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riblement grévèrent les maisons dudit Marché, et aussi les murailles d'icelle. Et par ces moyens fu rent lesdits assiégés fort contraints et mis en grand' nécessité; car avecque ce ledit roi d'Angleterre avoit fait dresser plusieurs engins, taudis, bouleverts et autres habillements près de la muraille. Et tant avoit ce continué, qu'iceux assiégés étoient de jour en jour en péril d'être pris d'assaut; et si n'avoient nulle espérance d'être secourus par ledit dauphin, leur seigneur, pour ce que les jours étoient passés que ledit secours leur avoit été promis à envoyer. Et derechef, en continuant de mal en pis pour lesdits assiégés, furent pris par les Anglois les moulins dudit Marché: parquoi ils ne pouvoient moudre leurs blés, sinon en grand danger.

CHAPITRE CCLXVI.

Comment messire Jean de Luxembourg conquit cette saison les forteresses du Quesnoy, de Louroy, de Héricourt, et autres diverses matières.

OR convient parler d'une armée que fit en cet an messire Jean de Luxembourg, de par les rois de France et d'Angleterre, et avecque lui plusieurs seigneurs de Picardie : c'est à savoir messire Hue de Launoy, lors maître des arbalêtriers de France, le vidame d'Amiens, le seigneur de Longueval, le

seigneur de Saveuse, le seigneur de Humbercourt, et très grand nombre de chevaliers et écuyers. Vrai est qu'au mois de mars, autour de la ville d'Encre, furent passées les montres (revues); et quand ce fut fait, peu en y avoit qui sussent auquel côté il vouloit tourner mais en la fin se tira en la ville d'Amiens, et de là, devant un méchant châtel nommé le Quesnoy qui étoit à Jean d'Arly, dedans lequel s'étoient boutés environ quarante sacquements (saccageurs) tenants la partie du dauphin, qui avecque ceux d'Araines avoient moult travaillé le pays de Vimeu, et sur la rivière de Somme, depuis Amiens jusques à Abbeville. Si étoient venus devant icelui, un jour par avant, pour garder qu'ils ne s'enfuissent, le vidame d'Amiens et le seigneur de Saveuse, atout leurs gens. Et après que ledit de Luxembourg fut arrivé et logé devant ladite forteresse, fit dresser ses engins contre les murs d'icelles ; lesquels en bref dérompirent les jointures des dessusdits murs en plusieurs lieux; pourquoi ceux de dedans, voyants que point ne pouvoient faire longue résistance contre si grand' puissance, requirent dedans brefs jours de traiter. Et finablement furent d'accord avecque ledit seigneur de Saveuse, qui à ce étoit commis de par messire Jean de Luxembourg, par condition qu'ils rendroient la forteresse et tous les biens qui étoient dedans, en la volonté dudit de Luxembourg; et aussi la plus grand' partie des sacquements dessusdits demeureroient en sa volonté. Et Waleran de Saint-Germain, leur capi

taine, qui, à bref dire, les trahit et leur fit entendre qu'ils auroient leur vie sauve, et fit son traité par si qu'ils s'en iroient et auroient bon et sûr saufconduit. Après lequel traité rendirent la forteresse, et furent menés tous ensemble en une maison de la ville, et tantôt après en furent pendus audit lieu du Quesnoy une partie, et les autres furent envoyés au bailli d'Amiens, lequel les fit mettre au gibet. Et entre les autres y fut mis un gentilhomme, nommé Liénard de Péquigny, qui se disoit un peu prochain dudit vidame d'Amiens. Et ce fait, ladite forteresse fut désolée et mise en feu de fond en comble; et après, ledit de Luxembourg s'en alla vers Gamache, atout son ost; et là lui vinrent de deux à trois cents combattants anglois, sous la conduite de messire Raoul le Bouteillier, atout lesquels il alla mettre en l'obéissance des rois de France et d'Angleterre aucunes forteresses du pays de Vimeu, c'est à savoir Louroy, Héricourt

et aucunes autres.

Auquel temps aussi les gens du seigneur de Gamache, qui se tenoient à Compiégne, prirent d'emblée la forteresse de Mortemer, vers Mont-Didier, que tenoit le bâtard de Mortemer, nommé Gérard qui lors étoit au pays de Vimeu, en l'armée et exercite de messire Jean de Luxembourg. Dedans laquelle forteresse fut mise grand' garnison de Dauphinois, qui fort travaillèrent le pays. Et d'autre partie les dessusdits Dauphinois de Marcoussy, environ deux cents combattants avecque leur ca

pitaine, qui se nommoit Minon, allèrent par nuit secrètement prendre le pont de Meulan, et y firent moult de maux ; el après, en intention de le tenir, y mirent grand' garnison : mais le roi d'Angleterre y envoya hâtivement le comte de Conversan et autres de ses gens en grand nombre, lesquels le rassiégèrent. Et bref ensuivant leur fut rendue par si tel que les assiégés se partirent sauvement atout (ave) leurs bagues.

CHAPITRE CCLXVII.

Cominent l'empereur d'Allemagne fit en cet an une armée contre les Pragois; et de ceux qui furent trouvés emprès Douai; et le siége d'Araines.

EN cet an, fit le roi des Romains, empereur d'AlleJagne, une moult grand' assemblée de gens d'armes de plusieurs pays de la chrétienté, pour combattre et résister aux entreprises des faux et empuantis hérétiques, qui se tenoient en la cité de Prague, et à l'environ bien deux ou trois journées. Auquel mandement allèrent grand' quantité de princes, prélats, chevaliers, écuyers et communes gens, tant de cheval comme de pied, des pays d'Allemagne, de Liége, Hollande, Zélande, Hainaut, et autres lieux. Et y arriva tant de gens qu'à peine se pouvoient-ils nombrer. Mais les hérétiques tinrent si

fort ladite cité de Prague, qu'on ne la put guères endommager, sinon en aucunes rencontres, où il en y eut plusieurs mis à mort. Et étoient en si grand nombre, et en si fort pays, que, par faute de vivres. convint retourner les chrétiens. Et iceux maudits hérétiques étoient si obstinés en leur erreur qu'ils ne craignoient nuls martyres, dont on les pût faire mourir ; et mêmement se défendoient et armoient les femmes, ainsi que diables, pleines de toutes cruautés, et en furent trouvées plusieurs mortes et occises aux dessudites rencontres. Et d'autre part, furent trouvés en l'an dessusdit plusieurs hommes et femmes tenants ladite hérésie, et faisants leur concile en un village emprès Douai, nommé Sains, dedans lequel ils furent trouvés et menés prisonniers en la cour de l'évêque d'Arras. Desquels les aucuns se repentirent et rappelèrent qui furent reçus à pénitence et à merci ; et les autres, après qu'ils eurent été prêchés dudit évêque et de l'inquisiteur, furent ars et brouils (grillés) audit lieu d'Arras, à Douai et à Valenciennes.

En après, messire Jean de Luxembourg, atout ses capitaines et sa puissance, retourna, la nuit de pâques communiaux, devant les deux châteaux d'Araines, et là, de toutes parts, les assiégea, et fit dresser contre les murs d'icelle plusieurs engins, lesquels bref ensuivant dommagèrent très-fort, et en plusieurs lieux. Et d'autre côté, lesdits assiégés en grand' diligence se défendoient contre leurs ennemis, c'est à savoir de canons, ar

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