gouvernement a en conséquence décidé de ne pas demander au parlement de légiférer sur cette question durant la présente session.

"Un message sera envoyé immédiatement au gouvernement du Manitoba sur ce sujet, en vue de s'assurer s'il est disposé à faire un arrangement qui donnera satisfaction raisonnable à la minorité de cette province, sans nécessiter l'intervention des pouvoirs du Parlement fédéral.

"Une session du parlement actuel sera convoquée pas plus tard que le premier jeudi de janvier prochain. Si, à cette date, le gouvernement du Manitoba ne fait pas d'arrangement pour remédier aux griefs de la minorité, le gouvernement de la Puissance sera prêt à la prochaine session du Parlement qui sera convoquée tel que dit plus haut, à présenter et à soutenir telle législation qui remédiera aux griefs de la dite minorité, basée sur le jugement du Conseil Privé et l'ordre remédiateur du 21 mars 1895.

"Cela est clair et suffisamment distinct pour indiquer la politique du gouvernement sur cette question compliquée. Il reste au Parlement du Canada et au

peuple de la Puissance à dire s'ils approuvent ou non cette politique."

Ottawa, 10 juillet.

La situation est toujours extrêmement tendue. Il n'y a pas eu de crise semblable à celle-ci depuis vingt-cinq ans.

M. Laurier vient de demander à M. Foster s'il peut renseigner la chambre sur la résignation des trois ministres canadiens-français, qui est maintenant dans toutes les bouches. M. Foster a répondu que demain il aurait une réponse positive à donner.

Encore vingt-quatre heures de rumeurs et de commentaires !

On affirme que sir MacKenzie Bowell serait prêt à faire certaines concessions, mais que MM. Haggart, Foster et Montague s'y opposent.

Le gouvernement est dans le plus grand danger. Hier, si nos amis eussent voulu, le cabinet eût été en minorité de huit voix.

Ottawa, 11 juillet.

La crise touche à son dénouement. Personne encore ne peut dire ce qui va arriver. Plusieurs tentatives. d'arrangement ont été cssayées, mais jusqu'ici tout a manqué. Il a été question, hier, de l'introduction immédiate du bill réparateur par le gouvernement, mais on affirme que les ministres anglais ont refusé.

On parle aujourd'hui de déclarations nouvelles ou de réponses à des questions faites en Chambre par lesquelles le cabinet accentuerait sa politique.

Il y aura du nouveau, à la séance de cette après-midi. Ottawa, 11 juillet.

A une heure cette après-midi, la position est toujours la même, sir Adolphe Caron et M. Ouimet se sont ren

dus à onze heures et demie ce matin, à la salle du Conseil privé. Quelques instants après, ils ont été appelés dans le cabinet particulier du premier ministre avec lequel ils ont eu une longue conférence. L'honorable M. Angers n'était pas avec eux. Le but de cette entrevue avec le premier ministre était de tâcher d'en venir à une entente. L'honorable sénateur Masson et M. Girouard ont été appelés en consultation auprès du premier ministre et des deux ministres français. M. Costigan est entré aussi à deux ou trois reprises dans le bureau de M. Bowell.

A une heure les ministres sont sortis du cabinet, M. Bowell disant qu'il n'y avait rien de fait. Une nouvelle réunion aura lieu à deux heures et demie. On dit que M. Angers refuse de faire aucune des concessions que les deux autres ministres sont, paraît-il, prêts à faire pour rétablir l'accord dans le cabinet, et qu'il prépare en ce moment le discours qu'il prononcera contre le gouvernement, s'il n'y a pas d'autres incidents.

1.45 h. p. m.—On commence à dire que sir A. P. Caron et M. Ouimet vont se rallier au cabinet, M. Angers seul persisterait dans sa démission. Cela sauverait le gouvernement. Mais la crise ne serait peutêtre pas finie malgré tout.

2.30 h. p. m.-Il est certain que sir A. P. Caron et M. Ouimet rentrent dans le cabinet. L'excitation est immense parmi les députés conservateurs bas-canadiens. M. Angers persiste dans sa décision. M. Dupont va présenter, à trois heures, un vote de non confiance, appuyé par M. Belley.

LA SITUATION

13 juillet 1895.

La situation que les derniers événements ont faite aux conservateurs bas-canadiens est extrêment difficile.

Il y a eu quasi-rupture entre eux et le gouvernement, et quelque jugement que l'on porte sur la manière dont la crise s'est dénouée, il nous paraît évident que les relations entre les deux groupes du parti vont demeurer très tendues.

Il serait bien puéril d'essayer à dissimuler que la défiance est éveillée et que nos amis d'Ottawa, s'ils n'ont pas voulu renverser le cabinet et donner le pouvoir à M. Laurier, n'ont voté qu'avec réserve et sous condition.

Après la rentrée de MM. Caron et Ouimet dans le cabinet, le groupe bas-canadien conservateur s'est trouvé absolument désorienté.

Que faire ? voilà ce que chacun se demandait à l'ouverture de la séance de jeudi. Pour un grand nombre, M. Laurier a tranché la question. Il s'est levé aussitôt après les explications ministérielles, et a proposé l'ajournement de la Chambre purement et simplement. Il n'a pas dit un mot de la question des écoles, il s'est borné à dire par sa motion: Je veux prouver que c'est moi qui dirige la majorité dans cette Chambre, et je veux prouver cela sans m'engager ni engager mon parti d'aucune manière sur la question d'une législation réparatrice,

« AnteriorContinuar »