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nombres (1) lui fournit d'autres points de comparaison. La vision s'opère de trois manières : par les sens, par la science, par le syllogisme elles correspondent au rayon droit, au rayon réfracté et au rayon réfléchi, images eux-mêmes des trois degrés de connaissances que peut atteindre l'homme l'une parfaite, après sa résurrection; la seconde, qui sera celle de l'âme séparée du corps, jusqu'au jour du jugement; la troisième enfin, qui est la plus faible, celle que l'homme possède sur la terre.

C'est ainsi que l'esprit se joue, au milieu de ces rapprochements sans fin, de ces comparaisons ingénieuses, produits de l'imagination sans doute, mais reposant, qu'on le remarque bien, sur des notions primitives, consacrées par des textes toujours présents à la pensée et constituant, pour ainsi dire, la trame éternelle sur laquelle le mys

(1) Les combinaisons numériques appartiennent à l'esprit bumain : nous les retrouvons dans toutes les religions, et la religion chrétienne n'a pas eu besoin de les emprunter aux autres cultes. Les nombres 1, 3, 5, 7, 12, 24, 36, consacrés déjà par l'emploi qu'en avait fait Moïse, ont été tout naturellement employés par le christianisme, et il n'est pas nécessaire de remonter à Pythagore ou à ses instituteurs, les Égyptiens et les Indiens, pour expliquer certains points de la liturgie catholique, comme, par exemple, l'emploi du nombre 7, que nous voyons dans les sept dons du Saint-Esprit, les sept sacrements, les sept branches du chandelier, les sept arts libéraux, les sept églises d'Asie, les sept sceaux mystérieux, les sept péchés capitaux, etc., etc.

ticisme a jeté ses brillantes conceptions. Sans doute, au milieu de ces interprétations et de ces explications, auxquelles pas un objet ne saurait échapper, la prudence exige que nous n'adoptions que celles qui reposent sur des raisons solides ou des faits reconnus. Il y a bien des puérilités (1), bien des erreurs quelquefois, dans ces subtilités écloses au milieu du silence des cloîtres, et qui charmaient, par une irrésistible séduction, des hommes accoutumés à voir le monde à travers les préoccupations d'une pensée unique. Mais, vraies ou fausses, justes ou hasardées, fondées ou arbitraires, elles sont universellement reçues, enseignées, et partout reproduites. C'est sous cette forme que, pendant une longue suite de siècles, s'est mainfesté tout ce qui a pu occuper la pensée humaine, la religion, la philosophie, la science, l'art; force nous est donc, sous peine de ne rien comprendre, de pénétrer le plus profondément qu'il nous sera possible dans des habitudes d'esprit dont la connaissance nous permettra de soulever quelques-uns des voiles qui couvrent le passé.

Nous pensons qu'il y a beaucoup à apprendre

(1) Nous ne pouvons prendre au sérieux, par exemple, la remarque de Hugues de Saint-Victor sur le cri du corbeau : cras, cras, indiquant, selon lui, le pécheur qui, pour faire pénitence, remet toujours au lendemain.

pour les archéologues, dans les écrits, où les écrivains auxquels on donne plus particulièrement le nom de mystiques, ont expliqué, avec les idées de leur temps, les innombrables détails dont l'ensemble constitue le symbolisme chrétien.

De tous ces écrivains, Hugues de Saint-Victor est celui qui répand le plus de lumières sur cette partie du symbolisme qui nous occupe ici plus spécialement, c'est-à-dire sur les animaux employés comme figures. Indépendamment de l'ouvrage qui a pour titre : Institutiones monastica de Bestiis et aliis rebus, imprimé parmi ses œuvres, et qui est le Bestiaire latin le plus complet que nous connaissions (1), il n'est pas un seul de ses écrits qui n'abonde en indications précieuses. Nous y attacherions moins de prix, si, comme on le pense généralement, les explications

(1) MM. Cahier et Martin, qui impriment en ce moment dans leurs Mélanges archéologiques, que nous regrettons de n'avoir pas connus plus tôt, les textes des Bestiaires latins et français, publiés d'après les manuscrits de la Bibl. nat., pensent que c'est à tort que l'on a attribué les Institutiones monasticæ à Hugues de Saint-Victor. Il nous semble difficile d'attribuer à d'autres qu'au célèbre mystique un ouvrage qui, dans quelques-unes de ses parties du moins, porte d'une manière évidente l'empreinte de son esprit. Quelle que soit l'opinion que l'on embrasse sur ce point, et nous sommes bien disposé à adopter celle de ces deux savants, si bons juges en une pareille matière, nous ferons remarquer que tous les animaux dont parle ce Bestiaire se trouvent dans la liste de ceux dont il est question dans les livres saints.

mystiques qu'il donne n'étaient que le produit de son imagination. Les études comparatives que nous avons pu faire nous ont prouvé qu'à quelques exceptions près, lui aussi n'avait fait que se conformer à des traditions depuis long-temps reçues, et dont l'origine remonte aux époques primitives que nous leur avons assignées.

Il n'est pas jusqu'à son chapitre curieux sur la colombe considérée comme l'image de l'église, des fidèles, des prédicateurs, des prélats vertueux, qui ne s'appuie sur des rapports déjà saisis et mis en lumière soit par les écrivains sacrés, soit par les plus renommés docteurs de l'Église.

Citons quelques passages de cet écrit singulier, comme exemple de cette fécondité d'aperçus et de cette subtilité de distinctions qui caractérisent le mysticisme :

« Dans la Sainte-Écriture, dit Hugues de SaintVictor, il est question de trois colombes celle de Noë, celle de David, celle de Jésus-Christ. La première est le repos; la seconde, la force; la troisième, le salut. La colombe, c'est l'Église : le bec de la colombe divisé en deux parties, emblême de la prédication, sépare les grains d'orge et les grains de froment, c'est-à-dire les maximes de l'Ancien-Testament et du Nouveau; elle a deux yeux à l'aide de l'un elle saisit le sens moral, avec l'autre, le sens mystique; de l'œil droit elle

se contemple elle-même, de l'œil gauche elle contemple Dieu; les deux ailes expriment la vie active et la vie contemplative. La colombe, c'est l'âme simple et fidèle: les deux yeux sont la mémoire, qui voit les événements passés, et l'intelligence, qui prévoit l'avenir. Les deux ailes sont l'amour du prochain et l'amour de Dieu; la compassion étend la première vers le prochain, et la contemplation étend la seconde vers Dieu. La colombe aux ailes argentées et aux plumes revêtues de l'éclat de l'or, est l'image des prédicateurs de l'Église : l'argent qui couvre ses ailes, c'est la parole de Dieu; le son de l'argent, la douceur de cette parole; sa blancheur, la pureté de la doctrine: l'or exprime l'innocence du cœur, et la pâleur de l'or la mortification des sens. Les pieds rouges de la colombe, ce sont les pieds de l'Église elle-même, qui parcourt toute l'étendue du monde, et dans cette couleur rouge est figuré le sang que les martyrs ont versé pour l'établir sur la terre. La colombe planant sur le miroir des eaux, y voit l'ombre du vautour qui fond sur elle du haut des cieux, et peut ainsi se soustraire à sa fureur; ainsi l'Église, défendue par l'Écriture, échappe aux embûches et aux attaques du démon. La couleur du safran brille dans ses yeux : image de la pensée mûrie par la réflexion; car cette couleur est celle du fruit parvenu à sa maturité.

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