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CHAPITRE CCXXII.

Coinment le seigneur de Montagu écrivit à plusieurs bonnes villes du royaume ; et des Parisiens, qui refirent serment nouvel après la mort dudit duc de Bourgogni.

LE sire de Montagu, après ce qu'il fut retourné de Montereau à Bray-sur-Seine, le plus tôt qu'il put, fit écrire plusieurs lettres contenant que par ledit duc de Touraine, dauphin, et son conseil, avoit été commis crime à la personne de son seigneur, le duc de Bourgogne; lesquelles lettres il envoya à Troyes, Reims, Châlons, et autres bonnes villes tenant le parti du roi et du duc de Bourgogne. Esquelles lettres aussi leur prioit très humblement qu'ils fussent bien sur leur garde, et que point n'obtempérassent aux paroles et mensonges de ceux tenant la partie du dauphin, disant par lesdites lettres, que bien étoit leur déloyauté découverte, mais se entretinssent toujours en leurs bons propos de la partie du roi et du comte de Charrolois, successeur du duc de Bourgogne, par lequel ils auroient bonne et brève aide au plaisir de Dieu. Lesquelles lettres aux bonnes villes dessusdites furent bénignement reçues, en remerciant moult de fois ledit sire de Montagu, pour son mes

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sage, disant que moult fort étoient dolents de l'aventure dessusdite.

Et quand, le onzième jour de septembre, vintà la connoissance des Parisiens que ledit duc de Bourgogne étoit ainsi mort, furent tant dolents et confus que plus ne pouvoient. Et pour tant, lendemain, au plus matin qu'ils purent, s'assemblèrent le comte de Saint-Pol, le lieutenant du roi à Paris, le chancelier de France, les prévôts de Paris et des marchands, et généralement tous les conseilliers et officiers du roi, et avec eux grand' quantité des nobles et bourgeois de la ville, et grand' multitude du peuple, Lesquels, après ce qu'on leur eut fait remontrer la mort du duc de Bourgogne, et l'état comment icelle avoit été perpétrée et faite, firent serment au dessusdit comte de Saint-Pol de le servir et obéir, et d'être et entendre avec lui de toute leur puissance à la garde et défense de ladite ville de Paris et des habitants; et généralement à la conservation de tout le royaume; à résister de corps et de biens à la damnable intention et efforcement des crimineux, séditieux, rompeurs de la paix et union de ce royaume, et de poursuivir, de tout leur pouvoir, vengeance et réparation contre les conspirateurs, coupables et consentant, de la mort et homicide dudit duc de Bourgogne, et dénoncer et accuser devers justice tous ceux portant faveur auxdits conspirateurs. Promirent aussi de non rendre la ville de Paris, ni faire quelque traité à part sans le su l'un de l'autre,

Et semblablement leur fit serment ledit comte de Saint-Pol.

Desquels serments dessusdits furent faites lettres scellées de leur sceaux; lesquelles furent envoyées à Senlis et autres villes tenant leur parti, afin de les induire à faire le serment pareil à leurs gou

verneurs.

Après lesquelles besognes accomplies, furent pris dedans ladite ville de Paris, et mis prisonniers, plusieurs hommes et aussi aucunes femmes tenant ou qui avoient tenu le parti dudit duc de Touraine, dauphin, tant de ceux qui étoient retournés depuis la paix, comme autres sur quoi on avoit soupçon; et tantôt après en y eut aucuns exécutés par justice.

CHAPITRE CCXXIII.

Comment le dessusdit dauphin se partit de Mon tereau; de la délivrance de ceux qui avoient été en la compagnie du duc de Bourgogne, et autres matières.

EN ces propres jours, après que le dessusdit dauphin eut constitué messire Pierre de Guitry capitaine de Montereau, lequel de Guitry avoit été présent quand le duc de Bourgogne fut mis à mort,. se départit de là atout (avec) ses gens, et envoya tous les prisonniers dessusdits, la dame de Giac, et Philippe Jossequin, à Bourges en Berri. Lesquels.

prisonniers firent serment audit dauphin de le servir et tenir son parti, fors Charles de Bourbon, par dessus nommé, et messire Pierre de Giac. Et quant aux autres, jà-soit-ce qu'ils fussent par plusieurs fois requis d'icelui dauphin et de ceux de son conseil, qu'ils voulsissent demeurer avec lui et faire ledit serment, et que grands biens et honneurs leur fussent offerts à être faits, néanmoins, oncques ne s'y voulurent consentir; ainçois (mais) firent réponse à toutes lesdites requêtes, que mieux aimoient de mourir en prison ou autrement, comme il plairoit au dauphin, que de faire chose qui à eux et à leurs successeurs pût être réprouvée à mal. Et pour tant, voyant leur volonté, et que autre chose on n'en pouvoit avoir, furent depuis tous mis àdélivrance, moyennant certaine grand' somme de pécune, qu'ils payèrent pour leur rançon, excepté ledit messire Charles de Lens, amiral, qu'ils firent mourir; et ne retourna pas.

En outre, le dessusdit dauphin venu en la ville de Bourges, comme dit est, manda gens d'armes de toutes parts à venir par-devers lui, atout (avec) lesquels il alla en Anjou, et eut parlement avecque le duc de Bretagne, lequel consentit qu'une partie des nobles de son pays servissent ledit dauphin. Et avecque ce lui vint grand' aide d'Ecossois, qu'il envoya et fit conduire sur la rivière de Loire; et de là alla à Poitiers, puis en Auvergne; et en Languedoc, par tout assembler gens, et faire alliance, sur intention de résister contre tous ceux

qui gréver ou nuire lui voudroient. Et par toutes les bonnes villes tenant son parti, faisoit prononcer que ce qu'il avoit fait contre le duc de Bourgogne, étoit et avoit été en bonne et juste querelle, en remontrant plusieurs titres, qui à ce faire l'avoient mu pour sa justification; lesquels seroient trop. longs à raconter.

Et entre-temps, le roi de France, la reine et ceux de leur conseil, qui avoient su les nouvelles de toutes les matières dessusdites, en étoient très déplaisants; et afin d'y pourvoir, furent envoyés mandements royaux en diverses parties du royaume où le roi dessusdit étoit obéi, contenant la mort du duc de Bourgogne, et la déloyauté des faiteurs; mandant et défendant aux gouverneurs d'icelles, sur tant qu'ils se pouvoient méfaire, qu'au dauphin ni à ceux de son parti ne baillassent conseil, confort et aide ni faveur, mais se préparassent à toute diligence d'y résister; et à ce faire et poursuivir la réparation du royaume, ils auroient bien bref bonne aide.

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