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assemblée quelconque? Quand un roi a été anéanti par le peuple, qui a le droit de le ressusciter pour en faire un nouveau prétexte de trouble et de rébellion? Et quels autres effets peut produire ce système? En ouvrant une arène aux champions de Louis XVI, vous ressuscitez toutes les querelles du despotisme contre la liberté; vous consacrez le droit de blasphemer contre la république et contre le peuple, car le droit de défendre l'ancien despote emporte le droit de dire tout ce qui tient à sa cause. Vous réveillez toutes les factions; vous ranimez, vous encouragez le royalisme assoupi. On pourra librement prendre parti pour ou contre. Quoi de plus légitime, quoi de plus naturel que de répéter partout les maximes que ses défenseurs pourront professer hautement à votre barre et dans votre tribune même? Quelle république que celle dont les fondateurs lui suscitent de toutes parts des adversaires pour l'attaquer dans son berceau!.....

C'est une grande cause, a-t-on dit, qu'il faut juger avec une sage et lente circonspection. C'est vous qui en faites une grande cause. Que dis-je? C'est vous qui en faites une cause? Que trouvez-vous là de grand? est-ce la difficulté? non. Estce le personnage? aux yeux de la liberté, il n'en est pas de plus vil; aux yeux de l'humanité, il n'en est pas de plus coupable. Il ne peut en imposer encore qu'à ceux qui sont plus lâches que lui. Est-ce l'utilité du résultat? c'est une raison de plus de le håter. Une grande cause, c'est un projet de loi populaire : une grande cause, c'est celle d'un malheureux opprimé par le despotisme. Quel est le motif de ces délais éternels que vous nous recommandez? Craignezvous de blesser l'opinion du peuple? comme si le peuple lui-même craignait autre chose que la faiblesse ou l'ambition de ses mandataires! comme si le peuple était un vil troupeau d'esclaves, stupidement attaché au stupide tyran qu'il a proscrit, voulant, à quelque prix que ce soit, se vautrer dans la bassesse et dans la servitude! Vous parlez de

l'opinion; n'est-ce point à vous de la diriger, de la fortifier? Si elle s'égare, si elle se déprave, à qui faudrait-il s'en prendre, si ce n'est à vous-mêmes? Craignez-vous de mécontenter les rois étrangers ligués contre nous? Oh! sans doute, le moyen de les vaincre, c'est de paraître les craindre? le moyen de confondre la criminelle conspiration des. despotes de l'Europe, c'est de respecter leur complice. Craignez-vous les peuples étrangers? Vous croyez donc encore à l'amour inné de la tyrannie? Pourquoi donc aspirez-vous à la gloire d'affranchir le genre humain? Par quelle contradiction supposez-vous que les nations qui n'ont point été étonnées de la proclamation des droits de l'humanité seront épouvantées du châtiment de l'un de ses plus cruels oppresseurs? Enfin, vous redoutez, dit-on, les regards de la postérité. Oui, la postérité s'étonnera en effet de votre inconséquence et de votre faiblesse; et nos descendants riront à la fois de la présomption et des préjugés de leurs pères. On a dit qu'il fallait du génie pour approfondir cette question; je soutiens qu'il ne faut que de la bonne foi: il s'agit bien moins de s'éclairer que de ne point s'aveugler volontairement. Pourquoi ce qui nous paraît clair dans un temps, nous semble-t-il obscur dans un autre? Pourquoi ce que le bon sens du peuple décide aisément se change-t-il, pour ses délégués, en problème presque insoluble? Avonsnous le droit d'avoir une volonté générale et une sagesse différente de la raison universelle?

J'ai entendu les défenseurs de l'inviolabilité avancer un principe hardi, que j'aurais presque hésité à énoncer moimême. Ils ont dit que ceux qui, le 10 août, auraient immolé Louis XVI auraient fait une action vertueuse. Mais la seule base de cette opinion ne peut être que les crimes de Louis XVI et les droits du peuple. Or trois mois d'intervalle ont-ils changé ses crimes ou les droits du peuple? Si alors on l'arracha à l'indignation publique, ce fut sans doute uniquement pour que sa punition, ordonnée solennellement

par le Convention nationale, au nom de la nation, en devint plus imposante pour les ennemis de l'humanité; mais remettre en question s'il est coupable ou s'il peut être puni, c'est trahir la foi donnée au peuple français. Il est peutêtre des gens qui, soit pour empêcher que l'assemblée ne prenne un caractère digne d'elle; soit pour ravir aux nations un exemple qui élèverait les âmes à la hauteur des principes républicains; soit par des motifs encore plus honteux, ne seraient pas fàchés qu'une main privée remplit les fonctions de la justice nationale. Citoyens, défiez-vous de ce piége; quiconque oserait donner un tel conseil, ne servirait que les ennemis du peuple. Quoi qu'il arrive, la punition de Louis n'est bonne désormais qu'autant qu'elle portera le caractère solennel d'une vengeance publique.

Qu'importe au peuple le méprisable individu du dernier des rois? Représentants, ce qui lui importe, ce qui vous importe à vous-mêmes, c'est que vous remplissiez les devoirs que sa confiance vous a imposés. Vous avez proclamé la république, mais nous l'avez-vous donnée? Nous n'avons point encore fait une seule loi qui justifie ce nom; nous n'avons pas encore réformé un seul abus du despotisme. Otez les noms, nous avons encore la tyrannie tout entière, et de plus, des factions plus viles et des charlatans plus immoraux, avec de nouveaux ferments de troubles et de guerre civile. La république! et Louis vit encore! et vous placez encore la personne du roi entre nous et la liberté ! A force de scrupules, craignons de nous rendre criminels; craignons qu'en montrant trop d'indulgence pour le coupable, nous ne nous mettions nous-mêmes à sa place.

Nouvelle difficulté. A quelle peine condamnerons-nous Louis? La peine de mort est trop cruelle. Non, dit un autre, la vie est plus cruelle encore. Je demande qu'il vive. Avocats du roi, est-ce par pitié ou par cruauté que vous voulez le soustraire à la peine de ses crimes! Pour moi, j'abhorre la peine de mort prodiguée par vos lois, et je n'ai pour Louis

ni amour, ni haine: je ne hais que ses forfaits. J'ai demandé l'abolition de la peine de mort à l'Assemblée que vous nommez encore constituante, et ce n'est pas ma faute, si les premiers principes de la raison lui ont paru des hérésies morales et politiques. Mais si vous ne vous avisâtes jamais de les réclamer en faveur de tant de malheureux dont les délits sont moins les leurs que ceux du gouvernement, par quelle fatalité vous en souvenez-vous seulement pour plaider la cause du plus grand de tous les criminels? Vous demandez une exception à la peine de mort pour celui-là seul qui peut la légitimer? Oui, la peine de mort en général est un crime, et par cette raison seule que, d'après les principes indestructibles de la nature, elle ne peut être justifiée que dans les cas où elle est nécessaire à la sûreté des individus ou du corps social. Or, jamais la sûreté publique ne la provoque contre les délits ordinaires, parce que la société peut toujours les prévenir par d'autres moyens, et mettre le coupable dans l'impuissance de lui nuire. Mais un roi détrôné au sein d'une révolution qui n'est rien moins que cimentée par les lois, un roi dont le nom seul attire le fléau de la guerre sur la nation agitée, ni la prison, ni l'exil ne peut rendre son existence indifférente au bonheur public; et cette cruelle exception aux lois ordinaires que la justice avoue, ne peut être imputée qu'à la nature de ses crimes. Je prononce à regret cette fatale vérité... Mais Louis doit mourir, parce qu'il faut que la patrie vive. Chez un peuple paisible, libre et respecté au dedans comme au dehors, on pourrait écouter les conseils qu'on vous donne d'être généreux. Mais un peuple à qui l'on dispute encore sa liberté, après tant de sacrifices et de combats; un peuple chez qui les lois ne sont encore inexorables que pour les malheureux; un peuple chez qui les crimes de la tyrannie sont des sujets de dispute, doit désirer qu'on le venge; et la générosité dont on nous flatte ressemblerait trop à celle d'une société de brigands qui se partagent des dépouilles.

Je vous propose de statuer dès ce moment sur le sort de Louis. Quant à sa femme, vous la renverrez aux tribunaux, ainsi que toutes les personnes prévenues des mêmes attentats. Son fils sera gardé au Temple, jusqu'à ce que la paix et la liberté publique soient affermies. Pour lui, je demande que la Convention le déclare, dès ce moment, traître à la nation française, criminel envers l'humanité; je demande qu'il donne un grand exemple au monde, dans le lieu même où sont morts, le 10 août, les généreux martyrs de la liberté. Je demande que cet événement mémorable soit consacré par un monument destiné à nourrir dans le cœur des peuples le sentiment de leurs droits et l'horreur des tyrans; et dans l'âme des tyrans, la terreur salutaire de la justice du peuple.

OBSERVATIONS SUR LE PROJET ANNONCÉ AU NOM DU COMITÉ DES FINANCES, DE SUPPRIMER LES FONDS AFFECTÉS AU CULTE, ADRESSÉES A LA CONVENTION NATIONALE.

Extrait des Lettres à ses commettants.

Les questions qui tiennent aux idées politiques, morales et religieuses peuvent-elles être discutées, comme de simples questions de finance ou d'économie? Non; il est même dangereux de les présenter sous ce point de vue; car jamais la sagesse du législateur, ni celle du peuple luimême, ne doit être tentée ou distraite par l'appât de l'inté rêt pécuniaire. Le plus sacré, le plus grand de tous les intérêts, c'est celui de nos mœurs et de notre liberté; mettez d'un côté cent milliards, et de l'autre une seule raison, puisée dans la cause de la révolution et de l'ordre public, ce dernier poids fera pencher la balance.

L'abolition du culte entretenu par l'état peut être consisidérée, ou dans les principes généraux ou abstraits de la

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