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gardant et aidant garder en leurs priviléges, franchises et libertés anciennes ; la seconde, que s'il y avoit aucuns qui eussent écrit ou écriroient en temps avenir contre ledit saint collége ou le pape, qu'il n'y voulsît point ajouter de foi; la tierce, que mondit seigneur voulsît avoir pour agréable ce qui se feroit par ledit saint collége, tant sur. le fait d'élection comme sur la réformation de sainte église. » Au bout de laquelle cédule, ledit Nevelin avoit mis son seing manuel.

CHAPITRE CLXXXV.

Comment icelui duc de Bourgogne alla loger devant Corbeil, et depuis à Chartres, et alla en Touraine au mandement de la reine de France, qui s'en vint avec lui.

OR est ainsi que après ce que le duc de Bourgogne eut reçu l'obéissance du châtel de Mont-le-Héry, et le refourni de ses gens, il se départit atout (avec) son ost, et alla mettre le siége devant la ville de Corbeil; c'est à savoir vers le lez (côté) de Montle-Héry tant seulement, et là fit asseoir ses gros engins en plusieurs parties pour icelle dommager. Mais ceux de la ville, qui étoient fort garnis de gens d'armes, que le connétable et le conseil du roi leur avoient envoyés, défendirent grandement et bien ladite ville contre ledit duc de Bourgogne

et son armée, et par plusieurs fois lui occirent de ses gens, de traits, canons et autres habillements de guerre, que continuellement ils jetoient en son ost. Et chacun jour, tant par terre comme par eau, venoient dedans ladite ville gens de par le connétable atout (avec) vivres, habillements de guerre et autres choses nécessaires pour icelle défendre.

Finablement, après que ledit duc de Bourgogne eut été trois semaines ou environ devant la ville de Corbeil, voyant qu'il ne la pouvoit subjuguer ni avoir, et aussi que ses gens étoient moult fort travaillés, tant pour les grands pluies qu'il faisoit chacun jour comme pour la mortalité qui étoit prise en son ost, se départit le vingt-huitième jour d'octobre, et leva son siége de devant Corbeil, prenant son chemin vers la ville de Chartres. Auquel logis de Corbeil ledit duc laissa aucuns de ses gros engins et autres habillements de guerre, avec grands provisions de vivres que plusieurs marchands avoient amenés en l'ost. Lesquelles choses, tantôt après le département devantdit, furent mises dedans ladite ville par les assiégés; lesquels grandement furent joyeux quand ils se virent délivrés de leurs ennemis. Auquel logis de devant Corbeil messire Mauroy de Saint-Léger, fut féru d'un vireton parmi la jambe si angoiseusement, qu'il en fut affollé ( estropié), et en clocha toute

sa vie.

Et la cause pour quoi ledit duc se délogea si hâtivement, fut pour ce que la reine de France,

qui étoit à Tours en Touraine, lui avoit fait savoir secrètement par un sien féable serviteur, qu'il voulsît aller devers elle pour la ramener avec lui; car moult étoit courte tenue et en grand danger. Sur laquelle requête icelui duc avoit envoyé un sien secrétaire, nommé maître Jean de Drosay, pour sur ce prendre avis et conclusion. Lequel traita tant avec ladite reine, qu'elle promit d'elle s'en venir avec ledit duc, au cas qu'il iroit devers elle pour la quérir. Et pour plus grand' sûreté, bailla audit secrétaire un sien signet d'or à porter à son maître le duc ; lequel signet il reconnut bien, car plusieur fois il l'avoit vu. Et sur ce, quand il fut venu à Chartres la nuit de la fête de Toussaints, atout la plus grand' partie de ses seigneurs et capitaines de sa compagnie, et aussi de ses gens d'armes les mieux montés et habillés, se partit soudainement; et par Bonneval et Vendôme s'en alla hâtivement devers Tours. Et quand il vint à deux lieues près, envoya devant les seigneurs de Fosseux et de Vergy, atout huit cents combattants, qui se mirent en embûche à demi-lieue près. Et derechef envoyèrent un certain message devers la reine, lui noncer la venue dudit due; pourquoi, incontinent qu'elle ouït les nouvelles, appela maître Jean Torel, maître Jean Petit, et maître Laurent du Puis, qui étoient ses principaux gouverneurs, auxquels elle dit qu'elle vouloit aller ouïr la messe à une église dehors la ville, nommée Marmoutier, et qu'il se préparassent pour aller CHRONIQUES De Monstrelet. T. IV.

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avec elle; lesquels de ce faire lui désenhortèrent. Néanmoins elle issit brièvement hors de Tours, et les mena avec elle à ladite église; et tôt après les dessusdits seigneurs allèrent devers icelle église, et envoyèrent devers la reine Hector de Saveuse atout soixante combattants. Et lors les dessusdits gouverneurs vinrent tantôt devers elle, où elle oyoit la messe, et lui dirent: «< Dame, veci grand' compagnie de Bourguignons ou Anglois. » Et elle, qui rien ne doutoit, leur dit qu'ils se tinssent près d'elle, et adonc ledit Hector de Saveuse entra et la salua de par son seigneur le duc de Bourgogne; laquelle demanda où il étoit, et il lui répondit qu'il venoit tantôt vers elle. Après lesquelles paroles elle commanda audit Hector, que les dessusdits Torel, Picard et maître Laurent du Puis, étant emprès elle, fussent pris. Lequel maître Laurent elle avoit en grand' haine; car il parloit à elle irrévéremment, sans mettre la main à son chapperon, et sans lui faire autre révérence ; et ne pouvoit ladite reine rien besogner ni accorder que ce ne fût par le consentement du dessusdit maître Laurent.

Et pour ce qu'il vit que pas ne pouvoit issir lui sauver, pour il entra en une petite nef par derrière l'église pour passer l'eau ; mais il se noya, tant eut grand' hâte, et les autres furent pris.

Et fut cette assemblée environ neuf heures du matin; et ledit duc de Bourgogne vint environ onze heures devers la reine, à laquelle il fit grand'

révérence, comme il appartenoit, et elle à lui, disant: « Très cher cousin, outre tous les hommes >> du royaume vous dois aimer, quand à mon man>> dement avez tout laissé et m'êtes venu délivrer » de prison; pour quoi, mon très cher cousin, » jamais je ne vous faudrai, car bien vois que toujours avez aimé monseigneur, sa génération, son royaume, et la chose publique.

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Après ils dînèrent ensemble en ladite église en grand' liesse; et après dînée, la reine manda à ceux de Tours, qu'elle et son cousin le duc de Bourgogne vouloient entrer dedans la ville; mais, par l'enhort (conseil) du capitaine d'icelle, ceux de Tours tardèrent un petit. Toutefois en la fin ils accordèrent ce qu'elle demandoit; et ledit capitaine se retrahit dedans le châtel, et ladite reine, et le duc de Bourgogne, atout leurs gens, entrèrent en la ville. Auquel lieu fut faite grand' chère au duc et grand honneur. Et après, la reine manda le capitaine par sauf-conduit; auquel elle requit et commanda qu'il lui rendît la forteresse; laquelle chose il fit, mais très enuis (avec peine) ce fut.

Et après que le duc eut séjourné trois jours avec la reine, il commit capitaine de la ville et du châtel Charles Labbe, atout deux cents combattants, lequel fit serment de la bien garder pour et au nom dudit duc de Bourgogne. Lequel serment il ne tint ni garda, car dedans l'an ensuivant il rendit ladite ville et forteresse en l'obéissance du dauphin, et en demeura lui-même capitaine, faisant à icelui

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