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demi-lieue ou environ de Paris, attendant les nouvelles de ses gens. Et quand il fut averti que son entreprise étoit aperçue, tantôt remanda ses gens de Saint-Marcel, atout (avec) lesquels s'en retourna à Mont-le-Héry, toujours en sa compagnie le jeune comte de Saint-Pol, son neveu.

Auquel lieu de Mont-le-Héry il congéa (congédia) tous ses gens Picards; c'est à savoir, messire Jean de Luxembourg, le seigneur de Fosseux, et tous les autres capitaines par avant nommés, et leur ordonna les frontières et villes où ils se tiendroient l'hiver durant. Premier, fut à messire Jean de Luxembourg baillée en garde la ville de Mont-Didier et les marches à l'environ; et Hector et Philippe de Saveuse furent mis atout leurs gens dedans Beauvais ; le bâtard de Thien fut constitué capitaine de Senlis ; et à Pontoise et Meulan, demeurèrent le sire de l'Ile-Adam et le sire de Cohen; et aucuns autres s'en retournèrent en leurs propres lieux en Picardie et autres marches; et icelui duc de Bourgogne, dudit lieu de Mont-leHéry, retourna à Chartres.

Et après ce qu'il eut ordonné capitaines et gouverneurs en icelle ville et autres au pays à l'environ, se partit de là avec la reine et ses Bourguignons pour aller à Troyes en Champagne, prenant leur chemin en tirant vers Joigny; sur lequel chemin furent poursuivis par le comte d'Armagnac, connétable de France. Lequel, atout grand' puissance de gens d'armes, se mit sur les champs, sur

intention de combattre ledit duc, s'il eût vu son avantage. Et de fait, quand la reine et ledit duc de Bourgogne furent logés dedans Joigny, aucuns des capitaines du connétable, atout trois cents combattants ou environ, allèrent férir au logis du seigneur de Vergy et des autres Bourguignons, et là firent grand effroi et esparpille. Pourquoi tout l'ost dudit duc fut ému, et incontinent, à (avec) toute sa puissance se mit aux champs; et ordonna certain nombre de combattants à poursuivir les dessusdits, lesquels les rechassèrent très roidement jusques assez près de la bataille dudit connétable, qui étoit environ une lieue près dudit Joigny ; et fut le seigneur de Château-Vilain, l'un des principaux à ce commis par ledit duc, qui plus longuement les poursuivit. Et après le retour d'iceux, furent commis plusieurs hommes d'armes à faire bon guet; et quand ils eurent séjourné cinq jours dedans Joigny, ils s'en allèrent audit lieu de Troyes, où ils furent grandement et honorablement reçus par les habitants et officiers de ladite ville; et fut la reine logée dedans l'hôtel du roi son seigneur, à laquelle furent payées à la ville de Troyes toutes les rentes et subsides appartenant au roi, et aussi ès autres lieux étant en l'obéissance dudit duc de Bourgogne.

Auquel lieu de Troyes fut mandé le duc de Lorraine, par le conseil et enhort dudit duc de Bourgogne, lequel là venu, fut, par la reine, constitué et fait connétable de France; et pour ce

faire, lui fut bâillée une épée en faisant le serment accoutumé, et aussi en déposant et en destituant le comte d'Armagnac. Et alors le duc de Bourgogne donna congé à la plus grand' partie des seigneurs de Bourgogne, et se tint dedans la ville de Troyes la plus grand' partie de l'hiver, et constitua sur les marches et frontières de Champagne Jean d'Aubigny, Jean du Clau et Clavin son frère atout grand' quantité de gens d'armes, lesquels, en plusieurs et divers lieux, firent forte guerre aux gens du connétable.

CHAPITRE CLXXXIX.

Comment Jean de Bavière fit guerre à la duchesse sa nièce, au pays de Hollande, et les conquêtes que faisoit Henri, roi d'Angleterre, en la duché de Normandie.

DURANT les tribulations dessusdites, Jean de Bavière faisoit forte guerre à la duchesse Jacqueline sa nièce, et prirent ses gens en ce temps la ville de Gorcamp en Hollande; mais aucunes tours demeurèrent, et se tinrent en l'obéissance de ladite duchesse. Laquelle, oyant nouvelle de ladite prise, assembla tantôt grand foison de gens d'armes, lesquels, en la compagnie de la comtesse de Hainaut, sa mère, elle mena par navire à la ville de Gorcamp, qui sied sur la mer. Et de fait, par l'aide de ses gens

qui étoient ès tours dessusdites, se bouta dedans, et fit combattre les gens dudit Jean de Bavière son oncle, qui en assez bref terme furent tournés à déconfiture, et tant morts que pris de cinq à six cents, entre lesquels de ceux qui furent pris, étoit le principal le damoiseau d'Erke; et de la partie d'icelle duchesse у fut mort Waleran de Brederode, tant seulement, lequel étoit moult vaillant et chef principal de tous ses gens touchant le fait de ladite guerre, dont eut moult grand' déplaisance; et depuis fit trancher les têtes à aucuns de ceux qui avoient été pris prisonniers, pour ce qu'ils s'étoient parjurés envers elle.

En après, pour apaiser le discord entre les parties, Philippe, comte de Charrolois, seul fils du duc de Bourgogne, alla au pays de Hollande, où moult se travailla à aller d'un côté et d'autre, c'est à savoir devers son oncle et sa cousine germaine; mais pour diligence qu'il en fit ne les put oncques concorder, et pourtant s'en retourna en Flandre.

Auquel temps aussi le roi d'Angleterre, qui étoit à grand' puissance en la duché de Normandie, conquéroit villes et forteresses, et peu trouvoit qui contre lui se défendît, car les gens du roi de France étoient retraits à Paris devers le connétable, et en autres lieux à l'environ, pour résister contre la puissance dudit duc de Bourgogne, comme dit est ailleurs. Si vint devant la ville de Caen, qui étoit monit puissante et bien peuplée, laquelle il assié

CHRONIQUES DE MONSTRELET.

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gea et fit assaillir par divers assauts, où moult perdit de ses gens; mais en la fin tant continua, queladite ville par force fut prise. Et furent morts bien six cents des défendants. Et depuis se tint la forteresse environ trois semaines. Dedans laquelle étoit le seigneur de la Fayette', le seigneur de Montenay, et messire Jean Bigot, qui la rendirent moyennant qu'ils eussent sûreté du roi d'Angleterre de eux partir saufs leurs corps et leurs biens.

Après laquelle conquête, ledit roi fit assiéger par son frère, le duc de Glocestre; la forte ville et châtel de Cherbourg, qui étoient les plus fortes places de toute la duché de Normandie, et les mieux pourvues de vivres et habillements de guerre; et y fut le siége environ dix mois. En la fin duquel temps la rendit messire Jean d'Engennes, qui en étoit capitaine, moyennant qu'il en eut certaine somme d'argent au partir, et bon sauf-conduit pour aller où bon lui sembleroit; atout lequel il alla depuis en la cité de Rouen, quand elle fut conquise par lesdits Anglois; et là séjourna tant que sondit sauf-conduit fut passé sur la fiance d'aucuns seigneurs Anglois, qui lui donnèrent à entendre qu'ils lui feroient rallonger. Mais au derrain ( à la fin ) il en fut trompé, et lui fit le roi d'Angleterre trancher

1. Gilbert III, seigneur de la Fayette, maréchal de France, conseiller et chambellan du roi et du dauphin, et sénéchal de Bourbonnois.

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