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>> mandent et font savoir par moi, que si, par faute » de votre secours, il convient qu'ils soient sujets » au roi d'Angleterre, vous n'aurez en tout le monde pires ennemis d'eux, et s'ils peuvent, ils >> détruiront vous et votre génération.

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Telles et semblables paroles remontra moult bien ledit prêtre au roi et à son conseil. Et après qu'on lui eut fait grand' reception, et aussi que le duc de Bourgogne lui eut promis d'y pourvoir au plus bref que faire le pourroit, il s'en retourna au mieux qu'il put, portant les nouvelles dessusdites auxdits assiégés.

Et bref ensuivant le roi de France et le duc de Bourgogne envoyèrent leurs ambassadeurs au Pont-de-l'Arche, pour traiter au roi d'Angleterre de la paix du roi de France et de lui; et alla avec lesdits ambassadeurs, pour moyenner, le cardinal d'Ursin. En laquelle ambassade étoient pour le roi de France l'évêque de Beauvais, maître Philippe de Morvillier, premier président, maître Régnaut de Folleville, chevalier, messire Guillaume de ChampDivers, maître Thierry-Leroi, et aucuns autres. A l'encontre desquels vinrent, de de par le roi d'Angleterre, audit lieu du Pont-de-l'Arche, le comte de Warwick, le chancelier d'Angleterre, l'archevêque de Cantorbie, et autres du conseil du roi anglois; et dura cette ambassade environ quinze jours. Dedans lequel temps ledit cardinal alla devers le roi d'Angleterre à son siége devant Rouen. Duquel et des autres princes il fut très honorable

ment reçu. Et avoient porté lesdits ambassadeurs du roi de France la figure de Catherine, fille du roi, laquelle fut présentée au roi d'Angleterre, et lui plut moult bien. Toutefois, pour ce qu'il fit demandes extraordinaires, c'est à savoir qu'on lui donnât avec la fille du roi cent mille écus d'or, la duché de Normandie, dont il avoit conquêté une partie, la duché d'Aquitaine, la comté de Ponthieu, et autres seigneuries, sans ressort tenir du roi de France, rien ne se put concorder. Et aussi les ambassadeurs dudit roi anglois firent réponse que le roi de France n'étoit pas en état pourquoi on pût traiter avec eux ; car le dauphin son fils n'étoit pas encore roi, et au duc de Bourgogne n'appartenoit pas de traiter des héritages du roi de France.

Après lesquelles choses ouïes, ledit cardinal et lesdits ambassadeurs s'en retournèrent devers le roi de France, la reine, et le duc de Bourgogne, qui nouvellement de Paris étoient venus à Pontoise, et leur racontèrent l'état et la manière de leurdite ambassade. Et dedans bref temps ensuivant, s'en retourna ledit cardinal d'Ursin, en Avignon, devers le pape Martin, pour ce qu'il sentoit et apercevoit assez bien que rien ne pouvoit faire ni concorder entre les trois parties dessusdites.

Et adonc ceux de la cité de Rouen, qui savoient assez bien la rompture et brisure de l'ambassade d'entre les deux rois de France et d'Angleterre, voyant que le secours mettoit trop longuement à

venir, prirent ensemble conclusion de saillir dehors à puissance, et combattre un des siéges du roi d'Angleterre, et puis de là aller quérir ledit secours. Si se trouvèrent bien dix mille combattants, et la ville bien gardée. Et fut ordonné que chacun fût garni de vivres pour deux jours. Et quand tout fut prêt pour accomplir leur entreprise, et que déjà en avoit sailli bien deux mille sur les logis dudit roi où ils avoient fait grand dommage, et ainsi que les autres les devoient suivre par la porte devers le châtel et commençoient à issir, il leur advint que, secrètement et par mauvaiseté, on avoit scié les estaches (pieux) qui soutenoient le pont. Pourquoi, tantôt qu'ils commencèrent à monter sus, rompit, et churent plusieurs ès fossés, desquels une partie furent morts et les autres blessés, dont ils furent fort émerveillés. Et tantôt se retrahirent à une autre porte, pour secourir et aider à leurs gens. Si les firent retraire et rentrer dedans la ville; mais, devant qu'ils les pussent ravoir, perdirent plusieurs de leurs gens; et d'autre part avoient fait grand dommage à leurs adversaires.

Après laquelle besogne on commença fort à murmurer contre l'honneur de messire Guy le Bouteillier, et fut mécru d'avoir fait scier le pont dessusdit.

Et tantôt après cette besogne, trépassa Laghen, bâtard d'Arly, de maladie qui lui survint; pour la mort duquel ceux de la communauté furent fort déconfortés; car, comme dit est ailleurs, ils se

CHRONIQUES De MonstreleT, — T. IV,

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fioient plus en lui qu'en nul des autres capitaines.

Auquel temps messire Jean de Luxembourg prit à mariage Jeanne de Béthune, fille et héritière du vicomte de Meaux, laquelle par avant avoit eu épousé Robert de Bar, comte de Marle et de Soissons, et avoit une petite fille de l'âge de deux ans ou environ, héritière des dessusdites comtés. Lequel mariage fut traité en partie en la faveur du duc Jean de Bourgogne, et de son fils le comte de Charrolois. Et par ainsi le dessusdit de Luxembourg à cette cause eut de grands seigneuries en gouvernement; et dedans un an ensuivant eut de la dame dessusdite un fils, lequel fut mort jeune ; et aussi ledit duc de Bourgogne lui rendit plusieurs seigneuries, c'est à savoir Dunkerque, Varveston et autres, lesquelles il tenoit en sa main comme confisquées, pource que ledit messire Robert de Bar, en son vivant, tenoit parti contraire à lui.

CHAPITRE CCVII.

Comment on fit grand' assemblée de gens d'armes pour lever le siége de Rouen; de l'ambassade que firent de rechef les assiégés, et de la chevauchée de messire Jacques de Harcourt.

OR convient de retourner à l'état et gouvernenement du roi de France et du duc de Bourgogne. Vrai est que pour pourvoir à la délivrance de ceux de Rouen, mandèrent gens d'armes en plusieurs

parties du royaume où ils étoient, lesquels y vinrent en très grand nombre. Et se faisoit icelui mandement, au nom du roi, à venir entour Beauvais. Entre lesquels y vinrent à grand' puissance les seigneurs de Picardie, et autres sous eux, qui avoient accoutumé de porter armes ; et en furent les pays où ils passèrent et séjournèrent moult travaillés. Et adonc le roi, la reine et le duc de Bourgogne; atout (avec) tout leur état, de Pontoise vinrent à Beauvais, afin d'avoir vivres plus abondamment. Auquel lieu furent tenus plusieurs détroits conseils pour avoir avis comment on secourroit ceux de la ville de Rouen; mais on ne pouvoit voir manière raisonnable, que faire se pût, pour la division qui étoit entre le dauphin et le duc de Bourgogne, et avecque ce que le roi d'Angleterre étoit trop puissamment accompagné. Et pour tant de plus en plus on manda gens d'armes et arbalêtriers par les bonnes villes de l'obéissance du roi.

Et entretemps le roi de France et le duc de Bourgogne étant à Beauvais, vinrent devers eux quatre gentilshommes et quatre bourgeois de ladite ville de Rouen, envoyés pour signifier au roi et à son conseil le misérable état de ladite ville. Lesquels, en la présence du roi et du duc de Bourgogne et de tout le conseil, dirent comment plusieurs milliers de gens étoient jà morts de faim dedans ladite ville, et que dès l'entrée d'octobre étoient contraints de manger chevaux, chiens, chats, souris, rats et autres choses non appartenant à créature

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