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de Picardie; lesquels tous ensemble, en une moult belle ordonnance, ayant avant-garde, arrière-garde et bataille, chevauchèrent tant, qu'ils vinrent et approchèrent à une lieue près de la ville de Senlis.

Et adonc le comte d'Armagnac, connétable de France, tenant son siége devant ladite ville de Senlis, ouït certaines nouvelles par ses gens, qu'il avoit envoyés sur les champs, que les seigneurs de Picardie, par dessus nommés, s'approchoient à grand' puissance pour les combattre ; et pour ce, sans délai, fit armer tous ses gens, et mettre en bataille aux pleins chanips, afin qu'il ne fût envahi en son logis.

Et adonc ceux de la ville, voyant les assiégeants être en effroi, environ le point du jour, dont le lendemain devoient livrer la ville s'ils n'avoient secours, en grand' hardiesse et par ordonnance saillirent hors de ladite ville, et boutèrent le feu en plusieurs lieux ès tentes et logis dudit connétable; et avec ce prirent et tuèrent plusieurs malades, marchands et autres qu'ils trouvèrent audit logis, atout (avec) lesquels et foison de biens ils retournèrent sans perte dedans ladite ville, à la vue de leurs ennemis.

Pour laquelle envahie, ledit connétable, après ce que très matin les eut fait sommer de rendre ladite ville, comme promis l'avoient, et qu'ils eurent fait réponse que encore n'étoit pas heure passée de la rendre, fit couper les têtes à quatre des otagers. et puis les fit écarteler et pendre au gibet. Desquels

quatre y avoit deux gentilshommes, l'un nominé Guillaume Mauchecler, et l'autre, Baudart de Vangles; et si y avoit deux bourgeois, l'un nommé Guillaume Estale, et l'autre maître Jean de Beaufort, avocat du roi en ladite cité. Et les deux autres otages, dont il en y avoit six, furent menés à Paris prisonniers, dont l'un étoit nommé sire Jean Durant, prêtre, et l'autre étoit religieux de SaintVincent. Pour la mort desquels ceux de ladite cité de Senlis, firent couper les têtes à seize des gens dudit connétable; et si en y eut deux pendus, et deux femmes noyées.

Et lors le comte d'Armagnac, connétable, chevaucha tout en bataille vers le Pas-de-Larron, entre Creil et Gouvieux, attendant ses ennemis; et envoya aucuns de ses capitaines quérir le roi qui etoit à Creil, afin de le faire chevaucher le chemin de Paris. Et adonc les dessusdits messire Jean de Luxembourg et le seigneur de Fosseux, atout (avec) leurs gens avoient si fort chevauché, qu'ils étoient aussi avant que le roi. Et là s'assemblèrent en un lieu nommé l'Escoing, auquel devoit passer le roi et sa puissance. Et assez tût après s'apparut l'avantgarde du connétable, et prestement les coureurs, tant d'un côté comme d'autre, commencèrent très fort à l'escarmoucher l'un comme l'autre ; et y ent plusieurs lances rompues, hommes d'armes portés par terre, occis et navrés piteusement. Et incontinent le roi et le connétable envoyèrent deux hérauts devers les seigneurs dessusdits, savoir quels

gens ils étoient, et quoi ils demandoient. Auxquels fut faite réponse par ledit de Luxembourg, disan! : « Je suis Jean de Luxembourg, et avec moi le sire » de Fosseux, et plusieurs autres seigneurs, qui » sommes ci envoyés de par ledit duc, pour scrvir » le roi et faire secours à la bonne cité de Senlis » à l'encontre du comte d'Armagnac, lequel nous » sommes tous prêts de combattre avec tous ses >> aidants, s'il nous veut livrer place, et non contre le roi; car nous sommes prêts de le servir » comme ses loyaux vassaux et sujets. »

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Après lesquels réponses ainsi faites, lesdits herauts s'en retournèrent devers le roi et le connétable, portant les réponses devant dites. Et adonc ledit connétable dit haut et clair: «<< Puisque pas » n'est ici le duc de Bourgogne ou son fils, nous ne pouvons pas grandement gagner. Je conseille » que nous nous retrayons; car ce sont compagnons >> aventuriers qui ne demandent qu'à gagner, et ne sont pas grandement riches. » Et aussi ledit connétable avoit déja ouï nouvelles par aucuns de ses gens, que Charlot de Deuilly, devant nommé, et les autres capitaines étoient en grand nombre vers Dammartin en Goëlle. Pourquoi, sans allarger (tarder) grandement, fit chevaucher le roi et tous ses autres gens en ordonnance vers Paris; et mit certain nombre de ses meilleurs combattants derrière, pour soutenir et garder que ses ennemis nelui baillassent aucun empêchement. Et ainsi, sans arrêter en nulle place, ni autre chose faire, s'en re

tourna le roi Charles, et le comte d'Armagnac, son connétable, dedans Paris, dont plusieurs Parisiens furent très mal contents, et murmurèrent très fort à l'encontre dudit,connétable. Pareillement messire Jean de Luxembourg, le seigneur de Fosseux et leurs gens, très joyeux de ce qu'ils avoient achevé ce pourquoi ils étoient venus, sans perte ni inconvénient, s'en retournèrent à Pontoise en grand' joie et liesse.

Tant qu'est à parler des escarmouches qui furent faites ledit jour, et qui les fit et entretint, il seroit trop long à raconter et écrire ; mais pour vrai, tant d'un côté comme d'autre, en y eut plusieurs qui s'y gouvernèrent vaillamment. Et menoit le sire de Miraumont les archers Picards; lequel, comme il lui avoit été enjoint et enchargé, les tint en bonne ordonnance. Et après que les dessusdits de Luxembourg et Fosseux furent rafraîchis à Pontoise, se départirent atout (avec) leurs gens, et allèrent chacun en son propre lieu. Pour lequel voyage, tant du duc de Bourgogne et du comte de Charrolois, comme de tous autres tenants cette partie, furent fort recommandés, et leur fut imputé à vaillance très excellente.

Et en après, le bâtard de Thien, général capitaine de Senlis, Trouillard de Maucaurel, messire Mauroy

de Saint-Léger, et aucuns autres gouverneurs de ladite ville, qui y avoient été le siége durant, dedans, la firent très fort réparer, c'est à savoir les tours, portes et murailles, que ledit connétable

avoit par ses engins fait abattre ; et depuis commencèrent à mener plus forte guerre aux gens du roi, qu'ils n'avoient fait par avant.

CHAPITRE CXCIII.

Comment les Cardinaux d'Ursin et de Saint-Marc vinrent en France pour apaiser les seigneurs ; et de la paix qui fut traitée à Montereau, et non tenue.

EN ces propres jours, le duc de Bourgogne étant en son pays de Bourgogne, vinrent devers lui les cardinaux d'Ursin et de Saint-Marc, envoyés de par notre saint père le pape en France, pour apaiser la dissension qui étoit entre le roi et son fils d'une part, et la reine et le duc de Bourgogne d'autre part. Auxquels cardinaux ledit duc fit grand' révérence, et les festoya grandement. Et après que ledit duc leur eut dit et remontré qu'il étoit prêt de faire paix à tous ceux qui la vouloient, et pour cette cause il avoit envoyé ses ambassadeurs à Bray-sur-Seine, devers les gens du roi, pour ter de paix, ils se départirent du pays de Bourgogne, et par Troyes allèrent audit lieu de Bray sur Seine et de Montereau, où ils furent des ambassadeurs, tant d'un côté comme d'autre, très joyeusement reçus et honorés ; et de là le cardinal

CHRONIQUES DE MONSTRELET. - T. IV.

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