Imágenes de página
PDF
ePub

XIV. L'IBIS.

<< L'ibis se nourrit de poisson pourri et de charognes. Paresseux et lâche, il n'ose aller chercher sa proie dans les eaux. Debout sur le rivage, il attend que les flots aient jeté à ses pieds quelques débris. »

[ocr errors]

Ainsi le pécheur néglige les viandes spirituelles pour les nourritures charnelles. Les bons chrétiens vont puiser dans les ondes limpides, c'est-à-dire dans les monastères, les viandes salutaires, ou les vertus qui sont la rançon de l'âme (1). »

Observations.

Nous trouvons ici bien maltraité l'oiseau que, pour de nombreux motifs, les Égyptiens avaient considéré comme sacré, et que Philippe de Thaun confond avec la cigogne :

Ibex d'oisel est nun

Que cigonie apelun (2).

médecins arabes, qui, du reste, ont emprunté une partie de leurs recettes à Élien, liv. XIV, ch. 4.

(1) Les Bestiaires donnent aussi le nom d'ibis (ibex) à un quadrupede, dont le front est armé de deux cornes tellement fortes qu'il peut se laisser tomber sur elles du haut d'une montagne sans les briser. Ces deux cornes sont encore l'image des deux Testaments. (2) Lorsque l'ibis, dit Élien, tient sa tête et son cou abaissés sur

Il rendait à l'Égypte d'importants services en détruisant les serpents et en brisant leurs œufs (1). Il faisait connaître, en augmentant ou en diminuant sa nourriture, si la lune était dans son plein ou dans son décours. Il avait enfin enseigné le moyen de remédier aux inconvénients qui résultent, pour la digestion, d'une trop grande abondance de mets (2). S'il cherchait sa nourriture dans la fange et dans les eaux fétides, il dévorait beaucoup de substances délétères ou d'insectes pernicieux. Il est vrai que le genre de vie qui lui était attribué et la nature des aliments dont il paraissait se nourrir exclusivement, avaient fait croire aux anciens que son ventre, où s'amassaient des matières putrides, finissait par produire l'œuf immonde d'où sortait le basilic (3); mais

sa poitrine, il présente aux yeux la forme d'un cœur, et, par ce motif, il était pour les Égyptiens le signe représentatif de cet organe (Élien, livre X, ch. 29). Cette explication, reproduite par Pierre Valérien (Hieroglyphiques, liv. XVII, p. 174), paraît meilleure que celle de Plutarque: « Le poids total de cet oiseau, dit-il, est de deux drachmes; et c'est précisément ce que pèse le cœur d'un enfant qui vient de naître. >>

(1) L'historien Josèphe raconte que Moïse, voyant son armée menacée par des serpents, amena avec lui en Arabie un grand nombre d'ibis qui le délivrérent en peu de temps de ces dangereux reptiles.

(2) Pline (liv. VIII, ch. 41 ) : « Rostri aduncitate per eam partem se perluens qua reddi ciborum onera maxime salubre est. » Saint Isidore expose le fait moins élégamment: « Quæ semet rostro purgat, in anum aquam injiciens » (Liv. XII, p. 84).

(3) Un préjugé répandu encore aujourd'hui parmi les habitants de

les prêtres, si l'on s'en rapporte à Élien et à Plutarque, faisaient sans crainte leurs ablutions dans l'eau dont l'ibis avait bu; car il se serait abstenu de toucher à celle qui aurait été empoisonnée.

Le Physiologus n'avait vu dans l'ibis que ce qui pouvait amener son commentaire sur la nécessité de fuir les vices et de pratiquer les vertus qu'énumère l'Épître aux Galates (1); et Guillaume, qui fait une longue paraphrase du texte latin, y ajoute quelques détails qui lui permettent de citer le texte de saint Mathieu : Dimitte mortuos sepelire mortuos suos; et d'y rattacher, tant bien que mal, une allocution aux fidèles, qu'il exhorte à lever leurs mains vers le ciel : « Quand Moïse, dit-il, levait ses mains, les Hébreux étaient vaincus ; c'était le contraire lorsqu'il les abaissait >> (2).

nos campagnes, bien qu'il ait été réfuté il y a cinq cents ans par Albert-le-Grand (De animalibus, lib. XXIV, c. 1), fait naître le basilic de l'œuf d'un coq. Vincent de Beauvais fait connaître les conditions requises pour la formation de cet œuf et la naissance du basilic (Speculum naturale, lib. XX, p. 248, col. 2). Nous trouvons le fait mentionné dans le Rhythme De gallo, publié par M. Ed. Du Méril: Poésies populaires latines du moyen âge, Paris 1847, p. 14:

Basiliscus nascitur ovis de gallorum :

Sic crescit vis dæmonis de presbyterorum

Multa negligentia, qui de subditorum

Non curant sceleribus, nec de spe cœlorum.

(1) Ch. v, v. 20 et suiv.

(2) « Et factum est, quum levabat Moses manus, invalescebat

XV. LE RENARD.

« Le goupil (renard) (1) ne vit que de vol et de tricherie. Quand la faim le presse, il se roule sur de la terre rouge et il semble être tout ensanglanté alors il s'étend dans un lieu découvert, retenant son souffle et tirant la langue, les yeux fermés et rechignant les dents, comme s'il était mort. Les oiseaux viennent tout près de lui sans défiance, et il les dévore. »

« Ainsi le démon dévore l'imprudent qui ne se défie pas de ses ruses. Mais les hommes sages qui savent apprécier les moyens qu'il emploie, c'està-dire les buveries, les ivresses et les lécheries, pour surprendre les insensés, n'ont garde de se laisser prendre dans ses pièges.

Observations.

[ocr errors]

Les nombreux récits relatifs au renard, signalé déjà par Aristote comme un animal fourbe et mal

Israel; ubi autem submiserat manus, invalescebat Amalec. » Exode, liv. XVII, v. 11. On peut consulter, sur les opinions de l'antiquité au sujet de l'ibis, une notice qui suit immédiatement le Discours préliminaire de la seconde édition des Ossements fossiles de Cuvier.

(1) Le nom de goupil (volpil), emprunté par la langue romane au latin vulpes, a fait place, comme on le sait, à celui qu'avait popularisé le succès obtenu par le Roman du Renart.

faisant, animal callidum et maleficum (1), ont fait de lui, dans tous les temps, l'emblême de la ruse, de la perfidie, de la trahison et de l'hypocrisie tromper, c'est agir en renard, vulpinari. Il n'était donc pas besoin de la célébrité que donnaient au renard les nombreux Bestiaires, pour que son souvenir fût l'objet de fréquentes allusions, et que son image fût souvent représentée parmi les sculptures emblématiques dont furent ornées les églises du moyen âge. Nous convenons sans peine que la grande épopée satirique dont il fut l'objet, a contribué, beaucoup plus que tous les ouvrages analogues à celui de Guillaume, à populariser son nom. Les attributs avec lesquels on le représente et les traits dont se compose son caractère, sont empruntés le plus fréquemment aux diverses branches du Roman du Renart (2). Mais, excepté dans les cas nombreux où, au lieu

(1) Histoire des animaux, livre I, chap. 1.

(2) On voit encore, sur le portail principal de l'église de Brandebourg, un renard en habit de moine qui prêche des oies. Vers le milieu du XIII. siècle, on faisait à Paris une procession dans laquelle un renard, couvert d'un espèce de surplis, paraissait au milieu des ecclésiastiques, la mitre et la tiare sur la tête. Non loin du chemin qu'il suivait on avait placé de la volaille; et le renard, sans respect pour l'habit qu'il portait, se jetait de temps en temps sur les poules, à la grande joie des assistants. (Collection des meilleures dissertations relatives à l'histoire de France, t. X, p. 75). Ap. Du Méril, Poésies populaires latines antérieures au XII. siècle, p. 27.

« AnteriorContinuar »