Images de page
PDF
ePub

sent, que tous les abus se découvrent, que toutes les aptitudes se produisent et que toutes les supériorités se démontrent.

Le moyen qu'on emploie est-il bon, est-il le meilleur?

Est-il donc absolument nécessaire que 86 départements, comme en France, se divisent en autant de camps ennemis, ayant tous et chacun leurs vainqueurs et leurs vaincus, une majorité et une minorité?

Est-ce la liberté? N'est-ce pas la guerre?

C'est la guerre civile socialement transformée; c'est la guerre civile, moins l'effusion du sang; c'est la guerre civile, avec cette différence qu'au lieu d'employer des cartouches, ce sont des bulletins qu'on emploie; ce n'est pas la liberté électorale.

Sans doute, c'est un progrès, mais ce n'est pas encore une solution.

La liberté électorale, veut que chacun vote, en paix, comme il l'entend et pour qui il lui plaît, sans agression, sans antagonisme, sans que choisir un nom ait forcément pour conséquence d'en exclure un autre, sans que voter pour ait indirectement pour effet de voter contre, sans qu'il soit nécessaire d'arborer une cocarde et de se ranger sous l'un des deux drapeaux en pré

sence.

Dans le système du morcellement électoral, les majorités seules sont représentées; les minorités sont exclues.

C'est l'oppression organisée des minorités.
C'est le despotisme localisé des majorités.

La France en est un exemple;

De 1848 à 1850, un grand citoyen qui avait blessé toutes les coteries en se plaçant au-dessus d'elles, pou

vait réunir sur son nom deux millions de voix disséminées en France, et n'être pas élu représentant, tandis qu'avec 9,000 voix concentrées dans un collége, tel candidat siégeait sur les bancs de l'Assemblée nationale.

A des élections générales, un candidat pouvait n'être pas élu avec 100,000 voix, et l'être, un mois après, avec moins de 10,000 voix, dans des élections partielles.

Combien de candidats, ayant eu de 50,000 à 100,000 voix, sont, en 1848 et 1849, restés au seuil de l'Assemblée constituante et de l'Assemblée législative ! Combien d'autres l'ont franchi, qui n'avaient eu que de 10,000 à 20,000 suffrages!

Dans tel département, pour réussir, il fallait plus de 100,000 voix; le tiers suffisait dans le département voisin.

Dans tel département, l'électeur avait le droit de nommer 28 représentants; dans le département contigu, l'électeur n'avait le droit d'inscrire que 7 noms sur son bulletin.

Le motif tiré de l'inégalité de la population comparée était-il un motif qui justifiât suffisamment cette inégalité du vote individuel?

Toute cette paperasserie qui s'intitule pompeusement Listes électorales, inscriptions, radiations, rectifications, révision, impression, révision, publication, etc., est-elle bien nécessaire? Ne pourrait-elle pas être supprimée sans que la sincérité des élections y perdit aucune garantie?

A quoi bon ces décisions de maires et de juges de paix, en instance, appel, pourvoi?

Pourquoi cette condition d'abord exigée et plus tard abandonnée de six mois d'habitation, puis de trois années de domicile? Est-ce que l'exercice du droit de sou

veraineté peut être rationnellement subordonné à un changement de résidence?

Pourquoi ne pas laisser à l'électeur la liberté de voter partout où il se trouve au jour de l'élection?

Pourquoi, en tout et toujours, s'appliquer à susciter des difficultés, au lieu de s'appliquer à les aplanir? Simplifier, on le sait, est ma constante devise. Donc, je me suis posé les questions suivantes : Est-il possible de faire que le vote universel cesse d'être la guerre civile et devienne la liberté électorale?

Est-il possible de supprimer toutes les luttes locales par un mode de la simplicité duquel il résulte que majorités et minorités soient toujours exactement additionnées et fidèlement représentées?

Est-il possible de faire que le vote universel marche de lui-même, sans bourrelets, sans lisières, sans organisation préalable, qui le désorganise; sans élections préparatoires, qui imposent à la majorité insouciante les choix de la minorité active; sans comités directeurs, qui le faussent; sans conclaves souverains, qui le confisquent?

Est-il possible de maintenir au vote universel l'inviolabilité de sa condition essentielle de suffrage direct?

Est-il possible de décompliquer tout ce qui complique l'exercice du droit électoral, et de le rendre si simple et si sûr qu'il n'y ait plus de difficultés à le rendre annuel et même à y recourir en toutes circonstances graves où la puissance nationale doit prononcer?

Est-il possible de laisser sans inconvénient à tout électeur le droit de voter partout où il se trouve au jour de l'élection?

Est-il possible d'éviter et de supprimer les réélections

partielles, qui ont le grave inconvénient de venir souvent infirmer le sens politique de l'élection générale précédente?

Telles sont les questions que je me suis posées, comme on pose des jalons sur une route nouvelle qu'on veut ouvrir; ces jalons m'ont conduit, après plus d'un tâtonnement, plus d'un redressement, à la découverte d'un mode extrêmement simple d'exercice de la puissance individuelle, communale, corporative, nationale, et je le crois aussi puissant qu'il est simple et

nouveau.

Ce mode d'exercice de la puissance individuelle et collective donne à la Majorité l'administration publique et à la Minorité le contrôle national; en même temps qu'il fait sortir de l'urne électorale un Élu, il en fait sortir onze contrôleurs; comme chaque électeur ne peut écrire valablement qu'un seul nom sur son bulletin, il résulte de cette combinaison toute neuve : que le premier nom qui sort de l'urne électorale indique la couleur de la Majorité compacte, et que les onze autres noms qui suivent représentent toutes les nuances de la Minorité divisée.

Le candidat dont le nom est sorti le premier de l'urne électorale est proclamé MAIRE D'ÉTAT.

Les onze autres candidats qui viennent ensuite par rang d'inscription sur le tableau de recensement général des votes sont proclamés membres de la COMMISSION NATIONALE DE SURVEILLANCE ET DE PUBLICITÉ.

Total: XII noms;

Savoir :

UN nom qui représente la Majorité compacte;
ONZE noms qui représentent la Minorité divisée.

Ce nombre XII suffit pour permettre à toutes les opi

nions dissidentes, à tous les intérêts inquiets, à toutes les idées mines, de se produire et de se compter; mais s'il ne suffisait pas, rien ne serait plus facile que de l'augmenter. Ce que je cherchais done, je l'ai trouvé : un véritable chronomètre qui, au lieu de marquer la marche du temps par le chiffre des heures, la marque par le nom des hommes.

Majorité et Minorité sont et doivent être les deux temps du pendule politique.

Pourquoi le pendule politique ne faisait-il jamais un mouvement, soit à droite, soit à gauche, que pour s'arrêter aussitôt? — C'est que le deuxième temps n'avait pas lieu, c'est que la Minorité était condamnée à l'immobilité et que, seule, la Majorité fonctionnait.

Dans ce système, il n'y a qu'un seul collège pour l'État tout entier. Tout lien où l'on vote est considéré comme section de ce collège unique. Toutes les voix données à chaque candidat dans toute l'étendue du territoire sont d'abord recueillies par section; toutes les sections comprises dans la mème Commune sont additionnées à la Commune, et totalisées au chef-lieu de l'État dans les bureaux de la Questure chargée de dresser le tableau général de recensement des votes.

Plus d'élections partielles.

Plus de listes électorales; pour les rendre inutiles, il suffit que la cote délivrée par le percepteur revête la forme dont j'ai établi le modèle, et à laquelle j'ai donné le nom d'INSCRIPTION DE VIE OU POLICE D'ASSURANCE GÉNÉRALE.

On peut voter indistinctement partout où l'on est, mais on ne peut valablement inscrire plus d'un nom sur son bulletin. Le vote se constate par l'apposition d'un timbre sur la POLICE D'ASSURANCE GÉNÉRALE, au moment même où l'électeur dépose son bulletin dans

« PrécédentContinuer »