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Si furent de diverses opinions; mais finablement, selon le conseil de la plus grand' partie, fut conclu et délibéré pour le mieux, par la licence, autorité et congé du roi de France, que il s'alliât au roi d'Angleterre, comme dit est dessus. Et sur ce furent bref ensuivant envoyés ses ambassadeurs dereches à Rouen, devers ledit roi ; c'est à savoir l'évêque d'Arras, messire Athis de Brimeu, messire Roland de Hutekerk et aucuns autres. Lesquels là venus atout (avec) la charge qu'ils avoient, furent bénignement reçus par le roi dessusdit, et aussi par ses princes; car moult désiroit d'avoir alliance avec ledit duc de Bourgogne, pour ce qu'il savoit que par ses moyens pourroit avoir dame Catherine, fille du roi de France, mieux que par nul autre, laquelle lui étoit moult agréable. Et pourtant quand lesdits ambassadeurs eurent montré les causes et articles pourquoi ils étoient envoyés, en fut icelui en partie assez content, et leur fit réponse que dedans bref temps il envoieroit ses gens devers leur seigneur et maître, qui seroient chargés de ce qu'il auroit intention de faire. Après laquelle réponse s'en retournèrent les dessusdits à Arras.

Environ la Saint-Andrieu ensuivant, vinrent les ambassadeurs dudit roi d'Angleterre devers ledit duc, audit lieu d'Arras ; c'est à savoir l'évêque de Rochestre, les comtes de Warwick et de Kent, avec plusieurs autres chevaliers et écuyers; lequel duc leur fit très honorable réception; et après ce, montrèrent aucuns articles de par le roi, contenant

les traités, tels qu'il les vouloit avoir, avecque Charles roi de France, et ledit duc de Bourgogne, sur lesquels furent baillés pareillement certains autres articles, de par ledit duc de Bourgogne, ès quels étoit contenue et déclarée grand' partie de

sa volonté.

Finablement, tant envoyèrent lesdits roi d'Angleterre et duc de Bourgogne l'un devers l'autre, qu'ils vinrent à conclusion d'avoir bon appointement ensemble, au cas que le roi de France et son conseil en seroient contents. Lequel roi de France et la reine sa femme, et dame Catherine leur fille, pour lors étant à Troyes en Champagne, étoient gouvernés et conduits de plusieurs qui étoient à la posté (pouvoir) et tenant la partie dudit duc de Bourgogne. Sur lesquels traités et appointements ainsi encommencés, fut ordonné que les gens des deux partis ne feroient point guerre nullement l'un contre l'autre ; c'est à savoir les gens du roi de France et du duc de Bourgogne, aux Anglois, ni les Anglois aussi à eux ; et furent les trèves de rechef reconfirmées. Et si fut apointé que ledit roi d'Angleterre envoieroit ses ambassadeurs en la compagnie d'icelui duc de Bourgogne, audit lieu de Troyes en Champagne, devers le roi de France, pour au surplus parconclure des dessusdits appointements; lequel duc avoit intention d'y aller bref ensuivant.

Après lesquelles besognes, et qu'iceux ambassadeurs eurent été grandement festoyés et moult

honorés dedans la ville d'Arras, par le duc de Bourgogne et ceux de son conseil, s'en retournèrent à Rouen devers leur roi.

Durant lesquels traités et besognes dessusdites, messire Jacques de Harcourt se montroit en toutes manières bienveillant de la partie du dessusdit duc de Bourgogne ; et étoit des premiers appelé à tous ses plus privés conseils; et aussi lui faisoit ledit duc grand honneur et révérence, autant qu'à nul autre de sa cour; et l'aimoit moult cordialement; car depuis la mort du duc Jean son père, avoit fait serment de le servir en toutes ses affaires. Lequel messire Jacques, pour ce temps, faisoit grandement réparer, fortifier et pourvoir de vivres, habillements de guerre, et autres choses nécessaires, la ville et forteresse du Crotoy, dont il avoit le gouvernement de par le roi.

CHAPITRE CCXXVI.

Comment messire Jean de Luxembourg fit grand' assemblée de gens d'armes, qu'il mena devant Roye, et autres besognes qui se firent en ce temps.

ENSUIVANT les besognes dnssusdites, et pour icelles commencer à mettre à exécution, le duc de Bourgogne fit grand' assemblée de gens d'armes, tant en Artois et en Flandre, comme ès pays à l'enCHRONIQUES De MonstreleT. — T. IV.

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viron; lesquels, avec plusieurs capitaines, il envoya sous le gouvernement de messire Jean de Luxembourg, vers Péronne, pour passer à montre (revue), et de là aller mettre le siége devant le château de Muyn, qui étoit fort garni des gens du dauphin, lesquels faisoient en la ville d'Amiens, à Corbie et ès marches d'entour, moult de tribulations. Et là, audit lieu de Péronne, avecque le dessusdit de Luxembourg, s'assemblèrent plusieurs seigneurs ; c'est à savoir le seigneur de l'Ile-Adam, maréchal-de-France, le vidame d'Amiens, Antoine, seigneur de Croy; le Borgne de Fosseux, chevalier, et Jean de Fosseux son frère, le seigneur de Longueval, Hector et Philippe de Saveuse, le seigneur de Humbercourt, messire Jean de Hutequerque, le seigneur de Cohen, et moult d'autres chevaliers et écuyers notables, qui, tous ensemble, de Péronne allèrent loger à Lihons en Santerre, et ès villages entour, espérant, comme dit est, aller mettre le siége devant Muyn. Mais en bref leur propos fut mué; car, étant en la ville de Lihons le dimanche dixième jour de décembre, par nuit, messire Karados de Quesnes, Charles de Flavi, bâtard de Tournemine, et un nommé Harbonnières, accompagnés de cinq cents combattants ou environ, tenant la partie du dauphin, issirent de Compiègne, et chevauchèrent jusqu'à la ville de Roye en Vermandois, laquelle, par faute de guet, ils assaillirent; et entrèrent une grand' partie dedans, et tantôt s'assemblèrent au marché et commencèrent

àcrier: Ville gagnée! vive le roi et le dauphin! Auquel cri s'éveillèrent plusieurs des habitants, qui tantôt voyant qu'ils ne pouvoient à eux résister, s'enfuirent et se sauvèrent par dessus les murs; el une partie des Dauphinois allèrent ouvrir la porte, et mirent tout le surplus de leurs gens avec leurs chevaux dedans la ville. Et lors, Perceval-leGrand, qui étoit capitaine de ladite ville, de par le duc de Bourgogne, fut dudit effroi éveillé;et, comme aucuns autres, quand il aperçut qu'il ne pouvoit résister à l'entreprise dessusdite, se sauva le mieux qu'il put, et issit de la ville, laissant derrière sa femme et ses enfants, et grand' partie de ses biens; et au plus tôt qu'il put s'en alla à Lihons en Santerre, devers messire Jean de Luxembourg son maître, et très dolent lui raconta les nouvelles dessusdites. Pour lesquelles ledit messire Jean de Luxembourg fit tôt sonner ses trompettes, et assembla tous ses gens d'armes, atout (avec) lesquels, par ordonnance, alla par- devers ladite ville de Roye, et envoya certain nombre de coureurs devant la ville savoir que c'étoit. Lesquels coureurs trouvèrent encore les échelles dressées aux murs de la dessusdite ville, par où lesdits Dauphinois l'avoient prise; lesquels voyant lesdits coureurs et plusieurs gens d'armes sur les champs, se préparèrent incontinent d'eux défendre, et commencèrent à tirer canons, d'arbalêtes et arcs à main, très fort contre leurs ennemis.

Toutefois, nonobstant leurs défenses, fut pris

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