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fort tous ensemble, jusques devant l'hôtel à l'Ours, criant hautement : « Vive le Roi et le dauphin, et » le connétable, comte d'Armagnac ! » Auquel cri soudainement s'assemblèrent les Parisiens en grand nombre, armés, avec le nouvel prévôt de Paris, le sire de l'Ile-Adam, et tous les gens d'armes étant dans Paris, et vinrent vigoureusement, et de toutes parts, combattre les dessusdits. Auquel lieu y eut très âpre bataille; mais en la fin, par la grand' multitude desdits Parisiens, qui venoient de toutes parts, il fallut que ledit maréchal de Rieux et ses gens se retrahissent vers ladite bastille; non pas sans perte, car il en demeura de morts en la place de trois à quatre cents de ses meilleurs gens. Et desdits Parisiens, et de ceux de leur parti, y en mourut environ quarante hommes, entre lesquels y mourut un gentilhomme nommé Harpin de Goy, qui étoit au sire de l'Ile-Adam. En après, Barbasan et Tanneguy du Châtel, voyant leur perte de plus en plus multiplier, mirent certain nombre de gens dedans ladite bastille; et après s'en allèrent, les uns à Meaux en Brie, les autres à Corbeil, à Melun, et ès autres lieux à eux obéissants.

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Le jeudi ensuivant, Hector et Philippe de Saveuse atout (avec) deux cents combattants, arrivèrent dedans Paris, dont les autres seigneurs furent moult joyeux, et les logèrent aux Tournelles, et autres hôtels devant la bastille Saint-Antoine, où étoient encore les gens du comte d'Armagnac. Le vendredi, samedi, dimanche, et huit jours

ensuivant, vinrent audit lieu de Paris la plus grand' partie des capitaines de Picardie, atout (avec) leurs gens d'armes ; c'est à savoir, messire Jean de Luxembourg, le sire de Fosseux et ses frères, messire Jennet de Poix, le sire de Cohen, et moult d'autres, espérant qu'audit lieu de Paris trouveroient bon gagnage; mais la plus grand' partie trouvèrent le contraire de ce qu'ils avoient empensé, et fallut qu'ils payassent leurs dépens.

En outre, les dessusdits morts de la partie dudit connétable, furent par le bourrel de Paris, sur une charrette, menés hors de la ville, et enfouis aux champs, et les autres dudit parti desdits Parisiens furent notablement ensevelis, et mis en terre sainte.

Et adonc, par toute la ville de Paris, on portoit communément l'enseigne du duc de Bourgogne; c'est à savoir la croix Saint-Andrieu, laquelle par grand' espace avoit été fort déboutée dedans ladite ville.

Le samedi ensuivant, ceux de la bastille, voyant qu'ils perdoient leurs temps de la tenir, firent traité au sire de l'Ile-Adam, et autres seigneurs étant à Paris, par si qu'ils s'en iroient saufs leurs corps et leurs biens, en rendant ladite bastille: et sur ce leur fut baillé sauf-conduit, et se départi rent, comme dit est. A laquelle bastille fut commis à être capitaine, de par le roi et le duc de Bourgogne, 'le seigneur de Chauny, qui toujours avoit été léans prisonnier, depuis sa revenue de l'am

bassade par lui faite à Amiens, à la personne du duc de Bourgogne, dont en autre lieu par avant est faite mention.

CHAPITRE CXCVI.

Comment, après ladite prise de Paris, plusieurs villes et forteresses se rendirent en l'obéissance du duc de Bourgogne, et autres matières.

EN ces jours furent envoyés, atout (avec) un mandement du roi, Hector et Philippe de Saveuse, le seigneur de Crevecœur, et leurs gens vers Compiégne, et autres villes et forteresses sur les marches. Lesquels, venus audit lieu de Compiègne, firent traité avec ceux de la ville, par condition que tous ceux tenants la partie du comte d'Armagnac s'en iroient, saufs leurs bagues; et aussi que tous les habitants de ladite ville, et autres veuillants faire serment de tenir le parti du roi et du duc de Bourgogne, demeureroient paisibles. Et après qu'ils eurent promis ce à entretenir, ils furent mis dedans. Et pareillement se rendirent à eux la ville et châtel de Creil, Pont-Saint-Maxence, Moussy, le Pereux, le Pont-à-Choisy, et aucunes autres places; dedans lesquels mirent de leurs gens pour les entretenir. Et aussi se rendit en l'obéissance du roi et du duc de Bourgogne, la

ville de Noyon, pår le moyen du seigneur de Genlis, et pareillement le Pleissier, par messire Jean de Roye, et moult d'autres villes et forteresses comme Laon, Corbeil, Soissons, Chauny-sur-Oise, Gisors, et aucunes autres.

En la ville de Creil fut mis un gentilhomme nommé le Bugle de Grouches, pour la garder, et entra en icelle ville atout (avec) huit hommes tant seulement. Si étoient dedans la forteresse le comte de Ventadour, le seigneur de Château-Morant, et messire Charles de Saint-Sauflieu, atout (avec) certain nombre de gens d'armes, lesquels tenoient le parti du comte d'Armagnac. Lesquels furent, par le moyen du dessusdit Bugle de Grouches et de la communauté d'icelle ville, contraints à rendre ladite forteresse , par condition qu'ils s'en allèrent saufs leurs corps et leurs biens ; et en demeura icelui Bugle capitaine certain espace de temps.

En outre, quant est à parler de l'état et gouvernement de Perrinet Leclerc et ses complices, qui avoient livré la ville de Paris, comme vous avez ouï ci-dessus, commencèrent à lever et tenir très grand état ; et eurent par aucun peu de temps grand' autorité; mais en la fin demeurèrent aussi pauvres et méchants que par avant ils avoient été.

En après, ceux de la ville de Péronne, qui avoient toujours tenu et encore tenoient la partie du roi, de son fils le dauphin et du comte d'Armagnac, quand ils ouïrent les nouvelles de la prise de Paris et la reddition de plusieurs autres bonnes villes, fu

rent fort émerveillés, et eurent grand doute, attendu qu'ils étoient près des pays et puissance du duc de Bourgogne, d'être pris d'assaut, ou du moins assiégés. Si se mirent ensemble, et conclurent d'envoyer devers le comte de Charrolois et son conseil, afin qu'ils pussent être reçus à eux mettre en l'obéissance du roi et du duc de Bourgogne ; et sur ce envoyèrent leurs ambassadeurs devers ledit Charrolois, jà-soit-ce que messire Thomas de Hersies, bailli de Vermandois les exhortât fort à tenir le parti du dauphin. Lesquels ambassadeurs, c'est à savoir maître Oudard Cuperiel, un chanoine de Saint-Foursy, et aucuns autres, traitèrent tant devers les dessusdits comte de Charrolois et son conseil, qu'icelle ville se rendit en son obéissance; et nonobstant que les gouverneurs et habitants d'icelle ville eussent promis de non faire traité au préjudice dudit messire Thomas, néanmoins il fut pris et mené à Laon, et là décapité; et pareillement furent exécutés Jean de Brunencourt son lieutenant, et Alard de Vertigneul.

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