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"Quelqu'un peut-il me citer une déclaration de M. Ouimet, de M. Angers ou de M. Caron? J'ai déclaré que c'était une question de fait et que si elle était conforme à ce que disait Mgr Taché, c'était un outrage intolérable. La presse conservatrice dit que ce n'est pas aller assez loin. S'il en est ainsi, quel ne doit pas être le mépris dont nous pouvons accabler un gouvernement qui n'a pas encore trouvé un mot à dire, une opinion à exprimer sur la question? Si je ne vais pas assez loin, que le gouvernement fasse davantage. Je défie M. Angers d'en faire autant. A Vaudreuil, M. Angers a dit qu'il se couperait la main, si justice n'était pas rendue, et pourtant je crois qu'il a encore ses deux mains. Il a même encore ses deux pieds pour sauter par-dessus la constitution. Je défie M. Ouimet, je défie M. Caron d'en dire autant. Lorsque les ministres français du cabinet en auront fait autant que moi, je tiendrai compte de leurs attaques; mais, jusque-là, je les traiterai avec le plus profond dédain."

Voilà les paroles de M. Laurier.

Elles sont conformes au langage équivoque et vague qu'il a tenu jusqu'à présent.

Allons plus loin, elles sont la manifestation réitérée d'un état d'esprit absolument repréhensible au point de vue catholique.

Pour M. Laurier, toute la question est dans cette phrase: "Si les écoles du Manitoba sont protestantes."

Eh bien, M. Laurier, chef de parti, canadien-français et catholique, a l'irréparable malheur, soit par malhonnêteté politique, soit par une criminelle ignorance des vérités de la foi, de poser à faux cette grande et vitale question.

Non, monsieur, ce n'est pas en disant: Si les écoles sont protestantes, que l'on arrivera à une solution juste. Sans doute, si les écoles sont protestantes, c'est une abomination; mais si les écoles sont neutres, cela ne vaut guère mieux.

Le vrai terrain où doit être placé le débat, c'est celui des écoles séparées : les protestants ayant leurs écoles protestantes, les catholiques ayant leurs écoles catholiques. Dans un pays mixte comme le nôtre, voilà le véritable modus vivendi, le seul qui soit pratique et qui puisse donner satisfaction à toutes les consciences.

Il est clair que M. Laurier n'envisage pas la question à ce point de vue. Son idéal, c'est l'école neutre, l'école sans enseignement religieux, l'école sans credo.

La religion hors l'école, telle paraît être sa prédilection secrète. Tous les enfants du peuple s'asseyant sur les mêmes bancs, sans distinction de races ni de croyances, le même maître donnant à tous le même enseignement d'où l'on bannira l'élément religieux, laissant uniquement à la famille le soin de l'introduire dans l'éducation, voilà son rêve.

Eh bien ce rêve est une chimère. Et pis que cela, M. Laurier, c'est une apostasie !

Ah! étant ce que vous êtes, et pensant ce que vous pensez, vous faites preuve d'une incroyable audace en apostrophant M. Angers et ses collègues comme vous l'avez fait à Montréal. Voulez-vous savoir ce que font M. Angers et ses collègues depuis deux ans? Pendant que vous contiez fleurette à Jos. Martin et à Greenway, d'une part, et que vous essayiez, d'autre part, à blaguer les catholiques avec votre balançoire oratoire qui penchait toujours du côté de l'école neutre, M. Angers et

ses collègues catholiques luttaient silencieusement, mais avec une indomptable énergie, pour le triomphe et la résurrection des écoles séparées. Lorsque le jugement de la Cour Suprême semblait enterrer la question, au moment même où vous, M. Laurier, et votre organe le Globe, proclamiez avec joie que c'était là une question morte, M. Angers et ses collègues organisaient la résistance, déterminaient les catholiques à porter encore une fois la cause au Conseil Privé, en dépit de certaines préventions respectables, et entraînaient tous les membres du cabinet fédéral avec quelques amis-quatorze répondants en tout,-à souscrire la somme nécessaire aux frais d'appel, $8,000 environ, croyons-nous. Et cela pour ressusciter cette question proclamée morte, avec exultation, par le parti libéral.

Grâce à leurs efforts, grâce à leurs sacrifices, elle est ressuscitée, cette question brûlante. Aujourd'hui, merci à M. Angers et à ses collègues, commence à luire pour les catholiques du Manitoba l'aurore de la justice.

Le 26 février, mardi prochain, l'appel des catholiques va être entendu.

C'est le premier pas dans la voie de la réparation.

Et voici ce qui va suivre. Nous ne sommes pas partisan quand même du cabinet fédéral, nous ne lui sommes pas inféodé, nous ne lui sommes attaché par aucun lien, et, surtout depuis un an, nous avons tenu à garder envers lui une attitude indépendante, précisément en vue de cette question des écoles. Eh bien, nous sommes heureux de pouvoir le dire aujourd'hui, le gouvernement fédéral est déterminé à rendre justice à la minorité opprimée du Manitoba. Il est déterminé à faire respecter la constitution, coûte que coûte. Il est déter

miné à redresser les griefs. Il est déterminé à rendre aux catholiques de la province manitobaine les écoles séparées qu'ils ont perdues.

Ce n'est pas un vain langage que nous tenons en ce moment. Nous ne prétendons pas avoir autorité pour faire ces déclarations, mais nous savons que des actes justifieront nos paroles.

Et lorsque ces actes s'accompliront, lorsque le programme du gouvernement recevra ses développements, laissant de côté toute autre considération, nous applaudirons à ces actes, tous les bons citoyens, tous les amis de l'ordre, de la constitution et de la justice y applaudiront comme nous.

Et alors M. Laurier, emporté par le courant, lâchant enfin ses écoles neutres, et se mettant piteusement à la remorque, se prononcera à contre-coeur pour les écoles séparées.

Mais nous ne lui promettons pas qu'il obtiendra, avec cette conversion tardive, le même succès que les ou vriers de la onzième heure dont parle l'Evangile.

UN ARTICLE DU HAMILTON SPEC-
TATOR

28 février 1895.

Nous avions noté spécialement un article du Hamilton Spectator, sur la question des écoles, dans l'intention d'y répondre.

Les journaux libéraux, l'Electeur et la Patrie, nous

apportent cet article, ce qui nous épargne la peine de le traduire. Le voici :

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On a suggéré au gouvernement du Dominion de donner à la minorité catholique du Manitoba une partie de ce que les anglais appellent les terrains scolaires de cette province, pour aider cette minorité à soutenir ses écoles séparées.

"Ces terrains ont été donnés au Manitoba par acte du parlement pour des fins scolaires. On peut alléguer que le pouvoir qui donne peut aussi ôter. Quoi qu'il en soit, ces terrains appartiennent ou à la population du Manitoba ou à celle du Dominion. Nous ne croyons pas que le gouvernement du Dominion puisse être induit à commettre cette injustice, de donner ce qui appartient à tout le Dominion dans le but de faire enseigner une certaine religion à une certaine secte.

"Si ces terres appartiennent au Manitoba à condition qu'elles servent à des fins d'éducation, cette province peut en disposer comme elle l'entendra, aussi longtemps que la condition sera observée. Une subvention de la part du gouvernement du Dominion-une subvention prise sur l'argent du peuple entier pour faire enseigner une religion spéciale à une secte-cela donnerait lieu aux mêmes objections que de donner une subvention en terres du Dominion.

"Il nous semble que l'action-ou plutôt l'inaction du gouvernement du Dominion dans l'affaire des biens des Jésuites dans la Province de Québec, est un bon précédent à suivre.

"Dans ce cas on n'est pas intervenu sur le terrain des droits de la province de Québec et les gens de Québec ont été satisfaits. Si la même règle est suivie dans

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