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le Mont-Rouge, et ses gens autour de lui; auquel lieu le pouvoient voir tout à plein ceux de Paris. Et y avoit si grand nombre de tentes, que ce sembloit une grande bonne ville. Et lors par icelui duc fut envoyé messire Jean de Luxembourg, avec tous ses gens, loger à la ville de Saint-Cloud et devant le pont. Auquel lieu fit assaillir une petite tour qui étoit au bout du pont vers la ville, laquelle fut assez tôt prise et mise en feu ; et aussi les moulins qui étoient au-dessous furent ars. Et tantôt après on dressa grosses bombardes devant ladite tour de Saint-Cloud, qui grandement la dommagèrent en plusieurs lieux; mais pour tant elle ne fut pas prise; car chacun jour venoient gens tous nouveaux de Paris pour la défendre. Et après que le duc de Bourgogne eut été huit jours logé sur le Mont-Rouge, il se départit et tout, son ost, et alla loger plus avant une lieue en tirant sur Paris, sur une montagne où il y avoit un arbre sec, sur lequel il fit mettre son étendard ; et pour ce fut ce logis nommé l'Arbre-Sec. Et y fut ledit due bien huit jours; et plusieurs de ses gens étoient logés ès villages assez près de Paris; dont il advenoit que chacun jour couroient devant Paris. Et ceux qui en ladite cité étoient en garnison, sailloient souvent à l'encontre; pour quoi il y avoit souvent de grands escarmouches entre icelles parties, combien que d'un côté et d'autre n'y eût pour ce temps guères grand' perte. Mais ceux de l'ost, souvent et en plusieurs parties couroient le plat pays jus

ques à sept ou huit lieues à l'environ, et là prenoient et ramenoient à leur ost, chevaux, vaches, brebis, pourceaux et tous autres biens portatifs, dont le pauvre peuple et le pays étoient fort travaillés.

CHAPITRE CLXXXIV.

Cominent le dessusdit duc de Bourgogne envoya son héraut à Paris devers le roi; la réponse qu'il eut, et du siége de Mont-le-Héry, et autres matières.

DURANT le temps que ledit duc de Bourgogne étoit logé à l'Arbre Sec, sur le mont de Châtillon, devant ladite ville de Paris, envoya un sien héraut, nommé Palis, qui depuis fut roi d'armes de Flandre, atout (avec) ses lettres, vers le roi et le dauphin. Mais quand il vint à la porte, fut mené devers le comte d'Armagnac et le conseil du roi, lesquels le firent parler audit dauphin, qui étoit instruit par iceux de la réponse qu'il devoit faire à icelui héraut qui lui bailla ses lettres, pour ce qu'il ne pouvoit parler au roi ; et lui dit, en bref, la charge qu'il avoit de par son seigneur le duc. Auquel répondit ledit dauphin, par grand courroux : « Hé>> raut, contre la volonté de monseigneur le roi » et de nous, ton seigneur de Bourgogne jà pieça a dégâté son royaume en plusieurs lieux. En

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» continuant jusques à maintenant de mal en pis, » il montre mal qu'il soit notre bienveillant,

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comme il nous écrit ; et s'il veut que monsei>> gneur, et nous, le tenons pour notre parent loyal, vassal et sujet, il aille combattre et dé» bouter le roi d'Angleterre, ancien ennemi de >> ce royaume, et après retourne devers monsei>> gneur le roi, et il sera reçu. Et ne dis plus que monseigneur le roi et nous soyons en servage à » Paris de nulle personne, car nous sommes tous » deux en notre pleine liberté et franchise; et garde que tu lui dises publiquement devant ses » gens, ce que te disons.

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Après lesquelles paroles, ledit héraut s'en retourna devers son seigneur le duc de Bourgogne, et lui raconta les paroles que lui avoit faites le dauphin, desquelles le duc de Bourgogne ne fit pas grand semblant de courroux, considérant que c'étoit par l'induction de ceux qui gouvernoient

le roi.

En après, ledit duc, voyant qu'il n'entreroit pas dedans Paris, et que ceux à lui favorables ne pouvoient achever ce qu'ils lui avoient mandé, se délogea de l'Arbre-Sec, et s'en alla à (avec) tout son ost mettre le siégedevant le châtel de Mont-le-Héry; mais les assiégés, sachant la puissance dudit duc de Bourgogne, pensant qu'ils n'auroient nul secours, firent traiter avec ledit duc , par si qu'ils se partiroient et lui rendroient ladite forteresse en dedans les huit jours ensuivant, au cas que le

roi ou le connétable ne les secourroit. Lequel traité ils firent savoir audit connétable; mais ce rien n'y valut, car ils n'eurent point de secours ; pour quoi ils livrèrent la forteresse audit duc de Bourgogne, comme promis l'avoient.

Et pareillement se rendit en l'obéissance du duc de Bourgogne, le château de Marcoussy, Dourdan, Palaiseau, et aucunes autres forteresses à l'environ. Et aussi ledit siége de Mont-le-Héry durant, furent envoyés par ledit duc de Bourgogne aucuns de ses gens devant le château Doursay; lesquels se logèrent en la ville et devant ledit châtel; auquel lieu ils affutèrent aucuns canons pour icelle abattre et subjuger. Mais les gens du connétable, en grand nombre, vinrent vers le point du jour au logis d'iceux, desquels ils prirent et occirent une grand' partie; et les autres allèrent au logis du duc de Bourgogne, très fort criant à l'arme, et disant que les ennemis venoient en grand' puissance. Pourquoi icelui duc hâtivement se tira en plein champ, et là fit mettre ses gens en bataille, prêts comme s'ils eussent vu leurs ennemis. Et étoient les chefs de ceux qui étoient devant ladite forteresse, le seigneur de Saluste et le seigneur de Thoulongeon, et aucuns autres du pays de Bourgogne; en laquelle escarmouche fut pris messire Geoffroy de Villiers, chevalier de Rethelois, et autres, jusques à cinquante gentilshommes.

Durant lequel temps le duc de Bourgogne en

voya messire Elion de Jacqueville, Jean de Guigny, Jean du Clau et autres capitaines, atout (avec) seize cents combattants, devers la ville de Chartres; laquelle, avec Étampes, Gaillardon, et autres villes et forteresses, se rendirent en l'obéissance du duc de Bourgogne; et en demeura ledit Jacqueville, capitaine et gouverneur.

Et pareillement furent envoyés messire Philippe de Fosseux et Robert le Roux à Auniau, devers la dame de la Rivière, laquelle promit que dedans ses forteresses d'Auniau et de Rochefort ne mettroit

nulles gens qui fissent guerre, ni portassent dommage audit duc de Bourgogne, ni à ses bienveillants.

En outre, en ce temps, se mirent diverses villes, forteresses, et aussi plusieurs nobles hommes, en la subjection et sous le gouvernement dudit duc de Bourgogne, sur intention qu'il viendroit à son entente (but) de son entreprise, et auroit le gouvernement du royaume. Auxquelles villes, c'est à savoir celles qui se mettoient en son obéissance, ne souffroit payer aucune gabelle, imposition, ni autres subsides, réservé le sel ; et par ainsi acquit grandement la grâce de plusieurs bonnes villes, et du peuple de plusieurs pays.

Auquel temps aussi icelui duc envoya ses lettres à plusieurs bonnes villes du royaume, desquelles la teneur s'ensuit :

<< Jean, duc de Bourgogne, comte de Flandre, d'Artois et de Bourgogne, palatin, seigneur de Salmes et de Malines.

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