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velles de leur dessusdit seigneur, qu'encore n'avoient ouï.

Et combien que ledit seigneur de Jonvelle et le seigneur de Montagu priassent moult de fois aux gens dudit duc, qui étoient venus avec lui, qu'ils voulsissent demeurer avec eux dedans icelui châtel, néanmoins n'en voulurent rien faire, ains (mais) se départirent hâtivement, sans tenir ordonnance; et chevauchèrent, au plus tôt qu'ils purent, droit vers Bray sur Seine, dont ils étoient partis au matin. Mais les gens du dauphin, à grand' puissance, les poursuivirent très âprement et en tuèrent, prirent et détroussèrent grand' partie, sans trouver quelque défense. Et iceux seigneurs de Jonvelle et de Montagu, demeurèrent, comme dit est, dedans le châtel, et avec eux messire Robert de Marigny, messire Philippe de Cervoles, messire Jean Murat, le seigneur de Rosemate, Jean d'Ermay, Jean du Mesnil, Saubretier, Philippe de Montaut, Renaut de Cheuly, Renaut de Rethel, Guillaume de Bière, la dame de Giac et ses femmes, et Philippe Jossequin, avecque environ trente varlets, que pages de la famille dudit duc de Bour

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CHAPITRE CCXX.

Comment le duc de Touraine, dauphin, et ceux qui étoient avec lui se conduisirent après la mort dudit duc de Bourgogne ; et des lettres qu'il fit envoyer à plusieurs bonnes villes.

APERS Ce que le dessusdit duc de Bourgogne fut mis à mort, comme dit est, il fut tantôt, par les gens du dauphin, dévêtu de sa robe, de son haubergeon, de ses anneaux, et de toutes autres choses, réservé son pourpoint et ses houseaux; et demeura sur la place jusques à minuit, qu'on le porta sur une table dedans un moulin assez près du pont. Et le lendemain, au matin, fut mis en terre, en l'église Notre Dame, devant l'autel SaintLouis, atout (avec) sondit pourpoint et ses houseaux, sa barrette tirée sur son visage; et lui fiton prestement dire douze messes. Si étoient à cette heure avec le dauphin, plusieurs notables personnes, qui rien ne savoient du secret de cette matière ; et il y en eut aucuns à qui en déplut grandement, considérant les tribulations, reproches et meschefs qui en pouvoient sourdre an temps avenir, tant au royaume de France comme à la personne de leur seigneur et maître, le duc de Touraine, dauphin; entre lesquelles y étoient Jean de Harcourt, comte d'Aumale, et le seigneur de

Barbasan. Auquel de Barbasan fut moult désagréable, et tant que, par plusieurs fois, reprocha à ceux qui avoient machiné le cas dessusdit, en disant qu'ils avoient détruit leur dessusdit maître de chevance et d'honneur. Et dit que mieux voudroit avoir été mort, que d'avoir été à icelle journée, combien qu'il en fût innocent.

Toutefois, le dauphin retourné en son hôtel après cet homicide, fut ordonné par ceux de son conseil, que deux cents hommes d'armes iroient devant la forteresse, pour faire rendre ceux qui étoient dedans. Auxquels là venus, fut l'entrée défendue. Et pour tant les dessusdits se retrahirent une partie en la tour du pont, et l'autre en une tour vers les faubourgs, et là demeurèrent cette nuit. Et ceux qui étoient en ladite ville murèrent la porte vers la ville, et n'eurent autres nouvelles jusques au lendemain matin, qu'on leur commença très fort à jeter canons contre ladite porte.

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Et assez bref après, allèrent quatre ou cinq chevaliers de par le dauphin parler à iceux, et leur signifier qu'ils rendissent ladite forteresse; et si ce ne faisoient, il les feroit assaillir et couper les têtes, s'ils étoient pris par force. Auxquels fut répondu par les dessusdits Jonvelle et Montagu, que monseigneur de Bourgogne, leur seigneur, auquel le dauphin l'avoit livré, leur avoit baillé en garde, et qu'ils ne le rendroient pas, s'ils n'avoient certaines enseignes de lui. Pourquoi les dessusdits, ce oyant, retournèrent en la ville; et tantôt après rallèrent

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devers ladite forteresse, et y menèrent messire Antoine de Vergy, lequel appela les deux seigneurs dessusdits, et ils répondirent en demandant comment il lui étoit. Et sans faire à ce réponse, il leur dit : Frères, monseigneur le dauphin me fait dire que vous lui rendez cette » forteresse, el que si ce ne faites, et il vous prend dedans par force, il vous fera trancher » les têtes. Et si vous lui voulez rendre et tenir » son parti, il vous fera des biens, et vous dépar» tira des offices de ce royaume très largement.

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Après lesquelles paroles, demandèrent audit messire Antoine s'il savoit nouvelles de monseigneur le duc. A quoi il ne répondit mot, et signa de son doigt contre terre, et après dit : « Je vous » conseille que vous rendez ladite forteresse à monseigneur le dauphin. » Et comme devant dirent: «< Sans avoir nouvelles de monseigneur le » duc, qui la nous a baillée en garde, nous ne » la rendrons pas. » Et adonc les chevaliers dudit dauphin leur dirent: « Mettez par écrit tel >> traité que vous voulez avoir, et on vous fera ré>>ponse. » Et sur ce, se retrahirent lesdites parties, et firent les dessusdits mettre par écrit ce qu'il leur plut, et l'envoyèrent devers ledit dauphin.

Premier, requirent à mettre la forteresse en la main de monseigneur de Bourgogne leur seigneur, qui leur avoit baillée en garde, eu au moins avoir décharge de lui, siguée de sa main ;

Item, que tous les prisonniers qu'il avoit devers lui, lesquels avoient été pris avec ledit duc, il les rendît quittes sans payer finances;

Item, que tous les hommes et femmes, de quelque état qu'ils fussent, étant dedans ladite forteresse, avec tous les biens qui y avoient été de leur parti apportés, s'en pussent aller franchement où bon leur sembleroit ;

Item, qu'ils eussent délai de quinze jours à demeurer dedans ledit châtel, tant que leurs chevaux fussent venus;

Item, qu'ils eussent sauf-conduit pour deux cents hommes d'armes, qui les viendroient quérir pour les conduire où bon leur sembleroit, et que ledit sauf-conduit durât quinze jours.

Après lesquels articles, visités par ledit dauphin et son conseil, furent renvoyés devant la forteresse les chevaliers dessusdits, qui par avant y avoient été envoyés. Lesquels dirent à ceux de dedans que, quant à la personne du duc de Bourgogne, elle ne soit plus demandée : car on ne la peut avoir.

Quant aux prisonniers qui ont été pris avec lui, ils sont bien à monseigneur le dauphin, et leur départira des biens et offices de ce royaume; et n'en soit requis plus avant.

Quant aux biens qui sont dedans la forteresse, appartenant au duc de Bourgogne, ils demeureront en la main de monseigneur le dauphin, et les fera recevoir par inventoire, en baillant décharge à ceux qui les ont en garde. Et les autres

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