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et secrétaire du chevalier d'Aumale, chez qui il demeurait, à Paris. Dans le deuxième sonnet de la Roque à Poncet, nous trouvons un passage qui jette quelque lumière sur la famille du poëte; voici ce

passage:

Quand je te voy, Poncet, regretter nostre France,
Escrire ses malheurs et chanter son trespas,
Vrayment (dis-je) tu suis de ton oncle les pas,
Qui prophete preschoit sa fin et decadance.

Maurice Poncet, doc

Il est évident que cet oncle n'est autre que teur en théologie de l'université de Paris, né à Melun (1), et mort, à Paris, le 23 novembre 1586 (2). Maurice Poncet fut successivement curé de Saint-Aspais, à Melun, et de Saint-Pierre-des-Arcis, à Paris : c'était un de ces prédicateurs fougueux qui, pendant les troubles de la Ligue, excitaient les Parisiens par leurs déclamations. En 1583, il censura avec tant de violence la confrérie des Flagellants, instituée par Henri III, que le roi l'exila à Melun; plus tard, il revint à Paris, remonta dans sa chaire, et mourut en faisant au peuple les plus sinistres prédictions. C'est sans doute dans les sermons du curé de Saint-Pierre-des-Arcis que notre poëte puisa l'idée de ses regrets. On peut consulter, sur Maurice Poncet, l'histoire de Melun (3) de Sébastien Rouillard, qui, dans son gros livre, ne dit pas un mot du poëte. Rouillard parle aussi (4) d'un Jehan Poncet, né à Melun, et qui fut nommé par François Ier, abbé du couvent de Saint-Père de cette ville. Ce Jehan était probablement de la même famille que Maurice et Simon.

Le portrait de Simon Poncet a été gravé, par Thomas de Leu, vers l'année 1590: cette date est précieuse, car elle nous donne celle de la naissance de notre poëte. Autour du portrait, on lit ces mots : Anno ætatis suæ vigesimo nono. Poncet est donc né en 1561; il est représenté tenant à la main une marguerite. Nous cherchions à comprendre cette singularité, lorsque le poëte nous en a donné lui-même l'explication :

(1) Et non à Meaux, comme le dit Crevier, Histoire de l'université, t. VI, p. 386.

(2) Et non pas le 27 novembre, comme le disent les éditeurs de la Croix du Maine, t. II, p. 3.

(3) Pag. 627 et 628.
(4) Loc. cit., p. 276.

Je ne la tenois point en la main seulement,
Ains au plus pres du cœur trop vivement portraicte,
Et certes mon amour n'en fust oncque distraicte :
Car mon amour ne peut aymer le changement.

Je trouvay ceste fleur si douce au sentiment,
Si fraîche pour cueillir, si belle, si parfaicte,
Qu'il me sembla vray ment que nature l'eust faicte
Exprès, pour icy bas nous servir d'ornement.

Aussi l'ay-je chérie, ignorant que si belle
Elle eust si tost perdu sa douceur naturelle,
Et que le temps luy deust apporter tant d'aigreur.

La nature manqua en sa forme divine:
Car le temps trop facheux luy gela la racine,

Et me gela les doigts, la poictrine et le cœur.

Ces vers, pleins, charmans de fraîcheur et de naïveté, fortement empreints de tristesse comme tout ce qu'a fait notre poëte, semblent révéler une déception dans sa vie : ce sont les seuls vers d'amour échappés de sa plume; on ne les trouve pas dans ses œuvres, ils ont été insérés dans un Recueil de poésies de la Roque, qui engageait son ami à oublier l'ingrate Marguerite. Enfin, pour terminer ce que nous avions à dire des productions de Simon Poncet, nous indiquerons une épigramme latine qu'il composa en 1590 sur les Amours de Phyllis de la Roque, et qu'on trouvera en tête des œuvres de ce poëte.

Il n'est plus question de Simon Poncet après l'année 1590; nous pensons qu'il est mort vers cette époque : son silence semble autoriser notre conjecture. Un vers noble, un esprit tout à la fois mélancolique et passionné, une imagination riche et puissante; Poncet étoit doué de ces qualités qui font les grands poëtes: la patrie de Jacques Amyot doit être fière de le compter au nombre de ses enfans.

J.-MARIE GUICHARD.

SUR QUELQUES POÉSIES BOURGUIGNONNES.

Dans le beau catalogue de la bibliothèque de M. de Pixérécourt, publié en 1838, avec des notes littéraires et bibliographiques, se trouve annoncé, pag. 119, sous le n° 907, un Recueil de nouvelles poésies galantes, critiques, latines, françoises et bourguignonnes. Londres, s. d. (vers 1740). 2 part. en 1 vol. in-12. L'annonce de ce recueil, assez curieux et peu commun, méritoit bien d'être accompagnée d'une note de la part des savans bibliographes qui ont présidé à la rédaction du catalogue; aussi l'un d'eux a-t-il mis à la suite de cette annonce... « Ce recueil renferme des pièces très-curieuses qu'on ne rencontre pas ailleurs, et le choix paroît en avoir été fait par un homme d'esprit. Ce qui le recommande particulièrement, ce sont les pièces en patois bourgui⚫gnon, qui sont charmantes, et qu'on attribue, à Dijon, au * père d'Alexis Piron, honnête apothicaire qui n'en étoit pas moins poëte; je ne crois pas qu'elles soient imprimées autre part. On * peut savoir mauvais gré à Piron de n'avoir jamais parlé du ta⚫lent poétique de son père : le sien lui devoit certainement quelque chose. >>

B

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Cette note, comme tout ce qui sort de la plume du rédacteur, est ingénieuse et se fait lire avec plaisir; c'est dommage qu'elle manque d'exactitude, et que l'auteur ait été trompé dans les renseignemens qu'on lui a fournis. Je crois lui faire plaisir en lui signalant cette erreur, sans doute bien involontaire. Aimé Piron, père d'Alexis, n'est point auteur des poésies bourguignonnes en question; et elles ne méritent pas tout à fait les éloges qu'on leur donne ici. C'est ce que va prouver l'article que je leur ai consacré dans ma BIBLIOTHÈQUE idio-bourguignonne (ouvrage encore inédit). Cet article est le huitième des quatre-vingts qui composent cette bibliothèque, le voici textuellement :

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VIII. TROIS PIÈCES BOURGUIGNONNES détachées : 1° Lou véritable

vey de gódó; 2o une autre pièce, sans titre ; 3° Le menou d'or. Ces trois pièces occupent les pages 173-183 de la seconde

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"partie d'un RECUEIL de nouvelles poésies galantes, critiques,

« latines et françoises. Londres, cette présente année, in-12; je

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་་

présume que l'éditeur de ce recueil est dijonnois, et qu'il l'a publié vers le milieu du xvIIIe siècle (1).

« L'auteur de la première de ces trois pièces licencieuses est Pierre Malpoy, avocat et conseil de la ville de Dijon, qui y est "mort le 7 juillet 1644. Il a encore composé d'autres pièces qui dine méritent pas le même reproche que celle-ci, qui cependant a « été louée par Barthélemi Morisot (EP. vi de la 1

centurie).

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mais La Monnoye en a porté un jugement bien différent : s'en faut bien, dit-il, que cette pièce mérite les louanges qu'on « lui a données ; ce n'est, à le bien prendre, qu'un verbiage plein «de redites, même des contradictions. Le style, quoique assez

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énergique par-ci par-là, n'y est pourtant pas correct partout. Les élisions, malgré le privilége de la poésie bourguignonne, y sont choquantes, et la finesse du sens n'y dédommage presque nulle part des négligences de la versification, ce qui a donné de la réputation à l'ouvrage n'est autre chose que sa matière. L'obscénité nue auprès des lecteurs de mauvais goût, tenant lieu d'agrément et d'esprit, il n'est pas surprenant que ces gens, qui font toujours le plus grand nombre, aient eu le crédit de faire passer ce petit poëme pour un chef-d'œuvre.

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C'est, sans doute, cette débauche d'esprit qui a valu à son « auteur l'épigramme suivante, dans laquelle on joue sur son nom

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(Malpoy).

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«Sive malum pisum, malus aut pilus, aut mala pix es,

« Sive malum pondus, res mala semper eris.

Cette première pièce est suivie d'une autre du même genre et « que l'on croit appartenir au même auteur. Quant à la troisième, "Lou menou d'or (Le meneur d'ours), elle est aussi dans le genre

(1) Cet ouvrage est divisé en deux parties, ayant chacune leur grand titre en encre rouge et noire, et leur pagination particulière. La première partie a un avis de l'éditeur en 3 pages, la table des matières de cette partie également, en 3 pages, et sur la quatrième page une pièce latine intitulée : FORNICA, auctore, ut dicitur, Joanne Cusa, puis viennent 192 pag. remplies de pièces de vers plus ou moins longues.

La seconde partie a 183 pag., plus la table en 3 pag. non chiffrées; les pièces bourguignonnes occupent les pp. 173-183; elles fourmillent de fautes d'im pression, sans doute parce que l'ouvrier typographe ignoroit le patois bourguignon. Le reste de l'ouvrage est bien imprimé.

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libre; on ignore si Malpoy en est l'auteur, je ne le crois pas. » Il résulte, de ce que nous venons d'exposer, que ces trois pièces de poésie ne sont point d'Aimé Piron, père d'Alexis, et qu'elles lui sont bien antérieures, car elles datent d'environ 1620, et Aimé Piron est né à Dijon, le 1er octobre 1640, et y est mort le 7 décembre 1727; son fils Alexis est né le 9 juillet 1689, et est mort, à Paris, le 21 janvier 1773: il n'est pas non plus exact de dire qu'Alexis Piron n'a jamais parlé des poésies de son père. Dans une lettre, datée de Paris le 10 novembre 1750, qu'il adressait à son frère, apothicaire à Dijon, et qui a été imprimée, il lui dit : « Vous • m'enverrez quelques poésies de mon père, manuscrites ou autres; « Lai comédie du ba du bor ou l'opéra grionche' puisse-t-il s'y << trouver!... » Cette espèce de vaudeville, très-populaire', avait été publié longtemps auparavant sous le titre suivant : BONTAN de retor, operar grionche, ai Dijon, ché Defay, vé le palai, aivô pármission, 1714, in-12. La permission date du 12 décembre; cette pièce (Bon temps de retour) a été faite à l'occasion du traité de paix conclu entre Louis XIV et l'Empire, à Baden en Argaw, le sep༡ tembre 1714.

Aimé Piron, qui a précédé La Monnoye dans la carrière des noëls bourguignons, en a composé un grand nombre, connus sous le nom d'avents; mais presque tous ont disparu: il a, en outre, vingt-huit pièces bourguignonnes, la plupart très-satyriques, dont nous citons les principales dans notre BIBLIOTHÈQUE idio-bourguignonne.

G. P.

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