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cette Marguerite du dramaturge est une femme perdue, une héroïne du demi-monde.

La responsabilité des auteurs dramatiques contemporains est terrible et lourde. Celle de la presse complaisante qui applaudit et recommande leurs créations n'est pas moins redoutable.

L'Electeur n'est pas le seul journal qui manque de scrupule sous ce rapport. Quelques-uns de nos confrères de Montréal ne sont pas, eux non plus, assez sévèNous avons lu dans le Monde et dans la Presse des correspondances de New-York où l'on portait aux nues des comédies extrêmement scabreuses.

res.

Nous conjurons tous nos confrères d'écarter ces réclames pernicieuses. Ce n'est pas la malveillance ni le désir de poser au puritanisme qui nous font écrire ces lignes. Mais nous sommes convaincu que les mauvais livres et les mauvaises pièces comptent parmi les agents les plus actifs de la décadence sociale, et nous souhaitons ardemment voir notre société canadienne se garder de ces écueils.

LA LITTÉRATURE MALSAINE

8 mars 1891. L'Electeur de ce matin publie cette dépêche de Montréal :

"On commence le 19 courant l'enquête dans une cause pour libelle qui créera un vif intérêt dans le public. Cette cause est celle de Filiatrault, éditeur propriétaire du Canada-Revue, contre le révérend abbé

Gosselin, éditeur de la Semaine Religieuse de Québec. Filiatrault a aussi intenté contre le même une action au civil de $10,000 de dommages.

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Il paraît que le demandeur loue aux abonnés de son journal des livres de sa bibliothèque moyennant un dollar comme garantie du retour de ces livres, et que M. l'abbé Gosselin l'a accusé dans la Semaine Religieuse de répandre de la littérature immorale parmi le peuple et l'a appelé empoisonneur public.

"M. Filiatrault prétend que, bien que sa librairie contienne quelques ouvrages à l'index, il n'y en a pas de plus immoraux que les romans de Dumas, père, et que sa collection de livres est beaucoup plus morale en proportion que celle de la bibliothèque paroissiale.

"M. l'abbé Gosselin a comparu devant le juge Desnoyers et donné une caution de $200. "

Cette cause ne saurait manquer en effet de créer un vif intérêt.

C'est une question de morale publique qui est en jeu. Il s'agit de savoir si les tribunaux vont décider que la presse n'a pas le droit d'attaquer la littérature dangereuse, et de signaler au public la publication d'œuvres qu'elle croit pernicieuses.

Ce n'est pas simplement le cas de la Canada-Revue, que nous considérons dans cette affaire. Nous n'avons pas vu un seul numéro de cette publication. Mais c'est la question de principe qui nous intéresse.

Comme journaliste nous affirmons notre droit de dénoncer tels et tels ouvrages, recommandés ou publiés par tel journal ou telle revue. C'est là notre droit; bien plus, c'est là notre devoir.

Un journal publie comme feuilleton l'Assommoir, ou,

si l'on veut quelque exemple moins brutal, Monsieur de Camors de Feuillet, ou Indiana de George Sand, ou la Comtesse Sarah d'Ohnet, ou Mensonges de Paul Bourget; nous prétendons avoir le droit de dire au public: prenez garde, ce journal publie une œuvré immorale et fausse.

En un mot, les journaux, les revues qui veulent publier des romans dangereux, doivent au moins être soumis à la critique, sans que la justice leur accorde le privilège d'empoisonner impunément l'âme de la jeu

nesse.

Reproduisez des œuvres mauvaises, si vous le voulez, mais que ce soit à vos risques et périls.

M. l'abbé Gosselin a donc toutes nos sympathies dans la cause importante qui va se plaider à Montréal. La liberté de la presse, entendue dans son meilleur sens, est en jeu dans ce procès, et nous avons l'espoir qu'elle triomphera.

GARE LE POISON!

Nous lisons dans le Monde :

13 septembre 1892.

"La Bibliothèque Française, qui a laissé de si agréables souvenirs parmi la classe lettrée de notre population, doit reparaître prochainement, considérablement améliorée, revue, corrigée et augmentée, comme l'on dit en termes de prospectus.

"Voici ce que la direction nous promet:

"Elle publiera tous les mois un volume contenant un grand roman complet d'un des auteurs les plus en renom

en France, et reproduira les œuvres des écrivains les plus éminents du siècle.

"Tous les ouvrages publiés par La Bibliothèque Française seront d'une moralité incontestable et pourront être mis dans toutes les mains."

Si le passé est un présage de l'avenir, voilà un nouveau danger pour le public canadien.

Cette Bibliothèque Française a publié et jeté dans la circulation une masse d'ouvrages immoraux.

Romans de George Ohnet, d'Octave Feuillet, d'Alphonse Daudet, etc., cette publication a vulgarisé tous ces livres dangereux.

La voilà qui reparaît sur la scène. Nous l'attendons à l'œuvre.

Mais, en attendant, nous crions: gare!

DEUX ROMANS FEUILLETONS

13 février 1894.

De mieux en mieux!

Ils ne se gênent pas dans le choix de leurs feuilletons nos confrères du Monde et de la Patrie!

Le Monde publie depuis des semaines Les trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas, et son numéro de samedi nous en apportait une page des plus épicées avec gravure ad hoc.

Les lauriers du Monde empêchaient la Patrie de dormir, et elle annonce à son de trompe qu'elle va publier Monte-Christo:

"Alexandre Dumas est aujourd'hui à la mode et chacun s'empresse de lire et de relire les œuvres de ce

conteur sans rival. Nous croyons devoir entrer dans le mouvement en publiant, comme feuilleton, le plus célèbre, le plus dramatique de ses livres: Le comte de Monte-Christo.

"Il serait superflu de faire ici l'éloge de ce roman de la bonne école qui a été soumis à la censure des lecteurs intelligents de tous les pays du monde et qui a été proclamé comme l'œuvre principale du grand romancier.

"Nous commencerons donc la publication de MonteChristo et nous attirons tout spécialement l'attention de nos lecteurs sur ce fait important."

On ne semble pas du tout se douter au Monde et à la Patrie que tous les romans d'Alexandre Dumas sont à l'index.

Ces romans ne sont pas seulement immoraux, ils sont faux dans la donnée, les principes et les caractères, et ils contiennent l'apologie de toutes les passions.

Donner aux lecteurs d'un journal une pareille pâture, c'est faire une mauvaise action.

LES FARCES DE M. BEAUGRAND

21 février 1894.

Il vient de se produire à Montréal un incident qui ne tournera certainement pas à la gloire de celui qui a voulu s'en constituer le héros.

Nos lecteurs savent que le Monde publie depuis quelque temps les Trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas, et que la Patrie annonçait, de son côté, comme

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