Imágenes de página
PDF
ePub

allassent avec lui pour combattre et assaillir les seigneurs de Moy et de Chin, lesquels tenoient la partie du Dauphin, et travailloient et dégâtoient moult fort le pays dudit de Luxembourg et de sa belle-fille, comtesse de Marle. Laquelle requête par iceux leur fut accordée et octroyée, et s'en allèrent ensemble avec lui, qui avoit assemblé environ huit cents combattants; et enfin se logèrent vers Saint-Quentin, en Vermandois, et là passèrent outre. Mais quand ils vinrent assez près de Moy, où se tenoit le dessusdit chevalier par coutume, il leur fut rapporté qu'il s'étoit parti de sondit châtel, et l'avoit laissé très bien garni de gens de guerre, vivres et habillements, et avoit ars et mis en flammes sa basse-cour, et plusieurs autres maisons de sa ville. Et adonc lesdits Bourguignons, doutants que ledit châtel ne pût être pris sinon par long siége et grand dommage de leurs gens, conclurent l'un avec l'autre, nonobstant la prière dudit de Luxembourg, d'eux en retourner vers Douai et Lille, en conduisant ledit duc de Bourgogne. Et en venant, séjournant, et retournant, firent de très grands maux et oppressions ès pays où ils passèrent. dont plusieurs plaintes et clameurs se firent audit duc, tant par les gens d'église, comme autres, et par espécial du pays de Picardie, auxquels toutefois, il fit faire réponse que bref il les remanderoit en leur pays de Bourgogne, et les délivreroit des oppressions dessusdites. Et messire Jean de Luxembourg, triste et courroucé du retour des

dessusdits, donna congé aux dessusdits, et après s'en retourna à son hôtel de Beau-Revoir.

En après, le seizième jour de décembre, le duc de Bourgogne vint, et la duchesse, sa femme, en la ville d'Arras, le comte Philippe de Saint-Pol avec eux, et très grand' chevalerie. Et bref ensuivant y vint messire Jean de Luxembourg. Et les capitaines des dessusdits Bourguignons ; et au troisième jour alla ledit duc à Douai, pour voir sa tante la comtesse de Hainaut, laquelle il mena atout son état à Arras, où elle fut reçue très honorablement par la duchesse de Bourgogne et autres dames et damoiselles, et aussi de tous les seigneurs là étant ; et y séjourna trois ou quatre jours, durant lesquels fut faite audit lieu d'Arras moult joyeuse chère à ladite comtesse. Et après qu'elle eût eu parlement et conclu avec ledit duc de Bourgogne, son neveu, se partit de là, et retourna en Hainaut, au Quesnoy-le-Comte, où étoit sa principale demeure.

[merged small][ocr errors][merged small]

CHAPITRE CCLXII.

Comment messire Jacques de Harcourt fut rencontré des Anglois; la taille des marcs d'argent, qui fut cueillie pour faire boune monnoie ès bonnes villes.

ENVIRON ce temps, messire Jacques de Harcourt chevauchant en Vimeu atout six ou sept cents combattants, fut rencontré des Anglois, qui d'aventure s'étoient rassemblés d'Arques, de NeufChâtel, et d'autres lieux voisins, pour aller quérir leur aventure sur les Dauphinois, leurs ennemis; auquel rencontre y eût cruelle et âpre bataille. Toutefois, en conclusion, les Anglois obtinrent la victoire; et y perdit ledit messire Jacques de deux à trois cents de ses hommes, tant pris comine morts; mais lui, de sa personne, se sauva par son cheval, et avec lui grand' partie des chevaliers et écuyers qui là étoient. Entre lesquels y fut pris desdits Dauphinois le seigneur de Verduisant, qui lors étoit, pour le Dauphin, un des capitaines de Saint-Valery. Et après cette besogne, les Anglois joyeux de leur bonne aventure et fortune, retourrent atout leurs prisonniers en leurs propres lieux.

Auquel temps fut levée et cueillie, en plusieurs parties du royaume de France, et par espécial au bailliage d'Amiens, une taille assez rigou

reuse de marcs d'argent, octroyée et accordée par les trois états du royaume, à la requête des rois de France et d'Angleterre, pour forger bonne monnoie, et faire courre audit royaume, et la cueillir sur gens de tous états, c'est à savoir sur gens d'église, chevaliers, écuyers, dames et damoiselles, bourgeois et autres, qui avoient puissance; et fut assise icelle par les commis des rois dessusdits, du tout à leur volonté et discrétion ; et par ainsi prirent et levèrent tellement quellement, outre le gré de ceux à qui ce compétoit, très grands finances. Pour lesquelles lever les commis dessusdits acquirent grand' haine contre plusieurs à qui les dessusdits marcs furent ôtés ; et entre les autres en fut fort haï le bailli d'Amiens, de ceux de son bailliage, pour ce qu'ils avoient suspicion contre lui, , que par son moyen cette taille eût été mise sus au pays dessusdit.

CHAPITRE CCLXIII.

Comment le dessusdit duc de Bourgogne se partit d'Arras, le comte de Saint-Pol en sa compagnie, et alla devers les rois de France et d'Angleterre, et autres matières.

APRÈS que le duc de Bourgogne eut solennellement célébré la fête de la Nativité de Notre-Seigneur, dedans Arras, et avec lui la duchesse sa

femme, ils se départirent l'un de l'autre aucuns jours ensuivant, non pas sans douleur de cœur et sans larmes, par especial de la partie de ladite duchesse; et aussi depuis ne revirent l'un l'autre, comme vous orrez ci-après. Si alla ledit duc au châtel du comte de Saint-Pol, à Lucheu, où il se reposa une nuit. Et le lendemain ledit comte en sa compagnie s'en alla à Amiens, et se logea à l'hôtel du bailli. Et jà, par avant, avoit envoyé ses gens d'ar- mes devant, entre Amiens et Beauvais. Auquel lieu d'Amiens il geut (coucha) une nuit, et puis se partit à étendard déployé, atout grand nombre de gens d'armes en noble arroi, faisant avant-garde de bataille, et arrière-garde, et ainsi s'en alla loger au Franc-Châtel. Et soi partant de là, prit son chemin à Beauvais ; et de là par Beaumont alla à Paris. Et la duchesse sa femme, dudit lieu d'Arras, par Lille, avec tout son état, retourna à Gand. Auquel lieu de Paris entra ledit duc de Bourgogne, le comte de Saint-Pol, et toute sa chevalerie avec lui; et fut reçu des Parisiens très solennellement. Et pour lors étoient le roi de France et la reine au bois de Vincennes, lesquels icelui duc alla voir et visiter.

Et depuis qu'il eut séjourné aucuns jours audit lieu de Paris, s'en alla, par Lagni-sur-Marne, devers le roi d'Angleterre, qui tenoit son siége devant Meaux en Brie; duquel il fut honorablement festoyé ; et tinrent ensemble de grands conseils pour les besognes et affaires du royaume ; mais par avant que le duc y allât, s'étoit parti de lui le prince

« AnteriorContinuar »