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Critique et bibliographie.

FRÉDÉRIC OZANAM, SA VIE ET SES EUVRES1

25 novembre 1887.

Nous sommes vraiment confus de n'avoir pas encore entretenu nos lecteurs de cette œuvre nouvelle.

L'écrivain condamné à remplir incessamment ce tonneau des Danaïdes, un journal quotidien, est bien souvent privé des loisirs heureux qui permettent les travaux littéraires, les études d'histoire et de critique, si pleins de charmes et d'attrait. Il faut pardonner beaucoup au journaliste, parce qu'il est beaucoup privé.

Le livre que nous avons sous les yeux, fort et beau volume de six cents pages, est l'un de ceux pour lesquels nous éprouvons une prédilection spéciale. Ces études biographiques, où l'homme est étudié dans ses œuvres, où la vie du héros a pour commentaire les pages qu'a tracées sa plume, où le récit se fond avec la citation, ont pour nous un charme très vif. C'est là le grand attrait, par exemple, de cette galerie mennaisienne, Lamennais, Lacordaire, Montalembert, Gerbet et Salinis, qui, sans être des œuvres d'une origina

1- Frédéric Ozanam, sa vie et ses œuvres, par M. Pierre Chauveau, fils; Montréal, Beauchemin & Fils, 1887.

lité saisissante, ont donné tant de vogue à leur auteur, Mgr Ricard.

Belle et pure figure que celle d'Ozanam ! Nous devons savoir gré à M. Pierre Chauveau de l'avoir exposée à l'admiration de la jeunesse canadienne.

Quel noble modèle! Quelle éloquente carrière! Apôtre de la science, des lettres et de la religion, Ozanam offre en sa personne un éclatant exemple de la dignité, de l'élévation, de la grandeur morale que donnent à une vie l'amour de la vérité, la recherche du beau, et la foi chrétienne manifestée par des œuvres.

Sans doute, la vie d'Ozanam n'est pas, aux yeux de tous, sans quelques ombres. On peut croire qu'il a été trop optimiste à l'égard de notre âge et des hommes du siècle. Il a passé à l'Ere Nouvelle en 1818. Il a eu . peut-être ce qu'on pourrait appeler l'illusion de la charité, qui ne doit pas être confondue avec cette vertu théologale.

Mais, encore une fois, ce ne sont là que des ombres. Et cela n'enlève nullement à Ozanam son auréole de fondateur de la société de Saint-Vincent-de-Paul, de professeur savant et érudit, d'écrivain éloquent et charmant.

M. Chauveau a fort heureusement retracé cette physionomie douce et sympathique. Et, ce dont il mérite d'être félicité, il a donné un résumé très nourri, une analyse très complète de l'œuvre relativement considérable d'Ozanam.

Ceux qui n'ont pas le loisir de savourer lentement ces livres de forte substance, où la hauteur de la pensée le dispute à la beauté du style: Dante et la philosophie catholique, Les Poètes franciscains, les Etudes

germaniques, la Civilisation au cinquième siècle, ceux-là n'ont qu'à lire consciencieusement Frédéric Ozanam, sa vie et ses œuvres. Ils en sortiront avec Ils auront cueilli la

une idée parfaite de l'écrivain.

fleur de cet esprit délicat.

C'est l'honorable M. Chauveau qui, naturellement, a présenté ce livre au public canadien dans une élégante et attrayante préface.

Il

Ce morceau est digne du biographe de Garneau. nous offre une brillante esquisse de l'époque où vécut Ozanam, ce milieu du siècle si tourmenté par le doute religieux, la confusion philosophique, le trouble social. Au cours de ces belles pages, écrites en un style pur où se révèle la pleine et féconde maturité du talent, nous sera-t-il permis de placer un point d'interrogation? M. Chauveau parle de la loi d'enseignement de 1850, et des divisions malheureuses dont elle fut la source, puis il ajoute :

"La question de l'enseignement des classiques vint bientôt envenimer les différences résultant d'une simple question d'opportunité entre ceux qui voulaient tout ou rien, et ceux qui acceptaient quelque chose afin d'avoir plus tard tout ce qu'ils désiraient.”

Les mots par nous soulignés nous semblent trahir une préférence nuancée de partialité. Tout ou rien, est-ce bien là résumer avec justesse l'opinion défendue principalement par Louis Veuillot, en 1850, mais soutenue aussi par Mgr Parisis, approuvée par Donoso Cortès, et partagée par un grand nombre de catholiques éminents? L'Univers ne disait pas tout ou rien; il soutenait qu'on pouvait obtenir plus en sacrifiant moins. Cette nuance indiquée, hâtons-nous de dire que la

préface de M. Chauveau est une des productions qui font le plus d'honneur à sa plume. Il y a vraiment un plaisir exquis à lire cette prose claire, correcte, harmonieuse, cette prose française maniée avec tant d'aisance par un écrivain canadien.

Nous voudrions pouvoir citer longuement. Choisissons ce portrait d'Ozanam :

"Comme maître, il a tout pour lui: la force dans la conviction et la douceur dans la méthode, la profondeur de la science et l'élégance du style, les recherches laborieuses et la facilité de la mise en œuvre, enfin, avec la gravité dans la pensée, l'agrément et quelquefois même l'enjouement dans l'expression; et sur le tout quelque chose de jeune, de suave et de mélancolique, qui ne cesse d'attirer, de séduire et de retenir. Ceux qui le lisent, comme ceux qui l'écoutaient, tombent vite sous le charme et y demeurent."

Ce crayon n'est-il pas très réussi?

Mais nous croyons en avoir assez dit pour convaincre nos lecteurs que le livre de M. Pierre Chauveau, orné de la remarquable préface qui lui sert de portique, a sa place marquée d'avance dans toute bibliothèque canadienne sérieuse.

LA VIE DE M. LE CURÉ PAINCHAUD

PAR M. N.-E. DIONNE

7 juillet 1894.

Nous venons, après beaucoup d'autres, offrir à notre collaborateur, M. le Dr Dionne, nos cordiales félicita

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