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glois fut traversé parmi le corps, et rué jus de son cheval; et avec ce fut traîné par force dedans la ville, où il mourut tantôt ; et eut icelui Laghen quatre cents pobles pour rendre le corps; et avec ce, fut généralement de tous ceux qui étoient dedans icelle ville moult honoré et exaucé pour la vaillance qui lui étoit advenue.

CHAPITRE CCIII.

Comment la sentence autrefois donnée contre maître Jean Petit fut rappelée ; de la prise de Lagny-sur-Marne ; de la venue du duc de Bretagne, et autres matières.

EN ces jours fut faite à Paris une procession générale de toutes les églises de la ville, et fut la messe chantée en l'église Notre-Dame. Et endementiers (pendant) qu'on chantoit la messe en ladite église, fut fait un sermon solennel au parvis d'icelle, par un frère mineur, docteur en théologie. Et là étoient les conseillers du roi de France, comme le chancelier et autres, et le recteur et notables clercs de l'université, plusieurs grands seigneurs, le prévôt et autres notables bourgeois de Paris. Et si en y avoit auquel étoient les vicaires, et autres officiers de l'évêque de Paris; lesquels, ayant sur ce puissance et commission générale spirituelle dudit évêque, lors malade à Saint-Maur

des-Fossés, rappelèrent au nom dudit évêque la sentence qu'icelui évêque et ses complices avoient donnée au temps passé contre l'honneur du duc de Bourgogne, et la proposition par icelui duc avouée, et faite par feu maître Jean Petit, ainsi que ci-devant est écrit ; en réparant, quant à ce, l'honneur et loyauté du duc, comme vrai champion de la couronne de France. Et audit sermon le compara à l'échalas soutenant la vigne ; et montrant quant à ce les lettres dudit évêque, et le pouvoir à eux sur ce donné, et excusant icelui, obstant sadite maladie. Et tant dirent et firent, présent le peuple illec assemblé et les seigneurs dessusdits, que le duc de Bourgogne en fut content; et fut ladite révocation faite au milieu du sermon.

Esquels jours vinrent nouvelles au duc de Bourgogne étant à Paris, comme dit est, que les Dauphinois, qui se tenoient à Meaux en Brie, avoient pris la ville de Lagny sur Marne, par faute de guet; ce qui étoit vérité. Et le propre jour qu'ils la prirent, ils firent moult de maux; mais aucuns de la garnison se sauvèrent en forte tour, et tantôt envoyèrent quérir secours au duc de Bourgogne, lequel hâtivement y envoya le seigneur de l'IleAdam, qui, par le moyen de ceux de la tour, rentra assez tôt dedans icelle, et mit à l'épée la plus grand' partie desdits Dauphinois. Et après qu'il eût mis forte garnison léans s'en retourna à Paris ; et le lendemain partit le duc de Bourgogne, à grand' puissance de gens d'armes de Paris, pour

aller au pont de Charenton au-devant du duc de Bretagne, qui venoit devers lui pour traiter de la paix du dauphin et du duc; mais ils n'y purent rien accorder ; et pour tant s'en retourna ledit duc de Bourgogne à Paris, et le duc de Bretagne en son pays. Et la cause pourquoi s'assemblèrent au pont de Charenton, si fut pour ce qu'on mouroit d'épidémie très merveilleusement dedans la ville de Paris; car, comme il fut trouvé par les curés des paroisses , y mourut pour cet an outre le nombre de quatre vingt mille personnes ; entre lesquels furent morts d'icelle pestilence, des gens du duc de Bourgogne, le prince d'Orange, le seigneur de Fosseux, messire Jennet de Poix, le seigneur d'Auxois, et moult d'autres gentilshommes.

Et brefensuivant revinrent les cardinaux d'Ursin et de Saint-Marc à Saint-Maur-des-Fossés, pour traiter la paix entre les seigneurs de France. Auquel lieu furent envoyés plusieurs notables ambassadeurs de par le roi, la reine, et le duc de Bourgogne; lesquels enfin firent un traité avec les gens du dauphin, qui y étoient, par le moyen desdits cardinaux, lequel sembloit être bon et profitable pour toutes les parties. Mais quand il fut reporté devers ledit dauphin et ceux de son conseil, n'en furent pas contents; et par ainsi se continua la guerre entre iceux, plus diverse que par

avant.

CHAPITRE CCIV.

Comment les Parisiens tuèrent de rechef les prisonniers; du siége de Mont-le-Héry, et de la prise de Soissons faite par le seigneur de Bosqueaux et ses complices.

DURANT les tribulations dessusdites, se rassemblèrent les communes gens de Paris en très grand nombre, comme ils avoient fait autrefois; et soudainement allèrent à toutes les prisons de Paris, lesquelles ils rompirent; et tuèrent bien trois cents prisonniers, dont les aucuns y avoient été remis depuis la grand' tuerie. Entre lesquels y furent morts, messire Jacques de Montmor et messire Louis de Corail, chambellan du roi, avec moult d'autres notables gentilshommes et gens d'église. En laquelle fureur très exécrable, les dessusdits allèrent à la basse-cour de la bastille Saint-Antoine, et demandèrent qu'on leur livrât huit prisonniers qui étoient léans, ou sinon ils assaudroient la place. Et de fait, commencèrent à démaçonner la porte; Pourquoi le duc de Bourgogne, qui étoit logé assez près de ladite bastille, très courroucé au cœur de voir faire à iceux telles dérisions, pour pis eschever ( (éviter), commanda que les huit prisonniers dessusdits leur fussent livrés, par si qu'aucuns de leurs capitaines promirent de les mener ès prisons

de Châtelet, et les laisseroient punir selon leurs démérites par la justice du roi. Atout (avec) lesquels, quand ils leur furent livrés, pour entretenir une partie de leur promesse, s'en allèrent assez près dudit Châtelet ; et là très cruellement les occirent et dénuèrent (dépouillèrent). Après, par grands compagnies, allèrent de rue en rue parmi Paris, en plusieurs maisons de ceux qui avoient tenu la partie du comte d'Armagnac, lesquels ils pilloient et occisoient très cruellement et inhumainement, sans avoir pitié ni merci d'eux. Et comme autrefois avoient fait, s'ils encontroient aucun homme ou femme qu'ils haïssent, quelque parti qu'il tînt, tantôt étoit mis à mort cruellement; desquelles communes étoit un des principaux capitaines, Cappeluche, bourrel de la ville de Paris.

Pour lesquelles dérisions, ledit duc de Bourgogne manda plusieurs notables bourgeois de la ville de Paris, auxquels il remontra le grand desroi (désordre) que faisoient icelles communes, dont lesdits bourgeois très humblement s'excusèrent envers ledit duc, disant que de ce étoient très dolents, et que ceux qui faisoient lesdites émeutes étoient gens de petit état, contendant à piller les riches et notables bourgeois, requérant audit duc de Bourgogne qu'il y voulsît pourvoir, et ils seroient à son aide.

Et lors fut dit à icelles communes, et défendu de par le roi, sur peine de perdre la vie, par la bouche du duc de Bourgogne, que dorénavant so

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