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de Saint-Marc alla à Paris. Auquel lieu, en la présence du roi, de son conseil et du connétable il proposa l'état de son ambassade, et le bien qui pouvoit venir par le moyen de la paix. Etaprès qu'il eut été dedans Paris grandement honoré par les seigneurs dessusdits, il s'en retourna audit lieu de Montereau devers lesdits ambassadeurs. Auquel lieu il demeura lui et le cardinal d'Ursin durant ladite ambassade; et alloient chacun jour avec lesdits ambassadeurs au moûtier de la Tombe, là où les parties convenoient ensemble, et tant y continuèrent qu'ils furent d'accord. Et fut la paix faite et jurée par lesdits ambassadeurs, présents les deux cardinaux dessusdits, par condition que chacune des parties reporteroit par écrit devers ses souverains le traité tel comme ils l'avoient fait ; et s'il ne leur étoit agréable, chacune des parties demeureroit en tel état comme devant, sans avoir paix ni trèves. Et ainsi s'en retournèrent les uns à Paris devers le roi et le connétable, et les autres à Troyes devers la reine et le conseil du duc de Bourgogne.

Lequel traité dessusdit montré à elle et à son conseil, l'eut très bien pour agréable. Et tantôt fut envoyé en Bourgogne devers ledit duc pour le visiter, et savoir s'il en étoit content; sur lequel, en la présence de son conseil, fit réponse qu'il le tenoit pour bon sans y rien excepter, et que volontiers il jureroit et feroit jurer ceux de sa partie de l'entretenir. Et pareillement les ambassa

deurs du roi et du connétable, retournés à Paris, montrèrent la copie du traité qu'ils avoient fait, au roi, au dauphin, et à aucuns notables de leur conseil et de ceux de la ville. Lesquels, après qu'ils l'eurent vu et ouï, furent assez contents que le roi le scellât. Mais quand il fut montré au comte d'Armagnac, connétable, au chancelier, au prévôt de Paris, et à Remonnet de la Guerre, ils l'eurent du tout pour désagréable, et dirent tout pleinement que jà ne seroient en lieu où le roi l'accordât tel qu'il étoit ; et même dit le chancelier que le roi le scellât s'il lui plaisoit, et que jà il ne le scelleroit.

Pour lesquelles réponses, l'évêque de Paris, plusieurs notables bourgeois de la ville, et autres du conseil du roi et du dauphin, ayant grand désir d'avoir paix, furent pour lesdites réponses moult émerveillés, et pour tant conseillèrent au dauphin qu'il tînt au Louvre un conseil pour ladite paix, lequel il tint; mais oncques ledit connétable n'y voulut aller, et dit que ceux qui conseilloient telle paix étoient traîtres. Finablement, par le moyen des contradictions dessusdites, tout fut rompu ; et demeurèrent les parties dessusdites en tel état comme devant, sans avoir trèves ni paix ensemble ; pourquoi plusieurs Parisiens et autres du conseil du roi conçurent grand' haine contre icelui connétable. Néanmoins il envoya ses gens devant les forteresses de Mont-le-Héry et de Marcoussy, que tenoient les gens du duc de Bourgogne, qui

furent contraints de les rendre et délivrer en la main dudit connétable, lequel y mit garnison de ses gens au nom du roi.

CHAPITRE CXCIV.

Comment Henri, rci d'Angleterre, conquit plusieurs villes en Normandie cette saison; et la prise du comte de Harcourt, par son cousin, messire Jacques de Harcourt.

En ce même temps Henri, roi d'Angleterre, comme dit est ailleurs, étoit à grand' puissance au pays de Normandie, et conquêtoit villes et forteresses; car peu ou néant trouvoit qui fit résistance contre lui, pour la division des François. Et se mirent en cette saison, en son obéissance, les villes d'Évreux, Falaise, Bayeux, Lisieux, Coutances, Avranches, Saint-Lô et plusieurs autres villes. Pour la doute duquel roi, le comte de Harcourt s'étoit lors retrait atout (avec) son état dedans son châtel d'Aumarle. Auquel lieu, un certain jour vint devers lui pour le voir et lui faire révérence, comme il montroit semblant, son cousin messire Jacques de Harcourt, lequel avoit avecque lui bien soixante combattants; et de fait appensé (prémédité), vint descendre à la porte dudit châtel; laquelle, quand on le reconnut, lui fut ouverte, et par les of ficiers dudit comte lui fut fait grand honneur. Et

adonc atout (avec) une partie de ses gens entra dedans, et alla devers ledit comte, lequel lui fit très joyeuse chère, disant : « Beau cousin, vous » soyez le bien-venu. >>

Or avoit ledit messire Jacques ordonné aucuns de ses gens à venir dedans le châtel, après ce qu'ils auroient logés leurs chevaux dedans la ville. Lesquels venus dedans assez bref, ledit messire Jacques, après ce qu'il eut avecque ledit comte plusieurs devises des guerres de France, lors voyant son point, prit ledit comte de Harcourt par la main, en lui diMonseigneur, je vous fais prisonnier du » roi. » Et adonc ledit comte, moult ébahi, lui dit : << Beau cousin, que dites-vous, je suis au roi comme » vous savez, et n'ai rien fait en son préjudice ni » contre sa majesté.

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Toutefois, nonobstant excusations, lignage ou autres choses, il fut détenu prisonnier et mis par ledit messire Jacques en bonne et sûre garde; et le lendemain, après que ledit messire Jacques eut pris tous les biens portatifs de ladite forteresse, et qu'il eut commis gens de par lui pour la garder, il se partit et emmena ledit comte de Harcourt prisonnier au châtel de Crotoy. Duquel comte il eut entre les autres choses un moult bon cheval fauvel, à courte queue, qui depuis fut renommé d'être bon et excellent pour la guerre. Et depuis ce jour en avant demeura ledit comte prisonnier toute la vie durant dudit messire Jacques, mais il fut par plusieurs fois transporté de châtel en autre ; et étoit

commune renommée qu'il étoit ainsi détenu prisonnier par le consentement de Jean de Harcourt, son fils, comte d'Aumarle.

CHAPITRE CXCV.

Comment la ville de Paris fut prise par les gens du duc de Bourgogne, et se tournèrent les Parisiens de ce côté ; et ce qu'il en advint à cette cause.

Vous avez bien ouï ci-dessus recorder comment les Parisiens n'étoient pas bien contents du comte d'Armagnac, connétable de France, ni des autres gouverneurs du roi, pource principalement qu'ils n'avoient pas voulu entretenir le traité dernièrement fait avec le duc de Bourgogne, comme cidessus est plus à plein déclaré. Lequel duc et sa puissance moult doutoient iceux Parisiens, et véoient bien que s'il n'étoit réconcilié avec le roi et le dauphin ils demeureroient longuement en la tribulation où ils étoient. Et aussi en y avoit grand' partie qui fort l'aimoient, et désiroient qu'il eût le gouvernement, mais bonnement n'y savoient comment pourvoir; car moult étoient de près gardés, et ne s'osoient ou pouvoient mettre ensemble pour communication l'un avec l'autre, parce que les gouverneurs dessusdits étoient toujours fort fournis de

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