Images de page
PDF
ePub

Tous les rapports se simplifient.
Toutes les erreurs se rectifient.

Toutes les forces s'utilisent; il n'en est plus perdu

aucune.

L'art de détruire fait place entièrement à l'art de produire, l'art de combattre à l'art de convaincre.

La vitesse du progrès s'accroît par l'imitation élevée à sa plus haute puissance, dans une proportion dont le passé ne saurait donner l'idée.

L'homme cesse de lutter follement contre des difficultés créées à lui-même par lui-même; n'étant plus détourné de sa tâche et n'ayant plus d'autre soin que de vaincre les résistances de la nature, que de la contraindre à lui livrer successivement tous ses secrets, ce qu'il sait lui sert à découvrir ce qu'il ignore; et par ce qu'il a fait dans le passé, quand il était dénué de ressources, de connaissances et d'instruments, on peut mesurer ce qu'il fera dans l'avenir, maintenant qu'il dispose d'instruments puissants, de connaissances précieuses, de ressources inépuisables.

La liberté s'affermit par la paix, la paix s'affermit par la liberté.

L'unité continentale, ainsi comprise, est à l'unité communale ce que le collier est à la perle, ce que la chaîne est à l'anneau, ce que la branche est au fruit.

Telle est la politique nouvelle que le jour est venu d'arborer et dont il appartient aux nations les plus avancées en civilisation de prendre l'initiative.

C'est la politique de la Paix, de la Liberté, de la Science, du Travail et du Crédit opposée à la politique de la Guerre, de la Servitude, de l'Ignorance, de la Conquête et de la Force.

Un seul mot la résume: ASSURANCE.

Assurance appliquée à tous les risques, y compris le risque de guerre.

Dira-t-on qu'assimiler la guerre à un risque auquel il soit possible d'appliquer le principe de l'assurance et le calcul des probabilités est une erreur et une chimère.

En quoi donc ?

Mais si plusieurs nations ne veulent pas ou ne veulent plus s'assurer contre le risque de guerre, quel sera le moyen de coaction que possèderont les autres nations, sinon de recourir elles-mêmes à la guerre ?

-

Si plusieurs nations refusent de s'assurer contre le risque de guerre, elles seront relativement aux autres nations assurées exactement dans la même posi→ tion que des propriétaires de maisons non assurés contre l'incendie, relativement aux autres propriétaires assurés.

Mais si une nation emploie la force des armes pour soutenir ses prétentions, que feront les nations assurées et qu'arrivera-t-il ?

Il arrivera que cette nation isolée entamera une lutte si inégale que ce sera de la démence. Or, la démence peut exister, mais elle ne se suppose pas.

Niera-t-on que la guerre soit un risque. Si la guerre n'est pas un risque, qu'est-ce donc que la guerre ? Est-ce une nécessité? Par nécessité on entend ce dont on ne peut se passer. Les Peuples, ces grandes légions de travailleurs, ne pourraient-ils donc se passer de la guerre? Qu'est-ce que la guerre leur rapporte ? Qu'y gagnent-ils? Sans compter les blessures, les bras et les jambes emportés, les yeux crevés, ils n'y gagnent jamais que de payer des impôts plus lourds, se soldant par un surcroît de privations ou par un surcroît de travail. La guerre ne s'allume pas toute seule; elle n'éclate que par la volonté des gouvernements, lesquels, s'érigeant en tuteurs des peuples, se prétendent plus éclairés qu'eux. Le jour où les souverains qui pré

sident aux destinées de l'Europe conformeront leurs actes à leurs paroles *, c'en sera fini de la guerre, puisque tous la réprouvent, la flétrissent, la condamnent. Impossible de concilier la superstition qui fait considérer la disparition de la guerre comme une utopie, avec cette autre superstition qui fait considérer l'hérédité du trône comme une garantie. Une de ces deux superstitions exclut et condamne l'autre. Si les rois sont les tuteurs éclairés des nations, ils doivent se conduire en hommes civilisés et non en barbares. Or, qu'est-ce que la guerre si ce n'est pas la barbarie ? Justifier l'existence de la guerre, c'est condamner l'institution de la royauté. Lorsque j'entends des êtres doués de la faculté de raisonner prétendre que parce que la guerre a existé dans le Passé, elle ne saurait cesser d'exister dans l'Avenir, je crois entendre des Caraïbes ne comprenant pas qu'il soit possible de se dispenser de faire rôtir et de manger leurs prisonniers, ou je crois lire Aristote, n'admettant pas qu'une société puisse exister sans l'esclavage, et disant : « Il » est des travaux auxquels un homme LIBRE ne sau>> rait s'occuper sans s'avilir lui-même: ce sont ceux » pour lesquels l'énergie physique est seulement né>> cessaire. Mais pour ces travaux la NATURE CRÉE » une CLASSE SPÉCIALE D'HOMMES; et ces êtres parti

« Je ne désire pas la guerre, je L'ABHORRE aussi sincèrement que vous. »

L'empereur NICOLAS aux membres de la députation de la Société religieuse des Amis de la paix. «Sa Majesté l'empereur a reçu l'adresse présentée par la députation de la Société des Amis avec une vive satisfaction, comme l'expression de sentiments entièrement conformes à ceux dont il est animé lui-même. Sa Majesté a HORREUR, comme eux, DE LA GUERRE, et désire sincerement le maintien de la paix.

>> NESSELRODE.

>> Saint-Pétersbourg, le 13 février 1854. »

>> culiers sont ceux que nous nous soumettons, afin de » travailler corporellement à notre place sous le nom » d'esclaves. » Or, les sociétés nouvelles ont démontré qu'elles pouvaient se passer facilement de l'esclavage. Encore un pas dans cette voie, et les sociétés futures montreront qu'elles peuvent se passer non moins facilement de la guerre.

Guerre et esclavage sont destinés à la même fin. L'une ne doit ni ne peut survivre à l'autre. Les principales causes de guerre ont déjà disparu; toutes tendent finalement à disparaître. Il n'y a plus de guerres de religion, il n'y aura plus de guerres de conquête *.

Pourquoi donc maintenant entre nations civilisées se ferait-on la guerre? Qu'y gagnerait-on ? La France s'emparât-elle de la Belgique, les Français en seraient-ils plus riches? Travailleraient-ils et consommeraient-ils plus? De même que le risque d'incendie tend à devenir de plus en plus rare, depuis que la tuile, le zinc, le fer, ont remplacé dans la construction des maisons et des usines le chaume, le bardeau, le bois; de même le risque de guerre tend à devenir de plus en plus rare depuis que les échanges de produits et les moyens rapides de transports jouent un rôle plus important que les agrandissements de territoire et que les obstacles naturels servant de frontières. Que sont maintenant les montagnes, perforées par les tunnels des chemins de fer? Que sont maintenant les fleuves, traversés par la multitude des bateaux à vapeur?

*« J'aime à le proclamer hautement, LE TEMPS DES CONQUÊTES EST PASSÉ SANS RETOUR; car ce n'est pas en reculant les limites de son territoire qu'une nation peut désormais être honorée et puissante, c'est en se mettant à la tête des idées généreuses, en faisant prévaloir partout l'empire du droit et de la justice. »

L'empereur NAPOLÉON III. Discours du 2 mars 1854.

En résumé, ce que seize princes ont pu faire le 12 juillet 1806 sous le nom d'ÉTATS CONFÉDÉRÉS DU RHIN, ce que le 8 juin 1815 trente-huit États ont pu faire sous le nom de CONFÉDÉRATION GERMANIQUE, pourquoi quelques princes et quelques États de plus ne pourraient-ils pas le faire? L'Europe aurait-elle marché en arrière au lieu de marcher en avant, et seraitelle donc moins avancée en 1852 qu'en 1815? Ce que je propose, après tout, qu'est-ce autre chose que ce qu'ont exécuté les vingt-deux cantons de la Suisse, le 7 août 1815, et que ce qu'ont réalisé les princes de la diplomatie s'appelant Metternich, Hardenberg, Humboldt, Gagern? Les appellera-t-on des esprits chimériques, des esprits absolus? L'acte de Constitution fédérative de l'Allemagne a prévu le cas d'infraction aux engagements contractés; je pourrais donc m'en tenir aux termes de l'article XI de ce traité; mais considérer la guerre comme un risque et appliquer à ce risque le principe de l'assurance est une idée si simple et si juste qu'elle rend inutile la constitution d'aucun tribunal commençant par employer la médiation et finissant par rendre un jugement austrégal. Liberté : telle est ma règle et je ne m'en dépars pas. Si un des États, après avoir adhéré à la convention ayant pour objet l'institution d'une assurance spéciale contre le risque de guerre, pouvait ne plus vouloir continuer de concourir à cette assurance, qu'à toute époque il soit libre d'y renoncer, car il n'y a jamais rien à gagner de maintenir dans l'indivision celui qui n'y veut point rester. Mais le cas d'une telle séparation serait contraire à toutes les probabilités, à toutes les vraisemblances, car l'État qui s'isolerait ne pourrait jamais avoir qu'à y perdre. Si forte qu'on suppose une fraction, elle sera toujours moindre qu'un entier.

De toutes parts, les esprits tendent plus que jamais

« PrécédentContinuer »