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CHAPITRE CCXII.

Comment messire Jean de Luxembourg, atout (avec) six cents combattants ou environ, alla en la comté de Brienne devers son frère; et la détrousse de Hector de Saveuse.

Au commencement de cet an, messire Jean de Luxembourg, accompagné de Hector de Saveuse et de six cents combattants ou environ, alla, par Vermandois, Laonnois, et Reims, jusques à Brienne, où étoit le comte de Conversan son frère; et eux deux ensemble firent grand' guerre aux Dauphinois, qui par avant avoit dégâté ledit comté de Brienne. Et ardirent les faubourgs de Vitry; et aussi coururent et dégâtèrent grand' partie du Barrois et de la comté de Grand-Pré. Après lesquelles besognes se départit ledit de Luxembourg, laissant une partie de ses gens avec son étendard au gouvernement dudit Hector, lequel, dedans quinze jours ou environ ensuivant, se partit dudit pays, par le congé dudit comte de Conversan, atout (avec) trois cents combattants et ledit étendard, pour retourner en Artois; mais, en passant par la Champagne, fut envahi des Dauphinois qui se tenoient à Montagu. Et nonobstant qu'iceux Dauphinois ne fussent pas en si grand nombre qu'étoit icelui Hector, si gagnèrent-ils la besogne. Et fut ledit étendard perdu; et avec ce y furent

morts et pris bien cent hommes, et grand' quantité de bagues, que ramenoient les dessusdits; et les autres, en la plus grand' partie, parespécial les hommes d'armes, se sauvèrent leurs bons chevaux avec par ledit Hector, lequel moult triste s'en retourna en Artois; et lesdits Dauphinois, atout (avec) bien quarante prisonniers, s'en allèrent à Montagu. Et en dedans un mois ensuivant, soudainement dedans leurs prisons, par aucun soupçon, tuèrent tous lesdits prisonniers, sinon aucuns qui s'étoient partis pour aller quérir leur finance.

CHAPITRE CCXIII.

Comment la reine de France, dame Catherine sa fille, et le duc de Bourgogne, convinrent avec le roi d'Angleterre; et de la paix d'entre le dauphin et le duc de Bourgogne.

ENVIRON la mi-avril, les ambassadeurs du roi d'Angleterre, qui naguère avoient été à Provins, retournèrent devers le roi de France et le duc de Bourgogne, en la ville de Troyes en Champagne. Auquel lieu fut tant traité entre les deux parties, qu'une trève fut faite entre les deux rois certaine espace de temps, sur l'espérance de plus avant besogner en semble; et fut assigné jour pour convenir les uns avec les autres, assez près de Meulan. Et après cette conclusion, lesdits ambassadeurs s'en retour

nèrent à Rouen, devers leur roi. Et bref ensuivant, le dessusdit roi de France, la reine et leur fille dame Catherine, et aussi le duc de Bourgogne, atout (avec) grand' puissance de gens d'armes, allèrent à Pontoise. Et eux là venus, comme il avoit été ordonné par avant avec les dessusdits ambassadeurs, firent préparer un grand parc, où se devoit tenir la convention; lequel parc fut très bien clos de bonnes bailles (portes), portant de bons ais hauts, appuyés de solives en aucuns côtés ; et si étoit environné de bons fossés, et enjoignoit d'un côté assez près de la rivière de Seine; et y avoit plusieurs entrées fermées à trois barrières. Et dedans furent lendus plusieurs tentes et pavillons pour reposer les seigneurs. Et après firent ordonner aucuns villages où se devoient loger les gens et chevaux des dessusdits par ordonnance.

Et lors étoit venu le roi d'Angleterre de Rouen à Mantes; et quand la journée fut venue qu'icelles parties devoient assembler en conseil, pour tant quele roi de France étoit mal dispose de santé, se partirent de Pontoise la reine de France, dame Catherine sa fille, le duc de Bourgogne, et le comte de Saint-Pol, avec eux tout leur conseil, et bien mille combattants; et allèrent audit lieu ordonné d'emprès Meulan; et descendirent en leurs tentes au-dessous du parc. Et tôt après arriva le roi d'Angleterre, accompagné des dues de Clarence et de Glocestre, ses frères, son conseil, et bien mille combattants; et descendit en sa lente comme avoient fait les autres.

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Et après que par leurs messages eurent pris conclusion d'entrer en conseil, ladite reine adextrée du duc de Bourgogne, de dame Catherine, du comte de Saint-Pol, atout (avec ) leur conseil, et aucunes dames et damoiselles, entrèrent dedans ledit parc.

Et pareillement le roi d'Angleterre, accompagné de ses deux frères et de son conseil, par une autre entrée vint dedans le parc; auquel lieu, en lui inclinant révéremment, salua la reine, et puis la baisa, et ainsi fit à dame Catherine.

Et après, le duc de Bourgogne salua ledit roi en fléchissant un petit le genou, et en inclinant son chef, lequel roi le prit par la main, et le baisa en Jui faisant grand honneur.

Et adonc, d'un consentement, entrèrent dedans la tente du conseil ; et menoit ledit roi la reine de France, étant au-dessus de lui. Dedans laquelle tente se tinren! très longuement; et étoient leurs gens d'armes, chacun par ordonnance, selon les lices; et avec ce y avoit certaine garde dedans ledit parc, afin que nul n'y entrât s'il n'étoit à ce commis. Et après qu'ils eurent été au conseil grand espace, prenants congé l'un à l'autre moult honorablement el humblement, s'en retournèrent les uns à Pontoise et les autres à Mantes. Et le lendemain et bien trois semaines ensuivant retournèrent et convinrent par plusieurs journées, en pareil état qu'ils avoient été la première fois, sauf que la dessusdite Catherine de France, qui y avoit été menée,

afin que ledit roi d'Angleterre la vît, lequel étoit moult désirant de l'avoir en mariage, et y avoit bien cause, car elle étoit moult belle dame de haut lieu et de gracieuse manière, n'y retourna pas depuis la première fois.

Et là, eux assemblés, sur espérance de faire aucun bon traité, furent plusieurs matières ouvertes; et souvent venoit l'une des parties plus puissamment accompagnée que l'autre ; et une autre fois celui qui étoit venu à plus grand' puissance venoit à moindre; et jà-soit-ce que les François et Anglois là étant fussent toujours, comme dit est, durant ce, logés l'un au plus près de l'autre, oncques n'y eut rumeur ni débat entre lesdites parties, et vendoient l'un à l'autre plusieurs denrées. Toutefois ne purent lesdites parties en la fin rien concorder ni pacifier, pour tant que ledit roi d'Angleterre faisoit demandes extraordinaires, avec la fille du roi, comme autrefois avoit fait.

Et aussi, durant ledit parlement et pour icelui corrompre, le dauphin, et son conseil, envoya devers le duc de Bourgogne Tanneguy du Châtel, pour lui signifier qu'il étoit prêt de traiter avec lui, combien que par avant ledit duc de Bourgogne l'eût par plusieurs fois de ce fait requerre. Finablement, comme dit est, après que ledit parlement fut départi, et du tout mis à néant durant les trèves, les tentes furent ôtées, et le parc défait de l'accord des parties; et se retrahirent, les uns à Pontoise, et les autres à Mantes.

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